«Nous voulons établir un système de tri sélectif à la source», annonce Chikh El Khorchi, ingénieur chef de service propreté de la commune urbaine d’Agadir. Encore à l’état d’étude, le projet s’il voit le jour, serait le premier au Maroc où le leitmotiv a été pendant des décennies : tout en décharge. En plus d’une étude de caractérisation des déchets, le commune urbaine «va solliciter des étudiants pour qu’ils réalisent une enquête auprès de la population afin de mieux connaître ses besoins», explique Chikh El Khorchi.
L’objectif : deux poubelles, l’une pour les déchets recyclables et les déchets dangereux, l’autre pour les déchets organiques fermentescibles. «Ce n’est pas facile, reconnait El Khorchi, dans un premier temps, nous prévoyons de solliciter les restaurant, les écoles, les lycées, les universités et les immeubles où il y a une chambre à ordure.» Pour y parvenir, la commune urbaine prévoit de créer une société de développement local spécialisée dans environnement.
Aujourd’hui, il existe déjà un système de tri à la source dans la ville mis en place par l’entreprise Progress. La récupération des déchets se fait uniquement auprès des hôtels de la ville.
Une première initiative, mais «l’entreprise récupère seulement les déchets déjà triés par les hôtels eux mêmes. Dans le reste des déchets qui partent à la décharge il y a encore un gisement riche», modère Chikh El Khorchi.
A Agadir, comme dans tout le Maroc, une autre sorte de récupérateurs œuvre chaque jour dans l’anonymat et le dédain collectif : les chiffonniers. Ces hommes passent dans les rues, leur charrette de métal par devant eux. Ils s’arrêtent aux poubelles pour récupérer qui les bouteilles en plastique, qui les cartons … Ils appartiennent à une chaine pyramidale complète au Maroc «depuis les ramasseurs de rues, en passant par les grossistes des tailles différentes jusqu’à l’industrie elle-même», explique Hassan Chouaouta, président de l’association AMEDE, association de conseil aux collectivités locales pour la gestion des déchets.
Le travail des chineurs des rues est complété par celui des récupérateurs qui œuvrent directement sur les décharges. «3500 à 4000 familles vivent, au Maroc, des décharges», indique le président de l’association AMEDE. «Ils sont environ 80, chaque jour, en temps normal et plus pendant les vacances scolaires, à venir sur la nouvelle décharge de Tamelast», souligne l’ingénieur chef du service propreté de la commune urbaine d’Agadir. Avec eux, des éleveurs de moutons font paître leurs bêtes sur la décharge. Les animaux mangent les déchets organiques mêlés aux autres détritus.
Les récupérateurs devraient, à terme, prendre place dans le centre de tri construit par Tecmed Maroc, filiale marocaine d’une société espagnole spécialiste de la collecte des déchets et très implanté au Maroc. «Ce centre constituait le volet social de la proposition de Tecmed Maroc au moment de l’appel d’offre de la commune urbaine pour choisir un gestionnaire pour la décharge de Tamelest», explique Chikh El Khorchi. Sur le même principe, depuis juin 2011, la ville de Rabat a ouvert le sien, sur la décharge de Oum Azza, en se basant sur l’association en coopérative des récupérateurs.
Le centre tri d’Agadir est prévu pour pouvoir retraiter au maximum la moitié des 600 tonnes de déchets déversées chaque jour dans la décharge. Le centre a pris beaucoup de retard. «La construction a été faite, mais faute d’équipement à l’intérieur, il n’est pas encore opérationnel», explique la direction de Tecmed Maroc. La société et la Ville se renvoit le problème.
L’intégration professionnelle et sociale que porte le centre de tri pour les chineurs n’est pas, toutefois, la solution idéale. «Il est très difficile pour une commune de trouver un seul interlocuteur au sein des chineurs, de les faire s’organiser et s’entendre», explique Hassan Chouaouta. Si les centres de tri embauchent moins de personnes qu’ils n’en travaillent habituellement sur les décharges, ce sera «autant de personne qui vont descendront probablement en ville et viendront concurrencer les chineurs des rues», note M. Chouaouta. Le risque est également, pour certains d’entre eux, de gagner moins, en dépit des assurances sociales offertes par un travail déclaré, dans les centres de tri qu’auparavant.
Les centres de tri installés sur les décharges ne sont donc pas la panacée. «Dans l’idéal, le tri des déchets doit se faire en amont de la filière, car il est très difficile de séparer les objets les uns des autres une fois qu’ils ont été compactés et mélangés dans les poubelles», souligne Simon Cadio, chargé d’affaires en gestion des déchets pour l’entreprise de conseil aux collectivités locales Iskane. «Nous espérons que le système de tri sélectif à la source sera opérationnel à Agadir d’ici 5 ans», annonce Chikh El Khorchi.