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Grand Angle

Diaspo #188 : Reda Chebchoubi, un artiste qui allie cinéma, écriture et travail social

Réalisateur, producteur, comédien de cinéma et de théâtre, mais aussi éducateur social, Reda Chebchoubi a plusieurs cordes à son arc. Son champ de prédilection est de créer une passerelle entre les jeunes, l’histoire migratoire en Europe et les identités multiples.

Publié
Reda Chebchoubi / Ph. Chokito Tanja
Temps de lecture: 4'

Né en 1979 à Bruxelles, de parents d’origine tangéroise, Reda Chebchoubi s’est tourné vers des études en droit, avant de prendre la décision de suivre sa passion pour l’interprétation théâtrale et cinématographique. C’est à sa sortie de l’un de ses cours qu’il découvre une annonce de casting, à laquelle il décide de participer, sans imaginer que sa sélection parmi les candidats retenus constituera un tournant dans la suite de son parcours.

Second d’une famille de six enfants, quatre frères et deux sœurs, d’un père conducteur de taxi et d’une mère aide-soignante, Reda Chebchoubi grandit dans une famille où rien ne présageait qu’il se destinerait au septième art. A Ixelles, l’environnement social n’est pas très métissé à cette époque-là et à l’école, il se retrouve souvent le seul élève d’origine marocaine dans sa classe. Il vit quelques discriminations, sans comprendre réellement cette dimension au départ. Dans le football, où il a joué en sélection régionale, le jeune belgo-marocain se retrouve également discriminé.

Un écriture de soi dans le théâtre et la littérature

«Lorsque j’ai commencé le cinéma, ma mère me disait que ce n’était pas pour les gens comme nous. Je me disais que si je n’allais pas y arriver, je continuerais le cours de ma vie comme elle est !», se souvient-il. Rapidement remarqué dans le milieu artistique bruxellois au début des années 2000, Reda joue dans plus de 22 courts-métrages et passe derrière la caméra pour en réaliser d’autres. En tant que comédien, il participe à 13 longs-métrages, tourne dans des téléfilms et en réalise au Maroc pour 2M. On le retrouve dans «Tbib L’village – Soins à domicile», mais également dans deux séries, dont une web-série produite par Yabiladi en 2008.

Reda Chebchoubi n’est pas un inconnu au théâtre, puisqu’il joue dans huit spectacles, dont Djihad d’Ismaël Saidi, programmée dans plusieurs pays. Pendant sa tournée théâtrale, il se voit approché par une maison d’édition, qui lui propose d'écrire un livre sur son parcours. «Je me suis demandé qui cela pourrait intéresser, mais l’éditeur m’a convaincu qu’il était important de montrer des exemples qui donnent de l’espoir aux jeunes», souligne l’artiste.

Reda Chebchoubi publie ainsi son livre «Mes ancêtres les Gaulois», où il aborde la question de la diversité des identités. «Cela part d’une question fatiguante qui m’a été posée pendant mon enfance : qu’est-ce qui est mieux entre la Belgique et le Maroc ?», se rappelle Reda. «Cela m’a pris toute une vie pour trouver ma réponse : pour moi, le Maroc est mon père, un père absent à ma naissance, que je n’ai pas connu, que j’ai découvert en grandissant», confie-t-il.

C’est en tournant dans un film réalisé par Brahim Chkiri («Intiqam») que Reda traverse 5 000 kilomètres pour découvrir réellement le pays d'origine de ses parents. «Je dirais que la Belgique est ma mère, je suis né en Belgique, qui m’a toujours traité comme son fils, avec bienveillance. J’ai grandi dans ce pays, j’ai bénéficié de ses soins de santé quand je suis tombé malade et j’ai fréquenté l’école belge», indique encore l’artiste.

«Quand j’ai perdu mon père à 17 ans, j’ai pu continuer mes études alors que si j´avais vécu la même situation au Maroc, je pense que j’aurais dû arrêter et chercher du travail pour subvenir aux besoins de ma famille. En Belgique, j’ai bénéficié d’allocation d’orphelin, j’ai fait des études supérieures, nous avons eu un logement social.»

En appelant donc son livre «Mes ancêtres les Gaulois», Reda Chebchoubi lance «un coup de gueule contre tous ceux qui disent que l’on n’est pas chez nous», faisant que nombre de binationaux se sont sentis étrangers dans leurs deux pays d’origine. L’ouvrage soutient ainsi que «l’identité est comme un millefeuille» constitué de plusieurs couches. «On nous a fait croire que cette diversité est un manque, alors que c’est une richesse qui gagne à être exploitée», soutient l’artiste, qui fait de sa conviction un message à transmettre aux jeunes, dans le cadre de son travail quotidien.

A ce titre, il est actif dans le cadre de l’association Formation et pédagogie en France, en collaboration avec trois ministères pour intervenir dans les collèges et les lycées. Etant assistant social dans l’aide à la jeunesse, il y anime des ateliers sur la construction identitaire, parallèlement à sa carrière artistique.

Une dynamique entre écriture, art, travail social et de mémoire

Dans la continuité de cette dynamique, Reda Chebchoubi publie un ouvrage sur le repli communautaire. Il continue, par ailleurs, à multiplier les collaborations artistiques, notamment dans le cadre du film de comédie «Moroccan Gigolos», dont il se souvient d’une anecdote familiale.

«J’ai longtemps caché à ma mère l’appellation de ce film qu’il s’appelait Moroccan Rigolos, mais elle a fini par découvrir le nom du film à travers le journal télévisé. Nous nous sommes esquivés pendant un mois et demi, car elle n’admettait pas que le nom de son fils soit associé à un profil de gigolo.»

Aujourd’hui père de famille, Reda Chebchoubi a permis à ses enfants de grandir dans un environnement où ils sont en contact avec l’art.   Sa fille Yasmine a d'ailleurs «fait ses premiers pas sur un tournage où [il] travaillai[t] et auquel elle assistait avec sa mère», remarque-t-il.

L’histoire de la migration ouvrière et des aïeux mobilisés dans les champs de bataille sont aussi des sujets qui lui tiennent à cœur, car les connaître permet aux plus jeunes de trouver leurs repaires identitaires entre leurs deux pays. Actuellement, Reda Chebchoubi travaille sur l’écriture d’un long-métrage avec Hicham Slaoui et Laurent Denis, pour retracer l’histoire de l’immigration marocaine. Il travaille aussi sur un spectacle qu’il espère mettre en scène à la fin de la crise sanitaire, intitulé «Les tirailleurs».

Cette pièce raconte la participation des soldats marocains en première ligne durant la seconde guerre mondiale en Europe. «Ces personnes âgées sont décédée pour la plupart, sans bénéficier de la pension à laquelle ils avaient droit», raconte Reda Chebchoubi, qui travaille sur le projet avec Hicham Slaoui, son complice de travail, ainsi que le comédien belgo-marocain Samir Kadi.

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