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Grand Angle

Au Maroc, l’école ne forme pas encore des élèves aptes à s’autonomiser dans le futur

Au Maroc, les lacunes du système éducatif détendent sur la qualité d’apprentissage chez les élèves. A l’âge de 15 ans, seuil de la scolarisation obligatoire dans le pays, beaucoup parmi eux n’ont pas encore acquis l’ensemble des outils leur permettant de participer à la vie active ou de se construire sur le long terme, selon les résultats du rapport PISA.

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Photo d'illustration / DR.
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Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) permet d’évaluer les compétences des élèves en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences, dans un rapport d’enquête internationale conduite par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le Maroc y a participé pour la première fois en 2018 et les résultats ont été rendus publics par l’Instance nationale d’évaluation (INE) du Conseil supérieur de l’éducation de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS). Le royaume prépare sa deuxième contribution, au cours de cette année 2022.

La population ciblée est constituée de jeunes de 15 ans scolarisés au moins en septième année (première année de collège). Au Maroc, 73 218 élèves y ont répondu, à travers 180 établissements scolaires. Les résultats montrent que le système éducatif du pays «ne parvient toujours pas à mettre en œuvre les principes de l’équité et l’égalité des chances et de la qualité pour tous, prônés par la Vision stratégique de la réforme 2015-2030», d’autant que «les enfants et jeunes ne bénéficient pas des mêmes opportunités d’apprentissage». Directrice de l’INE-CSEFRS, Rahma Bourqia a indiqué que les résultats de l’enquête «peuvent servir à informer l’opinion publique sur les aspects qui nécessitent des améliorations dans le système éducatif marocain».

En effet, le rapport PISA «n’évalue pas uniquement les connaissances, mais la capacité à les mobiliser et à les utiliser pour résoudre les problèmes actuels». Ce projet entre dans le cadre de l’action de l’instance évaluative du CSEFRS pour diversifier les types des évaluations sur la question de l’apprentissage, renseigner sur la qualité de l’apprentissage, analyser le paradigme du droit à l’éducation dans l’équité et l’égalité, interroger la qualité des apprentissages et les capacités des cadres mobilisés à cet effet.

Les élèves les plus distingués sont les plus avantagés socio-culturellement

Les résultats saillants de la première participation marocaine au rapport PISA montrent que le taux de redoublement des élèves participants est de 49%. Il est parmi les plus élevés, comparé à des pays à économie émergente comme l’Argentine (29%), le Chili (23%), le Portugal (27%) et la Turquie (7%), à des pays à revenu moyen comme la Thaïlande (7%), les Philippines (21%) et l’Indonésie (15%), ou encore à des Etats de la région MENA, comme le Liban (34%), la Jordanie (11%) et l’Arabie Saoudite (11%). La moyenne de l’OCDE est de 11%.

Certaines catégories d’élèves désavantagés (63%) au niveau de leur environnement socio-économique, culturel, dans le public (51%) et le rural (63%) par les redoublements, surtout chez les garçons (58%). Les élèves n’arrivent pas à combler non plus leurs lacunes en redoublant et ils présentent des niveaux de compétences plus faibles, comparé aux non-redoublants.

Au Maroc aussi, moins du quart des élèves qui ont participé à l’enquête ont un niveau minimal des compétences, explique-t-on en présentation du rapport. Ils n’acquièrent pas les connaissances fondamentales pour pouvoir intégrer la vie active et contribuer au développement du pays. Les filles performent mieux que les garçons, surtout en compréhension de l’écrit, avec une différence de 26 points. En rural, ils performent moins avec une différence de 14 à 23 points, selon les domaines évalués.

Les inégalités d’apprentissages sont liées là aussi aux divergences des avantages socioéconomiques et culturels de la famille. Ainsi, les élèves issus de milieux défavorisés ont des scores nettement plus faibles, avec des différences allant jusqu’à 51 points. Ce facteur explique en partie certaines différences existantes entre les élèves scolarisés dans les établissements publics et ceux des écoles privées, surtout que ces derniers sont souvent issus de milieux favorisés.

