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Grand Angle

Où en est le Maroc dans sa stratégie de dépistage du nouveau coronavirus ?

Alors que les annonces sur la vaccination contre le nouveau coronavirus se multiplient au Maroc, les dépistages et les tests continuent de montrer un taux de positivité inquiétant. Pourtant, le nombre de tests quotidiens plafonne. Quelle stratégie de dépistage pour le Maroc ?

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Photo d'illustration / DR.
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Depuis juin dernier, le nombre de dépistages au nouveau coronavirus réalisé quotidiennement avoisine les 20 000, avec un taux de positivité qui a considérablement augmenté au fil des mois. Pourtant, l’accès aux tests PCR devient difficile d’accès dans certaines villes ou au niveau de certains hôpitaux. De plus en plus de cas contacts ou asymptomatiques n’y sont pas soumis. Faut-il ainsi redouter une pénurie des tests ou des réactifs ? Quelle est l’efficacité de ce procédé dans l’identification et le suivi de l’évolution des infections ?

Directeur du laboratoire de virologie à l’Université Hassan II de Casablanca, le professeur Moulay Mustapha Naji a déclaré à Yabiladi que l’augmentation du taux de positivité (nombre de résultats positifs / nombre de tests total par jour) reflète une propagation du virus «devenue plus rapide au sein de la population, depuis l’allègement du confinement sanitaire il y a quelques mois, parallèlement à l’application des mesures préventives à travers le port du masque et le respect de la distanciation physique qui laissent à désirer».

Accélérer les dépistages pour mieux prendre en charge les malades

Chef de service des maladies infectieuses au Centre hospitalier universitaire (CHU) d’Ibn Rochd et membre du comité de veille Covid-19 à Casablanca, Pr. Kamal Marhoum El Filali déclare que cette propagation s’explique également par les nombreux cas asymptomatiques, qui sont désormais des vecteurs du virus. «Au début de la pandémie, les chances qu’un cas contact soit positif étaient faibles», a-t-il souligné, ajoutant que «la circulation communautaire du virus fait désormais que toute personne peut être porteuse».

«L’important est de prendre en charge les personnes malades et d’axer tous les efforts sur les malades symptomatiques, car l’objectif est d’éviter l’impact négatif de l’infection sur la santé des patients.»

Pr. Kamal Marhoum El Filali

Il y a-t-il une pénurie de tests PCR ou de réactifs comme semble le refléter le peu de disponibilité dans certaines structures hospitalières ? Le professeur Moulay Mustapha Naji se montre rassurant, estimant qu’ils ne risquent pas de faire défaut, vu «leur disponibilité au niveau des fournisseurs». Restent alors des failles à combler au niveau de la distribution, faisant que certaines structures et unités de santé y accèdent de manière limitée. Le professeur Kamal Marhoum El Filali se dit plutôt rassuré aussi, «dans la mesure où le Maroc fabrique désormais ses tests PCR».

«Il ne faut pas oublier qu’à côté du matériel et de la logistique, il faut tenir compte des ressources humaines et nous montons à l’échelle de plus en plus les capacités des laboratoires, ce qui permet d’augmenter le nombre de tests réalisés dans le pays.»

Pr. Kamal Marhoum El Filali

Autre point fragile dans la stratégie de dépistage : le temps pris entre le test PCR et ses résultats. Des recommandations de médecins et de chercheurs mettent en avant le recours aux tests antigéniques rapides de manière élargie, afin d’augmenter la fréquence et l’accès au dépistage, avec des résultats en 15 minutes. A Casablanca-Settat, région la plus touchée par la pandémie au Maroc, ces tests ont été lancés il y a quelques jours.

«C’est encore quelque chose de nouveau», nous explique Kamal Marhoum El Filali, soulignant en effet l’avantage d’«accélérer le dépistage des personnes contaminée, avec des résultats rapides qui court-circuitent les étapes exigées par la PCR». «Cela permettra de faire ces tests dans des régions reculées aussi, dans des quartiers ou ailleurs. Le test pourra être même fait par le médecin généraliste», a-t-il souligné.

Le professeur Moulay Mustapha Naji estime auprès de Yabiladi que l’introduction de ces tests peut aider à détecter plus rapidement les nouveaux cas positifs et accélérer leur accès au traitement nécessaire. Mais à ce stade du lancement, il souligne que «les tests antigéniques ne sont pas réalisés massivement pour que l’on puisse dire que leurs résultats pèsent de manière considérable sur les statistiques quotidiennes».

Tester et isoler les patients, parallèlement à la campagne de vaccination

Le professeur Naji reconnaît également que «le virus se propage actuellement au niveau communautaire» et qu’il faut être «très vigilant sur cette évolution, alors que nous sommes aux phases finales des essais du vaccin anti-covid au Maroc».

A ce stade de l’évolution de la pandémie dans le pays, il estime que «nous gagnerions à employer les moyens nécessaires pour accélérer et élargir les campagnes de vaccination, plutôt que de capitaliser sur les dépistages et les tests PCR, comme nous le faisons depuis des mois et comme nous l’avons fait avant de participer aux essais cliniques». Pr. Naji soutien que prioriser la vaccination «ce sera un moyen plus efficace pour ralentir la vitesse de propagation du virus».

Mais le professeur Kamal Marhoum El Filali plaide pour une approche globale, où aucun aspect de la gestion de la pandémie ne se fait au détriment de l’autre. «Il n’est pas question de lever le pied sur les diagnostics et les dépistages, d’autant plus que les patients doivent continuer à être pris en charge» malgré les campagnes de vaccination.

«Il est très important de diagnostiquer et d’isoler. Quand le vaccin sera mis en circulation, il faudra donc continuer les deux premiers aspects du contrôle de la pandémie, en même temps que l’élargissement de la campagne pour atteindre un pourcentage suffisant de population immunisée, et baisser ainsi la propagation de la pandémie.»

Pr. Kamal Marhoum El Filali

Dans ce sens, Pr. Marhoum El Filali rappelle que la stratégie suivie pour gérer la crise sanitaire repose sur deux bases aussi essentielle l’une que l’autre, à savoir dépister les cas suspects et isoler ceux diagnostiqués positifs, tout en assurant leur suivi médical. Le vaccin devra constituer le troisième aspect de cette approche ; les trois processus se complétant.

«Plut tôt on fait un diagnostic, plus tôt nous pouvons prendre en charge un cas positif et cela fait partie de l’effort national pour prendre le contrôle sur la propagation de pandémie, en plus des mesures barrière puis de la vaccination», a-t-il conclu.

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