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Grand Angle

Agression raciste à Dole : Quand le plaignant devient l’accusé...

La victime d'une tentative de meurtre à motivation raciste peut-elle être condamnée à payer une amende pour les dommages causés sur la voiture de l'agresseur ? Cette question n'est pas tirée du bac de philosophie, mais découle du réquisitoire du procureur contre Adil Sefrioui. Récit d'une étonnante audience au tribunal de Lons-le-Saunier.

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Adil Sefrioui, victime d'une agression raciste, sa femme et ses avocats. / DR
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Le procès de l’agression raciste à Dole (Jura) s’est ouvert hier, mardi, au tribunal de Lons-le-Saunier en absence de l’accusé, devenant un véritable procès de la victime. Le tribunal devait statuer sur des menaces de mort, injures racistes et la tentative d’écraser la victime, Adil Sefrioui après une altercation alors que ce dernier accusait le conducteur de prendre des photographies de ses enfants. L’enquête avait déjà fait couler beaucoup d'encre, le procureur refusant dans un premier temps de qualifier les faits de tentative d’homicide, avant de poursuivre la victime pour «violences légères, injures publiques et dégradation du bien d’autrui» .

Le procès a démarré dans de mauvaises conditions pour Adil Sefrioui alors que le tribunal devait statuer sur les charges qui lui sont reprochées. Son agresseur ne s’est pas présenté au tribunal, son avocat brandissant une excuse médicale déclarative, personnellement signée par son client, non authentifiée par un médecin, pour ne pas comparaître devant le juge. Cette «déclaration médicale» non certifiée est acceptée par le juge, qui a également rejetté la demande de requalification des faits en tentative de meurtre. Le débat contradictoire s'est donc tenu en l’absence d’un des intéressés.

La victime d'une tentative de meurtre doit réparer le dommage au véhicule ? 

La journaliste Emma Audrey, qui relate le procès en direct, témoigne «l'absence de l'agresseur présumé a changé le cours du processus. Désormais il n'y a que les faits reprochés à la victime qui sont mis sous loupe, un moment éprouvant sur lui et sa famille qui se trouve dans la salle».

Le juge a longuement questionné Adil Sefrioui, notamment sur ses insultes de «sale fachot», que la victime défend comme une simple réponse, un constat, à «sale bicot tu vas passer sous le capot». Le procès tourne vite en défaveur de la victime, le terme «bicot» est devenu «inaudible» dans le procès verbal, le juge questionne la victime pour savoir s’il a sauté sur le capot, s’il est resté dessus, l’agresseur a passé plusieurs jours avec l’appareil photo cause du litige et les 50 photographies du procès verbal deviennent 17 photos dans le dossier au tribunal. Les avocats de l'agresseur accusent même Adil, «si mon client avait déclaré "vous passez sur le capot" pourquoi vous vous mettez devant sa voiture. Pourquoi vous ne partez pas». Adil Sefrioui doit alors se justufier : «c'est ce que j'ai fait. Je suis allé sur le trottoir pour rentrer chez moi. Jamais j'aurais cru que ce monsieur aurait pu venir m'écraser. Personne peut croire ça !»

À la fin de cette première journée d’audience, le procureur retiendra contre Adil Sefrioui une amende de 350€ pour l’injure et 500€ avec sursis pour les dégradations sur le véhicule de l’agresseur qui a tenté de l’écraser. Ce dernier encourt une peine de 6 mois de prison dont 2 avec sursis et 4 sous bracelet.

Les avocats de la victime et l’association SOS Racisme, présente à l’audience, condamnent le traitement réservé à Adil Sefrioui qui se retrouve jugé pour sa propre agression raciste, dénonçant le traitement qui lui a été réservé depuis le début de l’affaire, contrastant tristement avec celui réservé à l’agresseur.

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