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Ambre* a écrit:
Suite …
Ce qu’il avait vu en ces contrées lointaines, était l’horreur, aucun humain ne devrait être confronté à un tel spectacle … il ne pouvait revoir ces scènes qu’en cauchemar car les ressentir il n’en avait pas le droit, alors il subissait cette agonie tous les soirs … les cris, le sang, les coups de feu ... des corps inertes couverts de la poussière des éclats, la désolation, le comble de l’horreur humaine … il imaginait ses âmes quelques heures avant marchant, mangeant parlant au sein de leurs vies, s’étalant sous ses yeux aux regards froids, son âme luttant … vomissait ses tripes comme pour se débarrasser de cette image qui le rongeait …
Tous les jours il venait et tous les jours il repartait, voilà maintenant 30 ans que ça dure … 30 ans d’agonie, 30 ans qu’il se punit … »
Il marque un arrêt, je n’ose interrompre son monologue, figée sur place de peur de casser le fil de ses souvenirs, je regarde ses larmes couler sans un bruit …
« Le temps passe vite ma fille, tellement vite … le pardon était un luxe qu’il ne pouvait se permettre, sa vie entière a été rongée par la culpabilité et le mal être … et le voilà aujourd‘hui encore une fois, errant comme un fou à la recherche de sa paix intérieure, titubant péniblement, le dos vouté par le poids de son fardeau que le temps a rendu trop lourd … et ses chaines aux chevilles … ses jambes n’ont plus la force de la sentence … son âme est à bout … à bout … »
Sa voix devient à peine audible … brisée par l’émotion et l’usure … alors je lui dis dans un murmure …
- Qu’en est-il de la Miséricorde Divine ?
- Il juge ne pas en avoir droit …
- Peut-il juger à la place du Seul juge ? … A Dieu nous sommes et à Lui nous revenons … Si nous perdons espoir en le pardon et la miséricorde divine, que deviendrons nous ? …
Les bruits à l’intérieur du café semblaient se calmer mais les lieux avaient perdu de leur hospitalité, sans un mot, nous reprenions nos chemins l’un et l’autre chacun vers une destination inconnue …
Salam
Jade*
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blagueur a écrit:
A Louloute, en mémoire à feue Marie-Claude, qui éveille d’autres souvenirs.
Yabi-café, emmitouflé dans une chapka, un fraternel cadeau, il se laissa porté par les vagues souvenirs, en flots nostalgiques d'une vie estudiantine ...
Ses yeux pétillants dissipaient une généreuse bonté d’âme.
Cette attachante boulangère de son état, toujours souriante, pourtant encore jeune, avait tissé un imperceptible lien maternel avec cet étudiant sérieux et timide, venu d’un pays d’au-delà de la méditerranée.
Un rayon de soleil auréolait alors son visage sans nom, tandis qu’elle s’affairait à choisir pour lui un pain. Un pain qui réchaufferait ce frileux sans famille, cet étranger du sud perdu dans l’immense solitude glaciale du froid hivernal parisien.
Lui, qui avait mis du temps à défaire sa valise, à la condamner au vide pour remplir l’autre vide de l’armoire jusque là délaissée et boudée, retrouvait dans le regard de cette boulangère toute la noblesse, la compassion désintéressée qui emplissait son cœur, ceux d’une personne anonyme foncièrement bonne et attentionnée.
Sans vains mots, elle l’avait pris sous son aile et avait accroché son annonce pour des cours particuliers de maths et de physique, bien en vue, près de la caisse. Il était convaincu qu’elle le recommandait vivement et encourageait les parents à lui envoyer leurs enfants en difficultés.
Un visage gravé à jamais dans sa mémoire et dont le seul souvenir ravivait une paisible sérénité, un tendre sourire nostalgique.
La boulangerie était mitoyenne à un magasin spécialisé en bibelots, gadgets et cadeaux de fin d’année, tenu par un couple de juifs de Meknès, qui lui confièrent leur fille unique qui traversait les sempiternelles difficultés scolaires passagères de la puberté et de l’adolescence. En y repensant, parmi ses élèves, nombre étaient des enfants uniques voire de familles monoparentales.
Des Juifs, eux aussi perdus en région polaire parisienne, sur le chemin de leur interminable aliya, une famille bien marocaine, déjà en perte d’identité à une vitesse vertigineuse.
Que sont devenus, les juifs de notre pays ?