Selon une dépêche Reuters, le Trésor marocain envisage une levée de fonds importante pour septembre ou octobre prochain. C’est ce qui émerge de l’annonce faite hier par le directeur adjoint chargé du pôle Dette à la direction du Trésor, M. El Hassan Eddez. Dans un entretien qu’il a accordé en marge d’une réunion du fond monétaire arabe à Abou Dhabi, M. Eddez a souligné que cette sortie à l’international se ferait en dollars, une grande première pour le Trésor Public marocain qui choisit habituellement de libeller sa dette en euros.
«Ce serait notre première sortie en dollars et cela nous donnerait la possibilité de diversifier notre dette» a expliqué El Hassan Eddez à l’agence de presse internationale.
Si cette sortie se concrétisait, elle se traduirait par une levée de fonds comprise entre 500 millions et 1 milliard de dollars, une somme considérable qui viendrait donner du souffle aux finances publiques fragilisées du royaume. Pour rappel, le déficit public du Maroc a atteint l’année dernière son niveau le plus haut depuis 1980 en dépassant la barre des 6 % du PIB (6,1%) ; une situation que l’inertie autour de la mise-en-œuvre de la réforme de la Caisse de compensation n’a fait qu’aggraver.
Par ailleurs, si la sortie à l’international du Trésor public venait à se concrétiser, elle aurait également pour conséquence d’apaiser les tensions qui règnent en ce moment autour des liquidités dans le royaume. La levée de 5 milliards de dirhams en bons du Trésor la semaine dernière, au lieu des 2 à 3 milliards habituels, a d’ailleurs été conduite dans ce sens.
L’appel du pied des pays du Moyen-Orient
Rappelons que le Maroc n’en est pas à sa première sortie à l’internationale : en 2010, bien que les raisons étaient différentes (favoriser le développement du marché intérieur et confirmer la notation d’Investment Grade), le pays avait déjà émis un emprunt obligataire d’1 milliard d’euro.
M. Eddez ne précise toutefois pas si cette fois-ci aussi, il s’agira d’un emprunt obligataire. «L’incertitude [concernant la nécessité ou pas d’émettre des bonds obligataires] tient au fait que nous accusons un retard de 5 mois sur notre calendrier. Le budget n’a été voté que très récemment ; nous ne pouvons donc avoir d’idée claire et précise à ce sujet» explique-t-il.
Il est vrai que le Trésor marocain a été pris de court par le vote retardé du budget 2012, passé seulement le mois dernier. Ceci ne l’a néanmoins pas empêché de réfléchir sur plusieurs pistes à explorer pour que la sortie à l’international de l’institution soit couronnée de succès cette année. Parmi elles, l’hypothèse d’un recours à l’émission d’obligations islamiques, les soukouks, semble être une tactique judicieuse. Pourquoi ? Car en dépit de l’absence d’un cadre relatif à la finance islamique, l’annonce dans un pays du golfe (ndlr. Emirats Arabes Unis) d’un emprunt obligataire en soukouks et en dollars est efficace : les responsables marocains savent que les monarchies pétrolières, idéologiquement favorables à l’avènement d’un système de finance islamique, sont les seules à disposer du cash nécessaire à la souscription d’une levée de fonds de l’ampleur de celle qu’exige le Trésor marocain. L’Europe étant confrontée à une crise de la dette sans précédent, l’euro se fait rare. Les alliés arabes sont donc les principaux bailleurs de fonds potentiels de la planète en ce moment.
L’effet d’annonce envoyé par le Trésor public marocain est donc subtil, mais il l’est moins que l’appel du pied qu’il couvre et qui s'adresse directement aux pays arabes. Si le coup prend, des milliards de pétrodollars pourraient déferler sur l’économie marocaine à partir d’automne prochain.