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Grand Angle

Cannabis : risque de trouble psychotique multiplié par 11 chez les adolescents

Alors que de plus en plus de pays assouplissent les lois sur le cannabis et que la perception de ses dangers diminue parmi les jeunes, comprendre le lien entre la consommation de cannabis chez les adolescents et les troubles psychotiques devient une «question de santé publique». Une équipe de cinq chercheurs s'est penchée sur cette problématique à travers une étude, publiée le 22 mai par Cambridge University Press. 

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«Entre 2,3% et 3,5% des individus souffriront d'un trouble psychotique au cours de leur vie.» Ce constat révélé par Owen et al, en 2016, souligne la gravité de ces affections mentales. Les troubles psychotiques, parmi lesquels la schizophrénie est la plus courante, se caractérisent «par l'incapacité à distinguer l'expérience interne de l'esprit, de la réalité externe de son environnement», précise le rapport. La schizophrénie, quant à elle, se manifeste par divers symptômes tels que des «idées délirantes, des hallucinations, une perte de contact avec la réalité, une perte de motivation, un retrait social et des troubles cognitifs».

Une étude récente au Canada montre que la consommation de cannabis à l'adolescence multiplie par 11 le risque de troubles psychotiques. En revanche, aucune association significative n'a été observée entre la consommation de cannabis et les troubles psychotiques chez les jeunes adultes, âgés entre 20 et 33 ans. Ces résultats soutiennent donc l'idée que les adolescents sont particulièrement sensibles aux effets néfastes du cannabis.

En effet, la période du développement cérébrale pourrait être perturbée par son principal ingrédient psychoactif, le «Δ-9-tétrahydrocannabinol» (THC). Ce dernier est soupçonné d'affecter le système endocannabinoïde (endoCB), atteignant ainsi la «plasticité synaptique, le développement de la matière blanche et la liaison des récepteurs CB1».

Prédisposition masculine aux troubles psychotiques

Chez les jeunes garçons (de 12 à 19 ans), la corrélation entre la consommation de cannabis et les troubles psychotiques se révèle plus accentuée que chez les jeunes femmes. Effectivement, cette population montre un lien plus prononcé entre l'usage de cannabis et l'apparition de la schizophrénie, comparativement à d'autres groupes d'âge et de sexe.

Cette association est particulièrement inquiétante en raison des conséquences néfastes qui y sont associées, notamment un risque accru de «suicide, de sans-abrisme, de chômage», et une espérance de vie moyenne réduite de 10 à 20 ans par rapport à la population globale.

Par ailleurs, cela pourrait être renforcé par l’accroissement de la «puissance du cannabis», comme l'ont suggéré Hjorthøj, Posselt et Nordentoft, en 2021. La teneur en THC du cannabis aurait considérablement augmenté au fil du temps, passant de moins de 1 % avant 1980 à environ 15-20 % en 2016.

Une causalité inversée

Toutefois, le débat concernant la relation causale entre la consommation de cannabis et les troubles psychotiques reste ouvert. Des recherches récentes, telles que celles menées par Ganesh et D’Souza (2022) et Gillespie et Kendler (2021), remettent en doute la nature de cette corrélation, suggérant qu'elle pourrait être plus complexe que ce que l'on pensait initialement.

En moyenne, il s'écoule 7 à 8 ans entre le début de la consommation de cannabis et l'apparition des symptômes psychotiques. Par ailleurs, Lieberman et Fenton (2000) notent un laps de temps moyen de 1 à 2 ans entre l'apparition des symptômes et le début du traitement. Ces constatations soulèvent la question de la «causalité inversée» : les jeunes présentant des symptômes psychotiques pourraient avoir commencé à consommer du cannabis avant même la recherche d'un traitement médical.

Il est possible qu'une «boucle de rétroaction» existe entre la consommation de cannabis et les symptômes psychotiques, où chaque facteur renforce l'autre. Cette dynamique pourrait biaiser les estimations de l'étude, surtout chez les adolescents, qui ont tendance à avoir une durée de psychose non-traitée plus longue que les jeunes adultes.

Par conséquent, les différences dans la manière dont les adolescents et les jeunes adultes interagissent avec le système de santé peuvent affecter la relation entre la consommation de cannabis et les troubles psychotiques.

Méthode de recherche

Les chercheurs, André J. McDonald, Paul Kurdyak, Jürgen Rehm, Michael Roerecke et Susan J. Bondy, ont utilisé des données d'enquêtes menées entre 2009 et 2012, couplées à des dossiers de santé datant de 2018, couverts par l'assurance maladie d'Ontario (Canada). 

Ils ont suivi un groupe de 11 363 personnes âgées de 12 à 24 ans, sans antécédent de trouble psychotique, pour déterminer le laps de temps avant leur premier séjour à l'hôpital, visite aux urgences ou consultation externe liée à un trouble psychotique. Les chercheurs ont calculé des ratios de risque spécifiques à l'âge pour les adolescents (12-19 ans) et les jeunes adultes (20-33 ans).

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