C’est un véritable bouleversement que vivent actuellement Al Oula et 2M. Les deux chaînes de télévision vont devoir produire plus de contenus en arabe et mettre de côté ceux en français. Celui qui est derrière cette réforme n’est autre que Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte parole du gouvernement (PJD). La réforme a d’ores et déjà été validée à la fin du mois de mars dernier au niveau du Conseil supérieur de la communication audiovisuelle et de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA). Une réforme qui modifie les cahiers des charges des chaînes TV mais aussi radios publiques.
«A Al Oula les journalistes produiront dorénavant 3 journaux télévisés en arabe et un en amazigh (sous-titré en arabe) par jour. En termes de quota, 80% des quotas de la première chaîne seront en langue arabe et les 20% restant en amazigh (…) A 2M, la télévision, les équipes de rédaction produiront désormais au moins 2 journaux télévisés en arabe (à 12h45 et 20h45), un en amazigh, un régional et un cinquième (certainement décalé au-delà de 23 heures !) en français», explique le Soir Echos dans sa version papier d’aujourd’hui lundi 9 avril.
Dada…privé de dodo !
L’une des personnes qui va être directement touchée par ce changement soudain de programme est Ouadih Dada, le présentateur du JT en français diffusé sur la chaîne 2M tous les soirs à 20h45. Il devra désormais le présenter après 23h.
«Sur le principe, étant donné que l’arabe est la langue officielle du pays, il n’y a rien de choquant à la favoriser et à la mettre en avant. Néanmoins, cela ne doit pas être fait au détriment des autres langues. Parce qu’on le veuille ou non, on est un pays francophone qui a une histoire avec cette langue», insiste Ouadih Dada contacté ce matin par Yabiladi. Pour lui, tant qu’il a un horaire fixe pour présenter son JT, cela ne lui pose pas problème de le présenter en dernière partie de soirée. «Je suis obligé de m’y plier !», s’exclame-t-il.
Néanmoins, il en reste pour du moins agacé. Il insiste sur le fait que son JT est extrêmement suivi chaque soir par les opérateurs économiques marocains mais aussi par les diplomates étrangers. Ces derniers ne vont pas nécessairement attendre les 23 heures pour avoir les informations économiques dont ils ont besoin.
Par ailleurs, il pense également aux Marocains Résidents à l’Etranger qui sont nombreux à suivre son journal dans les quatre coins du monde. «Avec le décalage horaire actuel de deux heures, les MRE ne vont pas rester éveillés jusqu’à une heure du matin pour mes beaux yeux !», lance-t-il en éclatant de rire confiant avec humour que sa mère ne pourra plus le regarder aussi tardivement de France.
Pas d’argent…pas de qualité ?
«Ce nouveau gouvernement fait du bricolage. On fait ici et là des petites retouches. Mais quels problèmes cela va-t-il résoudre ? Où sont les professionnels qui vont mener à bien cette réforme ? Ils [le gouvernement] viennent de supprimer les publicités du loto à la télévision, ça représentait tout de même 26 millions de dirhams. Ils vont faire comment pour compenser cette perte d’argent ?», s’interroge Ouadih Dada déplorant que le ministre de la Communication n’ait pas du tout demandé l’avis des professionnels de ces chaînes avant de décider de cette réforme.
Enfin, pour Moulay Driss Jaïdi, professeur et spécialiste en audiovisuel, le débat n’est pas de savoir s’il faut proposer plus de programmes en arabe ou en français mais insister sur la qualité des programmes quelle que soit la langue. «Les programmes en arabe ne doivent pas rimer avec médiocrité. Il y a des émissions télévisées en arabe mais elles sont d’une nullité absolue !», conclut-t-il d’un ton ferme.