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Interview

Casablanca : Une Maison Solidarité Alzheimer pour accompagner et soutenir les aidants

Dans quelques jours, Maison Solidarité Alzheimer ouvre ses portes à Casablanca pour venir en aide aux personnes s’occupant de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Ghita Mouttaqi-Allah, présidente du Rotary Club Casablanca La Sqala, à l’origine de cette initiative, revient sur ce projet-pilote qui doit notamment être implanté dans d’autres villes marocaines.

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La Maison Solidarité Alzheimer ouvrira ses portes dès la fin de semaine prochaine. / DR
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Concrètement, Maison Solidarité Alzheimer c’est quoi ?

Il s’agit d’une Maison d’accueil de jour, qui sera ouverte jusqu’à 17h et qui apporte un certain nombre d’activités thérapeutiques et non thérapeutiques aux patients atteints de la maladie et aux aidants. Aujourd’hui, nous avons une vingtaine de spécialités qui sont prêtes. On fera un débriefe en début de semaine pour mettre en place le planning et  partager les documents.

A partir de fin de semaine prochaine ou le début de la semaine d’après, les personnes concernées commenceront à bénéficier de notre Maison. Nous commencerons par une phase d’accueil pour que les gens s'informent, surtout les habitants des arrondissements de Ben M’sick, Hay Moulay Rachid et Sidi Othman. Compte tenu des mesures préventives contre le Covid-19, l'accueil sera malheureusement limité. 

Dès la semaine d’après, nous ferons une ouverture pour les personnes qui doivent bénéficier des prestations et services. L’inauguration officielle se fera fixée avec le gouverneur de la préfecture Ben M’sick, dans les semaines à venir. La gestion de la Maison est confiée à l’association Maison Solidarité Alzheimer, présidée par Monsieur Khalid Berrada, pharmacien travaillant depuis plus de 30 ans à Ben M’sick.

Comment cette initiative est née ?

Il y a plusieurs constats. Le premier a été une expérience personnelle, la mienne. J’ai vécu moi-même la maladie d’Alzheimer au côté de ma mère pendant 15 ans. Elle est décédée il y a 11 ans mais cela laisse toujours des séquelles difficiles. Certains membres du Rotary Club Casablanca La Sqala ont manifesté leur intérêt pour monter un projet de maison d'accueil, car dans leurs familles, certaines personnes sont touchées par cette terrible maladie. 

A l’époque où ma mère était malade, personne ne nous entendait. On n’avait l’impression d’être dans un environnement où les gens sont sourds. L’Alzheimer a toujours été perçu comme une maladie neurodégénérative taboue. Nous avons ainsi constaté une petite levée du tabou depuis l'expérience Covid. Il est vrai que l’impact du Covid-19 a été fort et que beaucoup de personnes se sont occupées de leurs parents pendant cette période et ont pu déceler des symptômes et des comportements liés à la maladie.

Ghita Mouttaqi-Allah, présidente du Rotary Club Casablanca La Sqala. / DRGhita Mouttaqi-Allah, présidente du Rotary Club Casablanca La Sqala. / DR

Nous avons réussi à faire de grandes actions de sensibilisation, dont une en avril, lorsque nous avons monté une belle première édition au Maroc des «Entretiens Alzheimer» en partenariat avec la Fondation Recherche Alzheimer, premier financeur de la recherche française et l’une des plus grandes fondations européennes aujourd’hui dans le secteur de la recherche et la sensibilisation sur la maladie.

Partis de cet événement, nous avons réussi dans le cadre d’actions sociales que le Rotary Club mène dans certaines préfectures à avoir des échanges concrets avec des gouverneurs, qui se sont dits prêts à mettre en place des structures sur la ville de Casablanca, compte tenu de ce sujet de santé publique. Nous avons donc soumis un cahier des charges à la préfecture de Ben M’sick. Celle-ci a mis à notre disposition un local très rapidement et nous ont énormément accompagnés pour obtenir un local décent de 400 mètres carrés au cœur de Ben M’sick.

Nous avons mis en place un modèle économique : 90% du personnel sont des bénévoles et viendront en demi-journée. Nous avons aussi une vingtaine de spécialités : consultations neurologiques, gériatriques, psychologie, tests neuropsychologiques, orthophonie, Art-thérapie  et musicothérapie, réflexologie plantaire,…Tout cela sera destiné aux patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

Quels sont les services d’accompagnement proposés par la Maison Solidarité Alzheimer aux aidants ?

