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Tribune

UE-Maroc : Le fond, la forme et la manière

Nous et le Parlement européen : Ne pas s’aveugler pour se donner bonne conscience.

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L’équilibre sur lequel repose le partenariat Maroc - Union européenne est sérieusement secoué, non par l’exécutif, ni cette fois par les juridictions européennes mais par le parlement Européen à travers sa résolution du 19 janvier 2023 (la dernière résolution sur le Maroc a plus de 20 ans). Pour la première fois, il importe de le relever, ce ne sont pas seulement les courants tradionnellement hostiles à notre intégrité territoriale qui se sont prononcés pour la résolution. C’est là un point crucial qui doit interpeller, si l’on veut un tant soit peu y voir clair. Quant à nous resservir les vieux poncifs sur un complexe politico-médiatique qui conspirerait contre un Maroc en pleine expansion, il faudra se montrer plus convaincant en étayant l’allégation sur des éléments tangibles. Nous avons certes des adversaires, voire des ennemis que nous connaissons, mais tout propos critique à notre endroit ne peut être sérieusement rangé dans cette catégorie. 

En attendant, deux questions méritent d’être posées et étayées par des faits et non des jugements a priori : La première est de savoir si la résolution du parlement Européen exprime une hostilité d’un genre nouveau à l’endroit du Maroc ? Auquel cas, il faudrait aborder frontalement la question du décalage en Europe, entre un parlement hostile et à l’inverse un exécutif manifestement décidé à renforcer le partenariat stratégique Maroc-UE comme vient de le confirmer Joseph Borrell lors de sa visite à Rabat en décembre dernier. Peut-on, en toute logique, avoir pour «partenaire stratégique», une entité politique dont l’institution représentative nous serait, dans de telles proportions, hostile ? 

La deuxième question est de savoir si la posture critique du parlement Européen, ne traduit pas plutôt un sentiment d’exaspération à l’égard des pratiques auxquelles le Maroc recourt pour défendre ses intérêts ? Et dans ce cas, c’est nos méthodes d’action qui sont pointées et qu’il convient de mettre à plat. Par exemple, alors que le Parlement européen semble comme jamais secoué par des affaires de corruption dans lesquelles le Qatar et le Maroc sont précisément cités, l’attitude jugée «intrusive» de la délégation marocaine dépêchée au parlement pour peser sur le vote de la résolution, semble avoir été très mal vécue.

Ali Bouabid, directeur général de la Fondation Bouabid. / DRAli Bouabid, directeur général de la Fondation Bouabid. / DR

La forme et la manière

A présent, et au-delà de ces contingences, pour «nourrir» et «protéger» ce partenariat de «voisinage géographique, de valeurs partagées et d’intérêts communs» cher à notre ministre des Affaires étrangères, il convient d’en saisir toutes les implications. Et notamment de conduire avec l’Europe un dialogue permanent et franc, y compris au niveau parlementaire, sur ces «intérêts et valeurs partagées» parmi lesquels figurent le respect des libertés pointé dans la résolution. 

Dans un dialogue entre partenaires, il y a des règles que le Parlement européen a, dans la précipitation, allègrement piétiné et qu’il importe de rappeler brièvement. D’abord, quand on est dans le dialogue, on y met le ton qui sied à ce genre d’exercice. La résolution s’en est clairement affranchie. Ensuite, on dialogue avec son homologue. Autrement dit, si le parlement européen a quelque chose à nous dire, c’est à son homologue, à savoir au parlement Marocain, qu’il doit prioritairement s’adresser et non au gouvernement, de surcroît sur un ton péremptoire et comminatoire inacceptable. Enfin, sur le respect des libertés, le Parlement européen aurait pu se montrer plus constructif en commençant par solliciter l’ouverture d’un dialogue bilatéral en présence des organisations marocaines des droits de l’Homme. Et ce n’est qu’à l’issue d’un tel processus et à la lumière de ses conclusions qu’une résolution aurait pu être le cas échéant prise.

Sur le fond

L’Europe doit en effet comprendre que nous sommes des partenaires dans une relation d’égalité, et que le temps ou le nord faisait la leçon au sud est désormais révolu y compris sur le thème des libertés sur lequel l’Europe n’est d’ailleurs pas exempte de reproches. Le Maroc doit à son tour consentir à ce que les valeurs qu’il dit avoir en partage avec l’Europe, comportent des exigences auxquelles il doit accepter de se conformer. D’abord et avant tout parce qu’il a souverainement érigé l’orientation démocratique en option irréversible. 

Car il faut le dire, c’est bien un crève-cœur de se voir encore reprocher, des années après les recommandations de l’IER, des vérités sur les atteintes à la liberté d’opinion dont sont victimes des journalistes qui croupissent aujourd’hui en prison pour avoir tenu des propos critiques dans les limites de la loi, autrement dit, pour avoir fait leur travail. 

Ce n’est donc pas parce que le Parlement européen a eu tort, sur la forme, que nous Marocains, avons en tout point raison sur le fond.

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Ali Bouabid
Directeur général Fondation Bouabid
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