Mais à lui seul, ce facteur n’est pas une fatalité, puisque 13% des élèves réussissent et montrent une certaine résilience, malgré les désavantages de leur environnement socioéconomique. Ils trouvent du plaisir à lire et à travailler à l’école, car cela donne du sens à leur vie.

Sur le comportement des élèves à l’égard de l’apprentissage, PISA demande aux jeunes de 15 ans de dire ce qu’ils pensent de leur intelligence. 58% des élèves marocains pensent que leur intelligence est fixe et qu’elle ne peut pas se développer, contre 37% dans les pays de l’OCDE. Le rapport souligne qu’avoir un état d’esprit d’accroissement est intimement lié aux scores des élèves. 52% au Maroc disent qu’ils souhaitent poursuivre leurs études au-delà du baccalauréat, avec un pourcentage qui augmente chez les non-redoublants (61%) et dans le milieu urbain (54%). Seuls 34% des élèves disent qu’ils veulent continuer leurs études pour exercer la profession qu’ils souhaitent, avec pourcentage relativement plus élevé chez les filles.

Il ressort du rapport PISA que «l’école marocaine ne prépare pas bien les élèves à poursuivre leurs études» au niveau supérieur. Sur les moyens mis à la disposition des apprenants pour réussir, des lacunes existent également. «Les enseignants ne sont pas assez qualifiés au niveau de leur formation initiale, au niveau de la formation au métier d’enseignant ou de la formation continue», indique le CSEFRS, expliquant que «si on creuse un peu au niveau des conditions d’apprentissage et de travail, on trouve nombre d’élèves étudient dans des classes dépassant un nombre de 30», ce qui ne contribue pas à créer de bonne conditions pour améliorer la qualité d’apprentissage et de suivi des élèves selon leur niveau pour l’améliorer plus efficacement.

Donner aux apprenants les moyens de leurs ambitions

Au niveau de la qualification pédagogique, dont un certificat est délivré par les instances chargées de l’éducation et de la formation, «les directeurs marocains déclarent que 65% des enseignants de leurs établissements en possèdent un, contre une moyenne de 82% dans les pays de l’OCDE», note le rapport. Seuls 22% des enseignants participants à l’enquête «ont achevé un programme de formation d’une durée d’une année ou plus». Selon les directeurs, «le pourcentage des enseignants ayant pris part, au cours des trois derniers mois précédant l’enquête, à un programme officiel de développement professionnel portant sur l’enseignement ne dépasse guère 29%, contre une moyenne de 53% dans les pays de l’OCDE».

Sur la base de différentes données croisées, le rapport constate que l’enseignement au Maroc est affecté par «le manque ou l’inadéquation des ressources humaines», avec des problèmes «plus perceptibles au niveau du personnel auxiliaire». Ainsi, «46% des élèves sont scolarisés dans des établissements dont les directeurs estiment que l’enseignement en est très affecté, alors qu’en moyenne, dans les pays de l’OCDE, seuls 8% des élèves sont dans cette situation».

Le système de l’enseignement au Maroc reste également «très affecté» par le manque de ressources matérielles et éducatives, surtout pédagogiques, a encore noté le rapport. Plus du tiers des élèves ont des directeurs qui évoquent ce problème, alors que ce pourcentage ne dépasse pas 5% en moyenne dans les pays de l’OCDE.

L’enquête a ainsi mis en évidence «la non concordance de l’âge avec le niveau requis de scolarité, l’inefficacité du redoublement, la problématique des inégalités impactant négativement l’école, les déficiences des apprentissages et un climat éducatif ne favorisant pas toujours une éducation de qualité» au Maroc. Les conclusions ont appelé «non seulement à une réforme des contenus et des méthodes d’enseignement, mais à un sursaut national de la communauté éducative avec tous ses acteurs et les parties prenantes au profit d’un engagement fort pour placer l’élève marocain au centre du modèle pédagogique».

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