Le deuxième volet concerne les aidants justement. Nous l’avons appelé Maison, car «centre» fait «médical» alors que «Maison» signifie que nous sommes dans l’accueil, la sérénité et la convivialité. Les aidants viendront pour qu’on les soutienne, les accompagne, les informer et les forme, pour mieux gérer le quotidien en tant qu'aidants. Ce sont les quatre choses importantes. Notre objectif est de réduire le stress quotidien et lutter contre l'isolement social. 

L’objectif est que nous puissions apporter aux aidants un certain bien-être à la gestion du quotidien. Une fois que vous avez un parent malade, vous ne savez pas comment cela va se passer. Il y a une phase d'acceptation très compliquée. Vous ne savez pas ce qui se passe déjà, au départ et vous ne savez pas ce qu’il faut faire, quel médecin, quel accompagnement, quel discours, quel geste à avoir ou à ne pas avoir,…Tout cela vous avez besoin d’en parler.

Ils passeront par un bilan psychologique, car nous avons besoin de savoir quel est leur étape psychologique dès leur arrivée à la Maison : Tristesse, dépression, déprime, crainte, peur ou stress. Nous rentrons dans des détails pour pouvoir les aider. Des groupes de paroles sont prévus. Nous rassemblerons des aidants de différents niveaux sociaux car tout le monde gère la maladie de la même façon. Dans cette maladie, que vous soyez riche ou pauvre, analphabète ou cultivé, le problème est le même, le malade est le même et celui qui doit s’en occuper doit faire la même chose, quel que soit son niveau social. Ce n’est pas l’argent qui va ramener la personne, mais c’est l’amour qui va aider à alléger sa souffrance.

La signature de la convention entre Rotary Club Casablanca La Sqala et la préfecture de Ben M’sick. / DRLa signature de la convention entre Rotary Club Casablanca La Sqala et la préfecture de Ben M’sick. / DR

Des séances de bien-être et une série de formations sont également prévues. Celles-ci vont être dispensées avec le Croissant Rouge avec lequel nous avons signé une convention. Des formations donc aux premiers secours mais aussi pour le passage à la couche et à l’hygiène. Ce sont des gestes qui sont anodins mais qu’il faut expliquer malgré tout, car lorsque nous sommes dans une période difficile, nous ne savons plus rien faire et nous sommes désemparés.

On aura aussi une assistance sociale qui va accompagner exclusivement les patients et les aidant pour leur dossier AMO et RAMED.

Ce projet servira surtout de pilote pour d’autres villes….

Il y aura une deuxième édition des «Entretiens Alzheimer» cette année. Il est aussi possible d’avoir une deuxième Maison d’Alzheimer à Casablanca mais pas dans l’immédiat. Il y a d’autres clubs du Rotary qui sont en train de réfléchir à montrer des Maisons identiques à la nôtre. La Maison d’Alzheimer de Ben Msik est un modèle pilote qui va être déployé dans d’autres villes. Il est très facile à mettre en place, car nous n’avons pas besoin de matériels médicaux. Tout ce qu’il faut, ce sont les ressources humaines, les bénévoles et un peu de matériel de peinture, de musique et de la bureautique. C’est l’humain qui est important dans ce genre de centres. Il faut aussi que le cadre soit beau, chaleureux, coloré, joli et harmonieux.

On parle donc de Rabat, de Marrakech, d’El Jadida et Agadir. Je pense que c’est une force, car le Rotary est une grande famille, avec plus de 900 Rotariens et 66 Clubs au Maroc, de Dakhla à Nador. De plus, Sa Majesté le Roi Mohammed VI est président d’honneur du Rotary au Maroc.

Mon rêve est de pouvoir en avoir plusieurs Maisons pour aider les familles. Il y a beaucoup qui sont défavorisées et le médicament coûte cher. S’occuper d’un malade d’Alzheimer coûte minimum 2 000 dirhams par mois. Je ne pense pas que tout le monde a les moyens. C’est beaucoup lorsqu’on sait que les gens ont aujourd’hui des crédits et les ménages sont très endettés. Il faut aussi savoir que les médicaments contre l’Alzheimer coûtent entre 200 et 500 dirhams mais ne sont malheureusement pas remboursables par la sécurité sociale.

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