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Grand Angle

Maroc : Liberté de la presse et sacralité du Roi

Où commence et où s’arrête la sacralité du Roi? Une question que l’on est en droit de se poser après la multiplication des affaires liées à certaines publications journalistiques. Entre l’ouverture prônée par certains, qui ressemble de plus en plus à un mythe, et la répression, très palpable, qui plane au-dessus de la profession, le journaliste reste béat. Décorticage.
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A bien regarder les textes législatifs, aucune loi n’existe en ce sens. Du moins, elle ne décrit rien d’explicite en matière de sacralité. En se basant sur l’article 41 du code de la presse, trois points essentiels font partie intégrante des interdits en matière d’expression : Le régime monarchique, la religion islamique et l’intégrité territoriale. De même qu’est interdite toute offense envers la personne du Roi ainsi que les princes et princesses royaux. De telles « insultes » sont passibles de 3 à 5 ans d’emprisonnement assortis d’une amende de 10.000 à 100.000 dirhams. La suspension du journal ou de l’écrit pourra être prononcée par la même décision de justice pour une durée n’excédant pas trois mois. Le tribunal peut également prononcer l’interdiction du journal.

Un article considéré comme « liberticide » pour beaucoup de professionnels du secteur, comme nous l’explique Younès Moujahid, Président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM). « Ce texte date de l’époque du Gouvernement d’El Youssoufi. Il n’existait même pas à l’époque de feu Hassan II ». Présenté ainsi, toutes les interrogations sont permises.

Seulement, quand ce même code de la presse ne bénéficie plus de marge de manoeuvre répressive, jugée sans doute nécessaire, le code pénal intervient. Selon l’article 179 de ce dernier, « Est punie d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 200 à 1.000 dirhams toute offense commise envers la personne du Roi ou de l’Héritier du Trône ». Cette condamnation passe de six mois à deux ans et d’une amende de 120 à 500 dirhams quand les personnes offensées visent les autres membres de la famille royale. On entend par offense le fait d’humilier une personne. Or, feu Sa Majesté Hassan II n’avait-il pas décrété lui-même que l’on pouvait « critiquer la politique du Roi, mais pas sa personne » ?

Le schéma juridique est aussi à mettre en exergue. Les publications sont chapeautées par leur ministère de tutelle, donc celui de la communication. Si une « offense » est constatée, ce dernier dépose une plainte auprès du ministère public qui se charge ensuite de la convocation des personnes inculpées d’insultes à la personne du Roi, pour ensuite les condamner, souvent dans des jugements quasi-expéditifs. Simplement, avec cet esprit d’ouverture que prône le Royaume, les chantiers en cours pour justifier son statut de « pays avancé », comment des affaires telles que les procès du Journal Hebdo, Telquel, Nichane ou encore l’affaire du bloggeur Mohamed Erraji peuvent-elles encore avoir lieu ? En attendant, ceux qui ne se contentent pas de subir, n'hésite pas à parler de « procès politiques ».

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