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Grand Angle

Santé : La Cour des comptes pointe les disparités territoriales et la politique pharmaceutique

La Cour des comptes a publié, cette semaine, son rapport annuel au titre de l’année 2021, qui réserve une partie au secteur de la Santé. Elle y pointe des «disparités territoriales et déséquilibres au niveau de la couverture de la population» pour les ressources humaines du ministère de la Santé et plaide pour une politique nationale pharmaceutique basée sur la stimulation de la production locale.

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Photo d'illustration. / DR
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Au Maroc, l’analyse des données du personnel de santé des secteurs public et privé a montré une légère évolution de la densité des agents de santé au cours de la dernière décennie. En effet, ce taux est passé de 51,1 agents de santé pour 1 000 habitants en 2011 à 64,1 en 2020, soit une légère amélioration de la couverture qui s'explique, selon la Cour des comptes, principalement par une augmentation du nombre de médecins, notamment des médecins du secteur privé. En revanche, la densité des médecins du secteur public a diminué, note l’institution dans son rapport annuel de 2021, publié cette semaine, rappelant que cette légère évolution n'a pas été enregistrée de manière égale entre les différentes régions du royaume.

Ainsi, concernant la répartition et le développement des agents de santé du ministère de la Santé et de la protection sociale, et en l'absence de critères précis, la Cour des comptes estime qu’il est «difficile de déterminer le niveau de compatibilité entre les effectifs médicaux disponibles et les besoins sanitaires de la population ainsi que les besoins des établissements de santé».

Une utilisation non optimale des ressources humaines

Elle a estimé que la répartition des effectifs ne «dépend pas de critères objectifs», ce qui «conduit à l'émergence de disparités territoriales et de déséquilibres dans le niveau de couverture de la population, ainsi qu'à une mauvaise compatibilité entre les infrastructures et les ressources humaines qui y sont affectées». A cela s'ajoute aussi «l'utilisation non optimale des ressources humaines disponibles». 

Le rapport annuel pointe à cet égard «la prédominance des spécialisations non prioritaires, la baisse de la part des spécialisations prioritaires, ainsi que le renforcement de l'offre de soins qui ne sert pas à soutenir les soins de proximité». «Les mécanismes assurant une redistribution équilibrée des ressources humaines restent inefficaces et aggravent même les disparités et les déséquilibres», estime-t-on. La Cour des comptes y estime que «la pénurie de médecins, d'infirmiers et d'infirmiers techniciens va, en général, continuer à augmenter au cours des années à venir», tandis que «la couverture adéquate de la population (45,4 agents de santé pour 1 000 habitants selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé) reste difficile à atteindre».

Le rapport fait aussi remarquer que la poursuite du rythme actuel d'emploi par le ministère «ne permettra pas de couvrir les besoins résultant des anticipations de départ, dès 2028». Il reconnaît cependant que ces défis majeurs «dépassent le champ d'intervention du ministère en charge de la santé et nécessitent la participation des différents secteurs gouvernementaux concernés, en termes de formation, de planification et de gestion des agents de santé, ainsi que la compatibilité entre leurs interventions».

Afin de surmonter ces difficultés, la Cour des comptes a recommandé «l’élaboration d'une politique gouvernementale multisectorielle dédiée aux ressources humaines dans le secteur de la santé, prenant en compte les différents critères qui influent sur sa disponibilité et veiller à renforcer l'attractivité de l'hôpital public». Elle recommande aussi «de prendre des mesures efficaces pour renforcer l'Autorité des médecins généraux, et d'assurer le développement et la répartition des spécialités prioritaires en cohérence avec les besoins réels de la population et les spécificités des différentes régions du le Royaume».

Pour une politique du médicament basée sur la stimulation de la production locale

La Cour des comptes s’est également intéressée à la politique pharmaceutique nationale, en se penchant sur les opérations d'autorisation de mise sur le marché, de contrôle et de fixation du prix de vente des médicaments. Elle estime à cet égard que «le cadre légal applicable n'encourage pas suffisamment le développement de la production locale, en général, et du marché des médicaments génériques, en particulier». Pis, «le cadre légal actuel stimule l'importation au détriment de la production locale, en accordant une marge bénéficiaire supplémentaire de 10% du prix d'usine sans calculer les frais sur chaque médicament importé», pointe le rapport.

En ce qui concerne le développement du marché des médicaments génériques, la durée du brevet des médicaments originaux au Maroc (entre 20 et 25 ans, selon la loi n°97.17 relative à la protection de la propriété industrielle) est relativement longue par rapport à d'autres pays, fait-on remarquer. Le rapport pointe aussi «l’absence d'un système informatique intégré et la faible couverture des activités médicamenteuses de la Direction du médicament et de la pharmacie par des applications informatiques fonctionnelles», outre le fait que «le ministère ne dispose pas de données sur la production nationale de médicaments», alors que «le système national d'évaluation des besoins reste incomplet et inexact». «Le suivi et le contrôle de la qualité des médicaments proposés sur le marché national restent limités du fait que le cadre légal de ce contrôle est incomplet, et la Direction du Médicament et de la Pharmacie ne dispose pas des pouvoirs nécessaires pour mettre en œuvre les mesures nécessaire», ajoute-t-on.

Quant aux prix, la Cour des compte estime que la sélection des pays de référence pour la fixation et la révision «n'a pas été faite sur la base d'une étude a priori» et rappelle que «les prix des médicaments sont affectés négativement par les marges bénéficiaires des établissements pharmaceutiques de gros, des pharmacies et le taux de la taxe sur la valeur ajoutée, jugé élevé par rapport aux pays standards».

Dans ce sens, les sages de Zineb El Adaoui recommandent de «compléter le cadre légal réglementant le secteur pharmaceutique et de veiller à sa mise à jour régulière», plaidant pour une «politique nationale du médicament basée sur la stimulation de la production locale» tout en veillant à sa mise en œuvre ainsi qu’une révision des processus d'autorisation de mise sur le marché, du suivi et de la détermination du prix de vente.

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