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Grand Angle

Souss-Massa : Des ouvriers agricoles non payés depuis mars 2020

Des mères et des pères de famille, 700 ouvriers agricoles sur la région de Souss-Massa, souffrent de retard de salaire ou de licenciements abusifs depuis mars 2020. Après un dialogue resté au point mort pendant des mois, un appel est lancé directement aux ministres de tutelle.

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Photo d'illustration / DR.
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Plus de 700 personnes travaillant dans les grandes firmes agricoles au niveau de la région de Souss-Massa se trouvent sans emploi depuis les mois de février et mars 2020. Une importante partie sont des femmes, qui ont exercé dans les champs pendant au moins une vingtaine d’années. Lors d’une rencontre à l’initiative de la section régionale de la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA), toutes et tous ont témoigné, dimanche, de leurs difficiles conditions de vie, et du silence des ministères de tutelle.

La rencontre, tenue à distance, a été l’occasion d’évoquer la situation sociale de travailleurs précarisés et d’autres victimes de licenciements abusifs. Des pratiques identifiées par la FNSA, principalement au niveau de cinq groupes patronaux, à savoir Sobrofil, Rosaflor, Agrumes de Taroudant, SAOAS et Pepper World.

«Il y a des ouvrières agricoles parmi nous qui ont 60 ans et plus. Elles n’ont ni sécurité sociale, ni payements en règle», a dénoncé la représentance syndicale des travailleuses de Sobrofil depuis Chtouka Aït Baha, indiquant que des centaines ont été licenciées sans dédommagements, depuis le mois de mars 2020.

«Nous demandons à ce que ces femmes soient réinsérées au sein de leur usine, car à leur âge, elles ne trouveront aucun nouvel employeur qui acceptera de les recruter alors qu’elles ont servi leur entreprise depuis au moins 30 ans. Dans le cas échéant, les indemnités de licenciement doivent être versées dans le respect des lois en vigueur.»

Déléguée syndicale des ouvrières de Sobrofil

Une situation de précarisation depuis 2019

La même situation dure depuis un an et demi à Rosaflor, également à Chtouka Aït Baha. En mai 2019, des centaines d’ouvrières sont licenciées. «Les plus jeunes ouvrières ont 18 ans de bons et loyaux services et nous sommes en sit-in ouvert dans la rue depuis des mois, sans répondant ni de la part de la direction, ni de la part des autorités locales à qui nous avons demandé de convoquer toutes les parties concernées pour trouver une issue favorable», a dénoncé également la représentante des ouvrières de l’entreprise. En attendant, «plusieurs familles qui dépendent des maigres entrées de ces ouvrières se retrouvent sans aucun moyen de subsistance», a alerté la déléguée.

Au sein du producteur de solutions phytosanitaires destinées à l’agriculture SAOAS à Inezgane Aït Melloul et à Chtouka Aït Baha, les ouvriers font état de licenciements ayant visé particulièrement les créateurs du bureau syndical au sein de l’entreprise, ainsi que les nouveaux adhérents. «Une politique de harcèlement et de peur a été semée depuis février 2020 par la direction, pour les dissuader d’intégrer le syndicat», a déploré le représentant des salariés. Il reproche aussi à l’employeur d’avoir «manqué aussi à ses engagements pris au niveau de la direction du travail de réemployer des licenciés». A l’image des ouvrières de Rosaflor, la situation a poussé les employés à observer un sit-in ouvert «depuis huit mois, sans avoir de répondant».

Pour leur part, les ouvriers d’Agrumes de Taroudant déplorent une précarisation «volontaire de la part de la direction», depuis septembre 2020. «D’abord, nous avons perdu tous nos acquis enregistrés jusque-là, puis nos droits sociaux», déplore le représentant des ouvriers. Il dénonce ainsi une «tentative de liquidation de la part de l’entreprise, qui a réduit la superficie plantée de 153, 120 à 60 hectares, puis a laissé partir les employés, qui sont passés de 53 à 33». Selon lui, les ouvriers soupçonnent la direction de «spéculation foncière pour passation de biens à des propriétaires privés».

Des demandes de médiation confrontées au silence des autorités locales

A Pepper World, active à Inezgane Aït Melloul, à Chtouka Aït Baha et à Biougra, l’action des salariés a également eu comme réponse des licenciements des adhérents au bureau syndical. Selon ce dernier, «cette entreprise ne respecte même pas les exigences minimales du Code du travail».

Secrétaire général régional de la FNSA, Lahoucine Boulberj a indiqué qu’à Souss-Massa, «les ouvriers agricoles appellent le gouvernement à intervenir en urgence auprès d’eux, qui sont plus de 700 et font vivre, au total, plus de 5 000 personnes». «Les ministres de tutelle doivent se rendre sur les lieux et écouter la main d’œuvre, notamment ceux en sit-in ouvert depuis les mois d’avril et mai de l’année dernière ; cette situation de crise sociale ne peut plus durer», a-t-il alerté.

La période de crise sanitaire a été annonciatrice de plusieurs violations des droits des travailleurs dans plusieurs secteurs. Déjà précarisés avant la pandémie du nouveau coronavirus, les ouvriers agricoles en ont particulièrement fait les frais, à travers des licenciements, mais aussi des conditions de travail les exposant au risque de la contamination.

Lahoucine Boulberj appelle ainsi à une action directe des ministres concernés, à savoir l’Agriculture et l’Emploi. Il tient les autorités locales en partie responsables, à travers «leur refus de tenir des réunions avec les représentations syndicales pour trouver des solutions».

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