Menu

Grand Angle

La nomination de Fatima Zibouh à Bruxelles 2030 réveille le racisme de Laurent Minguet

Docteure en sciences politiques et sociales, chargée de faire de Bruxelles la capitale européenne de la culture en 2030, Fatima Zibouh a été visée par des propos racistes et islamophobes de la part d’un membre de l’Académie royale de Belgique. L’institution veut désormais amender son règlement intérieur, surtout que de telles situations nécessitant d’envisager une éventuelle exclusion ne se sont jamais posées.

Publié
Fatima Zibouh
Temps de lecture: 3'

Membre de l’Académie royale de Belgique, l’entrepreneur Laurent Minguet a été épinglé pour ses propos racistes et haineux, après un tweet appelant à la «lapidation» de Fatima Zibouh. Née en Belgique, d’une famille marocaine, la docteure en sciences politiques est en charge du projet Bruxelles 2030, pour faire de la ville la capitale européenne de la culture, d’ici sept ans. L’Académie a d’ores et déjà pris ses distances des propos tenus, indiquant qu’ils n’engageaient que leur auteur. Lundi 13 février, le compte Twitter du concerné a été momentanément suspendu.

Réagissant aux arguments de Laurent Minguet, qui a prétexté des propos ironiques, Didier Viviers, le secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique, a soutenu auprès du journal Le Soir que ce tweet n’avait «rien à voir avec de l’humour». «La comparaison avec l’humour Charlie Hebdo ne tient pas car, quand j’achète Charlie, je sais ce que j’achète. La perception de l’humour est toujours liée à un contexte. Ce n’est pas parce qu’on met un emoji que c’est de l’humour».

Au lendemain de la polémique, l’Académie royale de Belgique a par ailleurs annoncé que deux procédures étaient en cours. La première consiste à l’actualisation du règlement disciplinaire intérieur. Jusqu’ici, l’institution ne s’est pas dotée d’outils procéduraux pour répondre à des comportements racistes ou discriminatoires émanant de ses membres et nécessitant l’exclusion. Pour cause, «en 250 ans, jamais la question ne s’est posée, de devoir exclure un membre pour des propos racistes ou incitant à la haine… sauf, dit Didier Viviers, ‘peut-être et de manière assez exceptionnelle à la fin de la Seconde guerre mondiale par rapport à la collaboration’», rappelle la RTBF, citant Didier Viviers.

L’autre procédure est une action en justice, intentée par l’Académie contre Laurent Minguet, avec le Centre de lutte contre le racisme (UNIA). Selon son directeur, les propos de Laurent Minguet à l’égard de Fatima Zibouh pourraient tomber sous le coup de la loi Moureaux. L’instance peut saisir la justice, à condition que la concernée donne son accord.

Un virage vers l’extrême droite

Depuis, Fatima Zibouh a reçu plusieurs soutiens publics de personnalités politiques et culturelles. Pour sa part, le Collectif pour l’inclusion et contre l’islamophobie (CIIB) a pointé des propos islamophobes, émanant d’un responsable déjà épinglé pour ses propos racistes et discriminatoires. «L’incitation à la haine est un délit… Et Laurent Minguet, avec qui l’Académie a déjà pris ses distances, récidive. Jusqu’à quand cette impunité ?», s’est interrogée l’organisation.

En effet, Laurent Minguet a multiplié les polémiques, depuis ces deux dernières années, en tenant des propos proches du discours d’extrême droite. «En 2020, il accusait des associations d’être des ‘trucs islamo-gauchistes’. En 2022, un autre de ses tweets fait polémique. Il s’attaque alors au ‘QI des noirs’ qu’il décrit comme inférieur à celui des blancs», rappellent les médias belges. Dans le temps, le virologue Emmanuel André a dénoncé une «promotion de théories racistes sans fondements».

Sur les réseaux sociaux, Laurent Minguet s’est est déjà pris à des élus, notamment François De Smet (DéFI), qui a récemment réagi aux séquelles après l’attaque contre l’auteur Salman Rushdie, en août 2022. «Et sur la nomination de Zibouh rien à dire ? Hypocrisie», a écrit Laurent Minguet plus tard, avant de se fendre de son dernier tweet concernant la politologue.

Depuis le début du mois de février, c’est surtout à droite que Fatima Zibouh essuie les critiques, après sa désignation à la tête de Bruxelles 2030. Ses détracteurs arguent qu’en 2013, elle a cofondé Empowering Belgian Muslims (EmBeM), une ASBL initiée avec un ex-membre des Frères musulmans, devenu ensuite militant pour un islam libéral.

Une nomination sur la base des critères de compétence

De son côté, le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) a défendu la nomination de Fatima Zibouh, dont le profil répond aux exigences du poste. «L’intéressée dispose d’un doctorat de l’Université de Liège traitant de la politique culturelle des minorités», a-t-il indiqué, soulignant par ailleurs que la porteuse du projet «travaille depuis plusieurs années chez Actiris», au service anti-discrimination.

Pour l’heure, Fatima Zibouh n’a pas indiqué si elle comptait saisir la justice ou non. Sur ses réseaux sociaux, elle a exprimé ses remerciements aux personnes qui lui ont apporté leur soutien, face aux attaques et surtout aux récentes insultes racistes. «On continue et on ne lâche rien! Avec Jan Goossens mais aussi tout·e·s les Bruxellois·es, on mettra ensemble notre énergie pour faire de Bruxelles, la capitale européenne de la culture en 2030», a-t-elle insisté.

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com