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Interview  

Khalid El Quandili : «Le sport est un outil d’insertion des jeunes»

Champion mondial de kickboxing et de full contact (1986 – 1992), Khalid El Quandili est vice-président de la Fédération marocaine de boxe anglaise et à la tête d’émissions télévisées sur Al Aoula et sur 2M. Dans cet entretien, il annonce en exclusivité les projets à venir au Maroc, pour ancrer le sport dans le processus de développement des jeunes en difficulté et pour redonner un nouveau souffle aux disciplines de combat.

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Khalid El Quandili au siège de l'UNESCO à Paris pour la remise de sa Légion d'honneur / DR.
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Ce mois de novembre a été riche en succession de médailles, de ceintures et de titres de champions du monde pour les Marocains d’Europe dans les sports de combat. Amira Tahri, maroco-néerlandaise, est devenue vendredi à 12 ans quintuple championne du monde de kickboxing. Le kickboxeur maroco-danois Youssef Assouik a défendu sa ceinture de champion du monde de l’ISKA avec succès, samedi 13 novembre, mais aussi Amal Amjahi, Belgo-marocaine qui a remporté samedi aussi son sixième titre de championne du monde de jiu-jitsu.

Dans le cadre de l’émission Faites entrer l’invité spéciale MRE sur Radio 2M, en partenariat avec Yabiladi, ce grand succès nous a menés à nous interroger sur l’appétence des Marocains de la diaspora pour les sports de combat. Champion mondial et responsable sportif, Khalid El Quandili donne ses appréciations sur ce nouveau souffle, tout en annonçant des projets prometteurs au Maroc.

Comment appréciez-vous cette succession de titres et d’exploits ?

C’est une fierté de voir que les jeunes issus de l’immigration marocaine dans le monde font la pluie et le beau temps sur les rings à travers le monde. C’est une fierté aussi, dans la mesure où ces jeunes parfois montent sous les couleurs du drapeau marocain, alors qu’ils pouvaient le faire avec celui de leur pays de naissance. Les fighters marocains dans le monde, viennent désormais de tous les horizons, alors qu’il y avait avant une forte proportion de jeunes issus de l’immigration en Europe. Aujourd’hui, nous avons des talents aux Etats-Unis, au Canada, en Thaïlande et partout ailleurs. Ils portent le drapeau marocain, sans rien demander.

On voit aussi une féminisation des sports de combat et des succès de plus en plus jeunes. On a vu justement des sportives qui ont ouvert la voie, comme Rizlen Zouak, Asmae Niang. Cela a peut-être créé des espoirs pour d’autres jeunes filles. Est-ce une démocratisation de ces disciplines qui ne sont plus réservés aux garçons ?

Ce qu’il faut voir dans ce phénomène, c’est que les sports de combat sont avant tout des sports où il faut s’imposer et s’affirmer. C’est pour cela qu’une majorité de jeunes issus de l’immigration et ayant vécu dans des quartiers ghettos finissent par trouver leur place dans les sports de combat. Ils ont besoin de s’exprimer, ils retrouvent une certaine autorité qu’ils n’ont pas ailleurs et il y a un respect de celui qui enseigne. La féminisation de ce domaine est plus qu’une démocratisation. C’est une affirmation. Les filles issues de l’immigration, dans ces quartiers, étaient il y a quelques années encore discrètes, alors que ce sont celles qui réussissent le mieux dans leurs études, elles sont coincées entre l’autorité familiale et depuis quelques années, il y a un engouement chez elles pour ces sports, avec des résultats positifs.

Cela s’observe aussi dans le football féminin. Au début, on regardait cela de loin, mais il est aujourd’hui au même niveau que le football masculin. Derrière cela, les sports de combat ont mis en avant aussi les combats féminins, pour montrer que ces disciplines sont bien structurées et ouvertes à tous, aussi bien aux enfants qu’aux femmes. Cela déconstruit l’idée reçue que les sports de combats sont violents. Rappelons qu’il y a plus d’accidents graves dans le football ou dans le rugby que dans ces sports.

Pour beaucoup d’enfants d’immigrés ou issus généralement des quartiers populaires, le sport de combat n’est-il pas finalement une alternative pour s’en sortir et se trouver un but dans la vie ?

J’ai travaillé dessus pendant très longtemps puisqu’en 1984, j’ai créé l’association Sport-insertion-jeunes. Pour moi, le sport est un bon outil d’intégration sociale. J’ai pu, à travers le sport, développer un réseau d’activité sur 1 400 quartiers en France. Je ramenais ces enfants-là s’entraîner à l'école polytechnique et les étudiants s’entraîner dans les quartiers. Je voulais que ces deux profils connaissent les milieux des uns et des autres en les décloisonnant.

