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Grand Angle

Pourquoi l’Afrique du Nord ne devrait pas exporter de l'hydrogène vert vers l’Europe [rapport]

Présenté comme une solution d’avenir, l’hydrogène vert connait un développement conséquent au Maroc et dans d’autres pays d’Afrique du Nord. Derrière la promesse d’une énergie propre, un récent rapport prévient cependant le Maroc, l’Algérie et l’Égypte qu’ils n’ont pas d’intérêts à exporter l'hydrogène vert vers l’Europe.

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Image d'illustration. / DR
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Le Maroc, l’Algérie et l’Égypte n’ont pas intérêt à exporter l'hydrogène vert vers l’Europe. C’est du moins ce qu’avance un rapport publié par le think tank néerlandais Transnational Institute (TNI) et l’Observatoire de l’Europe industrielle (CEO) basé à Bruxelles. Intitulé «Assessing EU plans to import hydrogen from North Africa», le rapport fait l’état des lieux de la demande européenne en hydrogène vert et des besoins et objectifs climatiques des pays d’Afrique du Nord.

Depuis plusieurs années, l’Afrique du Nord se positionne comme un partenaire de choix pour l’Union européenne, en quête d’une énergie décarbonée. Les nombreux projets développés au Maroc autour de l’hydrogène vert ont d’ailleurs hissé le pays dans le top 5 des «futur acteur mondial de l’hydrogène» selon le Financial Times.

Seulement, cette étude publiée le 17 mai estime que l’exportation de l’hydrogène des pays d’Afrique du Nord vers l’Europe n’est pas économiquement viable. Pour le TNI et le CEO, le développement de l’hydrogène vert pour l’export est «coûteux, non testé et potentiellement non viable économiquement». Cette course à l'exportation de l'hydrogène vert vers l'Europe serait dommageable aux économies nord-africaines, ajoutent les auteurs.

Alors, le Maroc, l’Algérie et l’Égypte auraient plus intérêt à «utiliser de l'électricité renouvelable, solaire et éolienne, au niveau local et la partager avec les pays voisins d'Afrique et éventuellement du Moyen-Orient par le biais d’interconnexions. Ce serait une option beaucoup plus efficace que de tenter de créer un marché d'exportation pour des produits chimiques très coûteux».

L’hydrogène vert, une énergie couteuse et peu efficace

L’étude démontre en effet que la production d’hydrogène vert est aujourd’hui très couteux et risque de le rester. Pour que l’hydrogène vert puisse concurrencer l’hydrogène gris, qui coute 50 centimes d’euros de moins à produire au kilo, le prix de l’énergie nécessaire pour le créer devrait diminuer drastiquement. Aussi, le coût de production de l’hydrogène vert dépend grandement du coût de l’électrolyse et de la production d’énergie verte, de sa conversion, son transport et son stockage, actuellement trop coûteux pour concurrencer la production d’hydrogène gris.

Concrètement, produire de l’hydrogène vert peut coûter jusqu’à 11 fois plus cher que d’utiliser du gaz naturel, estiment les auteurs du rapport. «Si l'Europe n'est pas prête à payer la différence entre l'hydrogène vert et le gaz naturel, les gouvernements nord-africains devraient se méfier des promesses de grands marchés d’exportation», ajoute-t-on.

Par ailleurs, la production d’hydrogène vert est «relativement inefficace sur le plan énergétique, et l'utiliser comme source d'énergie est également inefficace», ajoute le rapport. Selon les estimations, près de 60% de l’énergie renouvelable est «gaspillée» dans la production d’hydrogène vert. L’utilisation de cet hydrogène comme source de chaleur est relativement plus efficace, ajoute-t-on.

À qui doivent profiter les énergies vertes marocaines ?

Au Maroc, la production d’hydrogène vert «n'offre pas beaucoup de potentiel viable». Cependant, le Maroc pourrait, comme il l'envisage, utiliser l'hydrogène vert pour éliminer les émissions élevées provoquées par l’ammoniac en le remplaçant pour la production d’engrais. Toutefois, les technologies entrant dans cette production d’ammoniaque vert grâce à l’hydrogène ne sont «pas prouvées» en l’espèce et aucune vérification indépendante n’a été réalisée quant à leur faisabilité, ce qui rend ce pari risqué, estiment les auteurs.

Aussi, pour ces derniers, les différents projets en développement avec l’Allemagne (power to X) impliquent des coûts de production élevés, du fait du grand besoin en électricité qui ne pourrait être couvert par les installations solaires et éoliennes en place actuellement.

L’exportation de l’hydrogène marocain vers l’Europe est, par ailleurs, énergivore et très coûteux. En effet, il faut trois fois plus d’énergie pour liquéfier l’hydrogène que le gaz naturel. De plus, la densité en énergie de l’hydrogène est plus petite que celle du gaz naturel liquéfié, ce qui fait qu’un navire de même volume ne pourrait transporter que 27% de l'énergie en hydrogène qu'il pourrait transporter en gaz naturel.

Pour les auteurs de l’étude, le Maroc ferait donc mieux d’utiliser son énergie renouvelable pour réduire les émissions de CO2 provoqués par sa consommation de charbon pour produire de l’électricité. Cette transition permettrait d'éviter l'émission de plus de 27 millions de tonnes de CO2 par an, estime-t-on.

«Il n'est pas logique que le Maroc utilise son électricité renouvelable pour fabriquer de l'hydrogène et des produits à base d'hydrogène, puisqu'il les expédie vers l'Europe en perdant beaucoup d'énergie, afin que l'UE puisse atteindre des réductions d’émissions climatiques plus élevées», conclut le rapport sur le cas du Maroc.

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