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Grand Angle

Maroc : Les rappeurs et la justice, de la punchline à la prison

ElGrandeToto est l’un des dix rappeurs marocains arrêtés depuis septembre 2011 pour différentes raisons, qui vont des petites affaires de droits commun aux atteintes aux symboles de l’Etat en passant par les insultes à un corps constitué. Des arrestations qui marquent un genre musical qui crispent les autorités.

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Photo d'illustration. / DR
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L’arrestation et le placement en garde à vue, lundi, du rappeur marocain ElGrandeToto, rappellent les démêlés judiciaires des rappeurs marocains. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés et condamnés, depuis 2011, au lendemain de la publication de chansons critiquant le régime. Le rap étant un genre musical qui parle plus aux jeunes et aux classes populaires, chaque nouvelle chanson critiquant les pouvoirs publics semble se traduire par une interpellation rapide et une condamnation.

ElGrandeToto est ainsi l’un des dix rappeurs marocains arrêtés par la police ou condamnés par la justice soit pour leurs chansons, leurs positions ou dans le cadre d’affaires de droits communs.

Abdelaziz Ouenza alias Ouenza, septembre 2022

En septembre dernier, le rappeur marocain Abdelaziz Ouenza alias Ouenza a été arrêté et condamné à deux mois de prison ferme. Un verdict qui a suscité une vague de solidarité avec le rappeur sur les réseaux sociaux. Quelques jours plus tôt, le rappeur avait publié une vidéo se plaignant de son arrestation, affirmant qu'il avait été «exposé à des violences sur la voie publique par des membres d'une patrouille de police». Un communiqué publié par la Wilaya de police de Casablanca avait toutefois apporté une autre version, affirmant qu’Abdelaziz Ouenza conduisait notamment une moto sans porter de casque, qu’il aurait refusé d’obtempérer et qu’il aurait insulté et blessé des policiers.

Ihab Iqbal alias Hliwa, novembre 2021

En novembre 2021, le rappeur Ihab Iqbal alias Hliwa a été arrêté à Rabat, alors qu’il participait à une manifestation contre l’obligation du pass vaccinal au Maroc. Son manager a également été interpelé lors de la manifestation. La veille, le rappeur avait annoncé sur les réseaux sociaux qu’il sortira dans la rue contre la décision de rendre obligatoire le pass vaccinal. Hliwa a été libéré le lendemain. Quelques mois auparavant, le rappeur avait été interpelé à Marrakech pour avoir violé l'état d'urgence sanitaire en filmant un clip vidéo sans avoir de permis.

Youssef Mahyout, alias Ould l’Griya, mai 2020

En mai 2020, le rappeur Youssef Mahyout, alias Ould l’Griya a été arrêté à son domicile puis libéré le jour-même. Son ami, le rappeur LZ3er avait confié que l’arrestation fait suite à des «amendes que le pouvoir judiciaire a précédemment décidées» à l’encontre d’Ould l’Griya, que ce dernier n’avait «pas encore payées». L’arrestation était le résultat d'un «désaccord antérieur avec trois personnes» qui auraient déposé une plainte contre Ould l’Griya mais auraient apporté «un désistement», par la suite, avait-il confié à Yabiladi. Ses démêlés judiciaires avaient en réalité commencé en novembre 2019 avec son ami le rappeur Mohamed Mounir alias Gnawi.

Hamza Asbaar alias Staline, janvier 2020

En octobre 2019, le jeune rappeur Hamza Asbaar alias STALiN, âgé de 17 ans et originaire d’El Marsa, dévoile sa chanson «FHemna» (nous avons compris). Il s’y attaque ouvertement le roi au Mohammed VI et ses discours et appelle au changement. Fin décembre, il est arrêté à Laâyoune. Le tribunal de première instance le condamne alors à quatre ans de prison pour «insultes à une institution constitutionnelle». Le 16 janvier, la Cour d’appel de Laâyoune décide de réduire la peine prononcée en première instance contre le jeune rappeur, qui a écopé de deux mois de prison.

Mohamed Mounir alias Gnawi, novembre 2019

En novembre 2019, un mois après sa chanson avec LZ3er et Ould l’Griya intitulée «3acha Cha3b» (Vive le peuple), le rappeur marocain Mohamed Mounir alias Gnawi est arrêté par les autorités locales. Il est alors accusé d’avoir verbalement attaqué, dans une vidéo, deux agents de la police et est poursuivi pour «insultes et atteinte à un corps constitué». Son arrestation a été condamnée notamment par Amnesty International, qui avait pointé une «atteinte flagrante au droit à la liberté d’expression». Le 25 novembre 2019, le rappeur est condamné en première instance à un an de prison ferme. Une condamnation confirmée, en janvier 2020 par la Cour d’appel de Salé. Le rappeur ne quittera la prison qu’en novembre 2020, après avoir purgé sa peine.

Yassine Falat alias L'monTa9im, août 2017

En août 2017, un autre rappeur est condamné par la justice marocaine. Yassine Falat alias L'monTa9im a écopé de deux mois de prison avec sursis et à une amende de 1 000 dirhams. Il a été arrêté, quelques semaines plus tôt par les autorités locales à Khénifra, suite à une vidéo jugée par les autorités comme «incitant à la violence et menaçant la sécurité».

Anas Khattabi le rappeur du Hirak, mai 2017

En mai 2017, les autorités arrêtent 22 membres du Hirak suite aux événements survenus à Al Hoceima. Parmi eux, le rappeur Anas El Khattabi, connu pour son activisme dans la ville d'Al Hoceima. Il avait mené une grève de la faim pour protester contre son arrestation. En juin 2019, il est libéré à la faveur d'une grâce royale à l'occasion de l'Aïd Al Fitr.

Othmane Atik alias Mister Crazy, août 2014

La scène florissante du rap au Maroc a déjà connu d’autres arrestations avant cette date. En septembre 2014, les autorités marocaines arrêtent Othmane Atik, jeune rappeur âgé de 17 ans. Convoqué par le procureur de Casablanca le 8 août, il est arrêté le même jour et placé, quatre jours plus tard, dans un établissement de détention pour mineurs à Ain Sbaa. Le 17 octobre, la chambre des mineurs de la Cour de Casablanca l’a condamné à trois mois de prison, pour «insulte à corps constitué», «incitation à la consommation de drogue» et «production et diffusion de contenu contraire à la moralité publique».

Mouad Belghouat alias Lhaqed, le rappeur du M20F

En septembre 2011, les forces de sécurité arrêtent le rappeur Mouad Belghouat, connu sous son nom d'artiste Lhaqed (l’Indigné) pour coups et blessures. Toutefois, les militants du Mouvement du 20 février avaient confié qu'il avait été arrêté en raison de son activisme au sein du Mouvement et ses chansons de rap dans lesquelles il critiquait le régime marocain. Il a été libéré le 12 janvier 2012 mais sera arrêté, après cette date, pour plusieurs reprises.

En avril 2013, il purge une peine d’un an de prison pour sa vidéo «Kilab ed-Dowla» («Chiens de l’État»), que le tribunal considère comme insultante pour la police. En 2014, il est condamné à quatre mois de prison pour «ébriété sur la voie publique, coups et blessures et outrage à agents des forces de l’ordre». En février 2017, Lhaqed obtient l'asile politique en Belgique.

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