Le sport comme outil d’intégration sociale a toujours été mon leitmotiv. Pour prendre l’exemple de Mohamed Ali, il vient d’un ghetto et il est devenu notre référence. Ses interventions auprès des jeunes sont restées gravées dans les mémoires. Dans un reportage sur Envoyé Spécial consacré à mon action dans ce sens, j’ai été contacté par le ministre de la Ville en 1991 pour travailler dessus. Je me suis rendu compte que sur les 1 400 quartiers, on intervenait déjà dans 800 à travers des associations constituées par réseautage. Le ministre s’est alors engagé à soutenir l’association. La rencontre avec feu François Mitterrand en 1992 a ensuite donné un réel coup de pouce aux activités socio-sportives pour l’intégration sociale et nous avions organisé les Trophées de quartiers.

Le sport comme outil d’intégration sociale est une façon de sortir les enfants des difficultés. C’est une manière de les éduquer en les ouvrant vers l’extérieur car tant qu’on a une équipe qui sort du quartier pour jouer ailleurs, les parents sortent aussi et il y a des rencontres qui se font. C’est une manière d’ancrer le vivre-ensemble dans tous les esprits et c’est très important.

Vous êtes entre Paris, Bruxelles et Rabat. Le développement du sport comme outil d’insertion et de réussite vous a poussé à lancer des projets au Maroc aussi, pour donner une nouvelle chance aux enfants en difficulté scolaire et les ramener dans un cursus via le sport...

J’ai été approché par le ministère de l’Education nationale, pour aider à revoir l’école de la deuxième chance en lui donnant une dynamique originale. Mon idée est de lancer une «Ecole de la deuxième chance sports-études». En d’autres termes, on remet à l'école les enfants qui ont quitté le système scolaire, avec des études générales en matinée et du sport l’après-midi, pour vivre en société et détecter les jeunes talents.

La première école sera ouverte dans le quartier de Ben M’Sik-Sidi Othman de Casablanca, avec le soutient de la délégation de l’Education nationale. Nous sommes en train de terminer les travaux, pour démarrer les activités dès janvier 2022.

Comment seront sélectionnés ces jeunes ?

Nous allons associer les clubs sportifs actifs dans la région de Casablanca et dans ces quartiers populaires et qui font un travail quotidien avec peu de moyens. Nous travaillerons ensemble pour recruter des enfants qui sont chez eux, qui ont un talent, mais qui ont arrêté l’école.

Vous travaillez beaucoup aussi avec la Fédération de boxe anglaise et donc l’objectif est de structurer et relancer des projets pour associer les boxeurs marocains à l’étranger. Comment se fait cette connexion entre la fédé et les sportifs MDM ?

Le Maroc a désormais une treizième région économique, avec le soutien de la Confédération générale des entrepreneurs du Maroc (CGEM) et qui regroupe les entrepreneurs marocains résidents à l’étranger. De la même manière, nous avons créé, avec un ensemble d’associations et de sportifs à l’étranger, une treizième ligue composée des Marocains évoluant dans les sports, dans différents pays. Nous avons mis en place, prenant exemple du cas de la boxe, un championnat international avec les MRE, à l’image du championnat national. Les vainqueurs rentreront avec la sélection marocaine, pour que le directeur technique (DTN) de la boxe puisse sélectionner les meilleurs éléments pour représenter haut et fort le Maroc, notamment aux Jeux olympiques afin de tisser les liens avec cette diaspora.

Il y aussi un projet que vous voulez relancer au sein de la fédération, et qui est le Trophée Mohammed VI de la boxe...

Le président de la fédération m’a demandé de relancer ce Trophée de référence qui a tenu précédemment cinq éditions. L’idée est d’en faire un trophée qui s’exporte sur le continent africain et qui met en avant des boxeurs marocains à l’étranger ainsi que les nationaux, amateurs et professionnels, avec un programme qui débutera au mois de mai 2022 à Dakhla, juste après la finale du championnat national et qui se déroulera sur une dizaine de dates, dont quatre dans les autres pays africains.

Ce rendez-vous donnera la chance aux boxeurs de l’Afrique de mieux se faire connaître dans le monde. Nous le ferons en partenariat avec l’African Union of Broadcasting, où je suis chargé des télévisions privées. Ainsi, le Trophée Mohammed VI sera diffusé sur les 54 chaînes membres de l’UAR.

Article modifié le 18/11/2021 à 18h21

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