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Grand Angle

L’Afrique, un grenier alimentaire en quête de pratiques agricoles innovantes

Pour lutter contre l’insécurité alimentaire, le développement d’une production agricole à la fois saine et respectueuse de l’environnement nécessite de se tourner vers des solutions innovantes. Parmi elles, l’utilisation d’engrais adaptés doit aller de pair avec la responsabilité des acteurs, tel qu’abordé lors du troisième Forum africain des engrais, les 12 et 13 octobre à Casablanca.

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Photo d'illustration / Ph. UNDP
Temps de lecture: 4'

L’Afrique est le continent le plus touché par l’insécurité alimentaire, qui frappe 650 000 personnes sur un total mondial de 2 millions. Pourtant, 65% des terres arables à travers le monde se trouvent dans ce même continent, où toutes les terres cultivables ne sont pas investies par le secteur agricole. A Casablanca, le troisième Forum africain des engrais, qui se tient les 12 et 13 octobre, réunit plus de 200 représentants et acteurs africains, gouvernementaux et institutionnels, pour réfléchir à des solutions innovantes et partager les expériences pouvant permettre de relever ce défi.

Initié par le groupe de la Banque africaine de développement (BAD), le groupe OCP et le Mécanisme africain de financement du développement des engrais (AFFM) hébergé par la BAD, l’événement porte sur plusieurs dimensions de la question, y compris le facteur environnemental, dans un contexte mondial de dérèglements climatiques. Marie Claire Kalihangabo, coordinatrice de l’AFFM, estime auprès de Yabiladi que «les questions de productivité et d’environnement doivent toujours aller de pair», lorsqu’il s’agit du développement de l’agriculture et de la lutte contre l’insécurité alimentaire. «Il faut augmenter la production pour nourrir toutes nos populations en Afrique, mais aussi respecter l’environnement pour le bien-être de tous», a-t-elle affirmé à notre rédaction, en marge du troisième Forum.

Promouvoir une économie solidaire à échelle africaine

Dans un contexte de crises économiques à travers le monde, l’impact qui se traduit aussi en une crise alimentaire, qui confronte les pays au défi de répondre aux besoins alimentaires, mais avec une alimentation saine, estime la responsable. «Dans ce cadre-là, dans le Mécanisme africain de financement des engrais, nous travaillons pour contribuer à l’augmentation de l’activité agricole, avec l’utilisation des méthodes et des technologies appropriées, qui augmentent la productivité mais aussi qui respectent l’environnement», a souligné Marie Claire Kalihangabo. Pour ce faire, la coordinatrice préconise une sensibilisation de proximité auprès des producteurs, sur «les pratiques émergentes et appropriées pour utiliser des engrais de façon responsable».

Marie Claire Kalihangabo, coordinatrice de l’AFFMMarie Claire Kalihangabo, coordinatrice de l’AFFM

Marie Claire Kalihangabo rappelle que «l’Afrique a aujourd’hui un niveau d’utilisation des engrais de 26 kg de nutriments par hectare, alors que la Déclaration d’Abuja, qui a créé l’AFFM préconise d’utiliser 50 kg par hectare». «On est loin du compte, alors que les 50 kg d’engrais constituent un seuil qui était fixé pour 2015», a-t-elle constaté. Ainsi, «l’Afrique n’a pas encore atteint ni le niveau de productivité ni d’utilisation espérée».

Tenant compte de l’importance du facteur environnemental, Marie Claire Kalihangabo rappelle que l’utilisation des engrais, surtout les intrants chimiques, ne peut se faire aléatoirement. «La façon responsable de les utiliser commence par une analyse de sol, pour connaître les types d’engrais appropriés et le type de produits agricoles qu’on peut cultiver, ce qui peut même tripler la production de terrains, aussi petite soit leur superficie», souligne-t-elle.

Dans ce sens également, elle insiste sur l'importance de «différencier entre engrais chimiques et non-chimiques». «Il est important d’être non seulement sensibilisé à l’utilisation appropriée, mais aussi de s’assurer de la sécurité de la chaîne de distribution de ces intrants, pour éviter les abus et prévenir contre la dégradation de l’environnement», rappelle la responsable.

Garantir la souveraineté alimentaire dans un environnement sain

Alors que la notion de souveraineté alimentaire fait débat, notamment au sujet de l’adaptation de la nature des productions agricoles à l’environnement où elles sont développées et non l’inverse, dans une logique de rationalisation de l’usage des ressources naturelles comme l’eau, Marie Claire Kalihangabo estime qu’il est possible d’atteindre l’objectif d’auto-suffisance en Afrique, sans pour autant épuiser les richesses naturelles du continent. «Nous avons nos produits locaux qui peuvent être suffisants pour garantir une sécurité alimentaire à toutes nos populations africaines, ainsi qu’une alimentation saine», affirme-t-elle, tout en évoquant l’importance de tenir compte aussi du développement démographique et donc de l’augmentation des besoins.

«Il faut étendre la production sur de nouvelles superficies, mais aussi considérer des produits qui peuvent être cultivés de manière naturelle. Il faut être flexible et voir quels sont les besoins de chaque pays pour dynamiser la solidarité inter-Etats sur le plan continental et avoir une initiative de conservation et de promotion de nos produits locaux.»

Marie Claire Kalihangabo, AFFM

Au niveau de l’agence, la coordinatrice indique faire un travail de promotion de l’utilisation d’engrais, «mais de manière responsable, tout en proposant d’opter pour des cultures qui peuvent être produites en quantité, en qualité et à moindre coût, de façon à auto-suffire les Africains, dans une démarche de complémentarité entre les Etats en fonction de la nature de leurs sols».

Marie Claire Kalihangabo rappelle aussi que la BAD a «un programme de développement des technologies avancées, pour produire des semences de qualité, adaptées à des situations et à des environnements différents». L’instance finance ainsi des projets pour produire des semences certifiées, «qui s’adaptent à des pays et à des climats différents, mais avec une productivité plus élevée». Cette initiative est «recommandable», selon la représentante, car «elle permet de développer cette productivité». «Les semences sont la base de l’agriculture, les engrais sont le moteur et les deux doivent se compléter pour augmenter la productivité, et éviter la crise alimentaire qui se profile», souligne-t-elle.

La coordinatrice rappelle, dans ce sens, que l’Afrique «importe 30% de son maïs d’Ukraine ; pourtant, on peut en produire plus dans notre continent, grâce aux bonnes semences et aux engrais de qualité». «Si nous convergeons nos forces dans ce sens, nous pouvons y arriver», assure-t-elle avec optimisme.

Article modifié le 13/10/2022 à 20h24

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