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Grand Angle

Participation politique des MRE : Associatifs et experts critiquent le dernier rapport du CESE

Alors que le CESE évoque des «contraintes d’ordre organisationnel et logistique ainsi que des incompatibilités d’ordre juridique» pour expliquer la non-participation politique des MRE, des associatifs et des experts de la question critiquent ce récent avis, pointant un rapport «décevant» et utilisant «des arguments éculés» et une «exclusion» qui persiste pour les Marocains du monde.

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Photo d'illustration. / DR
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«Circulez, il n’y a rien à voir». Telle est la conclusion qu’on imagine ressortir en consultant la partie réservée à la «représentation et participation politiques» des Marocains du monde, dans le dernier avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE). En effet, le document déçoit dans les milieux MRE, d’autant plus qu’il évoque «des contraintes d’ordre organisationnel et logistique ainsi que des incompatibilités d’ordre juridique» qui rendraient «difficilement envisageable la mise en place» de circonscriptions dédiées aux MRE. L’avis va même jusqu’à minimiser l’importance d’une telle question, affirmant que «seuls 9 pays ont mis en place, avec des degrés divers d’effectivité, un système électoral et une représentation parlementaire pour leurs ressortissants à l’étranger».

Bien qu’il recommande de «développer la participation, la représentation des MDM (Marocains du monde, ndlr) dans les institutions consultatives et de bonne gouvernance, instituées par la Constitution ou par la loi» et de «mettre en place les dispositifs matériels, notamment digitaux, permettant de faciliter l’inscription sur les listes électorales nationales et les votes MDM aux scrutins législatifs», les arguments du CESE pour expliquer la non-participation politique des MRE irritent les associatifs et les experts de la question.

«On se retrouve avec un rapport qui reprend les mêmes conclusions qui datent et qui n’ont plus lieu d’être. Comment peut-on prendre pour argumentaire ce type de conclusions alors qu’aujourd’hui, nous sommes en 2022, à la quatrième génération de Marocains à l’étranger et que nous n’avons plus rien à prouver quant à notre appartenance et notre patriotisme envers la Nation ?», s’indigne, ce jeudi, Sakem Fkire. Président de l’association Cap Sud MRE, il affirme faire «un parallèle opportuniste avec l’équipe nationale marocaine», rappelant que celle-ci «a très bien représenté la nation dans la Coupe du monde 2022 ainsi que l’ensemble de la communauté marocaine à l’étranger dans le monde».

Les MRE «exclus» avec «un argumentaire qui ne tient pas la route»

«Il s’avère que le Maroc a brillé avec son excellence, son patriotisme et son nationalisme mais notre pays d’origine nous refuse encore une fois cette participation», regrette-t-il, ajoutant que le Mondial 2022 «était l’occasion de prouver que les MRE sont plus que patriotiques et qu’ils sont là pour faire briller la Nation, bien que celle-ci refuse de faire briller les MRE en son sein».

«Nous sommes encore une fois exclus avec un argumentaire qui ne tient pas la route. Le rapport a interviewé des institutions qui semblent être opposées à la participation politique des MRE. Notre association n’a pas été consultée et sollicitée alors qu’elle a participé au Dialogue social sur la société civile en 2014.»

Salem Fkire

L’associatif rappelle que l’ONG avait aussi déjà élaboré un rapport en interrogeant des MRE. «Le résultat a été l’inverse de ce qui est donné aujourd’hui : 85% des MRE interviewés avaient sollicité la participation politique. Il est temps, à mon sens qu’il y ait des MRE de seconde et de troisième génération à la tête de nos institutions pour l’intérêt de la Nation», déclare-t-il.

L’occasion de rappeler que «Walid Regragui, le sélectionneur national, va rentrer dans le 91 (département de l’Essonne, ndlr) mais ne pourra pas voter lors des prochaines élections au Maroc, même s’il a représenté la Nation au Qatar et a rendu le Maroc fier ? C’est le cas aussi des autres joueurs de l’équipe nationale, comme Hakim Ziyech aux Pays-Bas ou Achraf Hakimi en Espagne». «C’est vrai que c’est de l’opportunisme, mais nous ne pouvons pas profiter d’un côté et nous exclure de l’autre. C’est pour nos parents, qui sont les premiers ambassadeurs du Maroc depuis plus de 70 ans, soit bientôt un siècle ! Ils n’avaient pas la voix mais aujourd’hui, la nôtre porte et nous l’avons démontré lors de cette Coupe du monde», conclut-il.

Un rapport «décevant» et utilisant «des arguments éculés»

L’universitaire et chercheur en migration, Abdelkrim Belguendouz est du même avis. «Cet avis du Conseil économique, social et environnemental s’est aligné pratiquement sur les positions anti-participationnistes des dirigeants du CCME qui ont été auditionnés. Pour justifier la non-représentation parlementaire des citoyens MRE, l’avis du CESE (complétée par la restitution publique faite le 20 décembre 2020) utilise des arguments éculés», tranche l’expert, dans une réponse écrite.

Il cite, dans ce sens, «le faible nombre de pays qui organisent cette représentation, les difficultés matérielles et logistiques d’organiser des élections à l’étranger, l’échec de l’expérience 1984-1993, l’article 18 de la Constitution qui ne la permet pas et le désintérêt des MRE (8%) en s’appuyant notamment sur un sondage qui n’en est pas un méthodologiquement parlant, vue la manière dont les questions ont été posées», ajoute-t-il, pointant d’autres «pseudo-arguments».

«L’avis ne délimite nullement la responsabilité des institutions chargées du dossier MRE dans la situation présente et n’évoque pas la nécessité d’avoir une Stratégie nationale, globale et intégrée en matière de MRE.»

Abdelkrim Belguendouz

L’universitaire, qui rappelle avoir été auditionnée par la commission chargée de préparer l’avis, déplore aussi le fait que «ses critiques argumentées formulées» et «ses propositions concrètes émises» n’ont pas été prises en compte dans le document final.

De son côté, le membre du Conseil national de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et ancien représentant du parti de la Rose en Europe, Salaheddine Manouzi pointe un «rapport décevant». «On pensait qu’il allait être dans le sens d’une réponse à l’appel de Sa Majesté le Roi du 20 août pour contribuer réellement à la refonte des politiques publiques et notamment l’implication citoyenne des Marocains du monde. Malheureusement, le rapport a été élaboré sans se concerter avec les principaux acteurs de la société civile», dénonce-t-il. «La liste des personnes auditionnées ne reflète pas la réalité des Marocains du monde. Ce sont des experts et spécialistes de la chose mais sans plus», tient-il à préciser.

Pour lui, «la participation politique doit faire partie d’un ensemble, avec notamment la restructuration du choix institutionnel, soit les organismes qui interviennent ou qui sont en lien avec les questions des MRE». «Par rapport à ces institutions, aucune proposition concrète n’a été proposée dans le rapport, qui est resté dans les généralités, sans dire dans quel cadre, pour quelle mission et avec quels moyens. C’est vraiment décevant», conclut-il.

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