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Interview

Jalil Tijani : « Je crois que c’est la première fois que je suis fier de moi » [Interview]

Après des représentations dans une multitude de villes et de lieux culturels au Maroc et une tournée internationale en France, en Belgique et en Suisse, le spectacle «Jeux de société», écrit et interprété par Jalil Tijani, s’est terminé le mois dernier. Dans cette interview, l’humoriste revient sur sa passion, sa fierté et ses prochains spectacles.

Publié
Jalil Tijani / DR
Temps de lecture: 3'

D’où vient votre passion pour le théâtre ?

Il est toujours très compliqué de dire pourquoi on a une passion. Au départ, j’ai eu un appétit pour la comédie, pour le rire d’une manière générale. Petit à petit, j’ai découvert une discipline qui s’appelle le théâtre. Il y a toujours des premières figures qui nous inspirent qui nous fascinent, qui nous passionnent et qui nous donnent envie de faire ce métier.

Pensez-vous un jour pouvoir transmettre cette passion par le biais d’une école de théâtre ?

Durant la période de la Covid-19, j’ai tenté de garder un lien avec le théâtre, surtout que les salles étaient fermées. Du point de vue financier et n’ayant pas de visibilité à ce moment-là, j’ai décidé de donner des cours de théâtre. Il est toujours très intéressant de transmettre ce que l’on a compris. Cependant, c’est une posture qui reste tout de même délicate. Nous sommes en constante évolution et on doit se mettre dans la peau d’un enseignant, alors que le domaine n’est pas une science exacte.

Pourquoi le panache vous définit le plus ?

Le panache, c’est le dernier mot que prononce Cyrano à la fin de la pièce, qui est par ailleurs l’une de mes préférées. J’aime cette notion d’avoir le courage de dire les choses, j’aime cet esprit chevaleresque. Juste avant de prononcer ce mot, Cyrano dit : «Tiens, tiens ! les Compromis, Les Préjugés, les Lâchetés ! […] Jamais, jamais jamais !». J’aime cette vitalité qu’il y a dans le courage, car il en faut pour monter sur scène et pour dire ce que l’on a à dire.

Votre spectacle peint une réalité sociale. Vous considérez-vous comme un metteur en scène de la libre-pensée un peu comme l’a été Molière, qui vous a inspiré ?

Il serait prétentieux de ma part de me comparer à Molière, qui a toujours été un exemple. C’est un monument pour tout comédien. Ses pièces sont encore d’actualité dans notre société. Beaucoup de ses propos ont traversé le temps et l’espace.

Pourquoi a-t-on besoin de rire ?

Le rire est comme un cadeau que la nature humaine nous donne. C’est également un mécanisme physiologique qui permet de détendre et de défaire bon nombre de tensions psychiques. Le rire est une respiration de l’esprit. Je ressens quelque chose de frénétique, quand je vois quelqu’un rire dans la salle. Le rire est aussi voué à créer du lien social, à défaire des tentions. Il sert aussi à faire passer des messages difficiles à dire. Le rire est la meilleure arme pour créer un lien social.

Le rire peut également guérir les maux de la société ?

Guérir, peut-être pas. Mais le rire peut amener à réfléchir, à s’interroger, à regarder les choses sous un autre angle. Il est comme un Cheval de Troie, pour entrer discrètement dans le cœur des personnes. Le rire est moins frontal que l’écrit. D’autres modes de communication, tels que l’absurde, peuvent être utilisés pour des revendications, mais le rire reste à mon sens le plus efficace.

La tournée «Jeux de société» est terminée, quel regard portez-vous sur ce spectacle ?

C’était très nostalgique. J’ai dû dire au revoir à un spectacle que j’ai écrit, que j’ai défendu, que j’ai porté pendant plusieurs années. Je me suis beaucoup attaché aux personnages que je faisais vivre. Je suis assez fier de moi. C’est un sentiment que je n’ai pas beaucoup développé dans ma vie. Je suis assez dur avec moi-même et je crois que c’est la première fois que je suis fier de moi.

En quoi vos prochains spectacles en cours d’écriture seront différents du précédent ?

Je me suis absenté malgré moi durant la tournée, à cause la crise sanitaire, et je ne pouvais pas remonter sur scène sans donner aux spectateurs un aperçu de mon prochain spectacle.  Après «Jeux de société», j’ai pris le temps de rôder les nouveaux sketches.

Le processus d’écriture est un vrai moment d’introspection. J’avais le vertige du premier spectacle. Maintenant, j’ai le vertige du second.  Je me demande ce que je vais raconter, ce dont je vais parler. Pour les seconds spectacles, on cherche encore plus, on s’autorise davantage de sujets à aborder. Ma question maintenant est de savoir jusqu’où je vais pouvoir aller et jusqu’où on va pouvoir me laisser aller.

L’écriture du deuxième spectacle est-elle plus effrayante que la première fois ?

En effet, l’enjeu est différent, puisque dans le premier spectacle, on doit s’affirmer, on doit se présenter et donner un «voilà qui je suis». Le premier spectacle est toujours très important, car c’est lui qui donne la confiance, qui permet de marquer une identité. Le deuxième spectacle est souvent nommé «la confirmation». L’enjeu est de se réinventer et de faire preuve de plus de curiosité, tout en créant quelque chose de plus profond.

Article modifié le 26/05/2022 à 10h00

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