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Grand Angle

Urgence sanitaire : «L’ingénierie juridique de l’état d’urgence n’a pas été à la hauteur»

Dans un rapport sur la gestion de l’état d’urgence sanitaire au Maroc, qui ne tarit pas d’éloges sur les mesures mises en place par l’Etat, le CEDHD et le DCAF estiment que la gestion juridique reste «le maillon faible» dans la lutte du Maroc pour endiguer la propagation du coronavirus.

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Photo d'illustration. / DR
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«L’ingénierie juridique de l’état d’urgence n’a pas été à la hauteur des mesures sanitaires, économiques ou sociales audacieuses et innovantes et des efforts consentis à cet égard par les différentes composantes des pouvoirs publics». Telle est l’une des remarques formulées par le Centre d’études en droits humains et démocratie (CEDHD) et le Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité (DCAF) basé à Genève.

Dans un rapport intitulé «Gestion de l’état d’urgence sanitaire au Maroc, gouvernance sécuritaire et droits humains», les deux centres se sont ainsi intéressés à la période de mars/avril 2020, coïncidant avec la première phase de confinement décrétée par le gouvernement, jusqu’au 10 juin 2020, date d’un début d’allégement des mesures de confinement.

Une «faible contribution» de l’institution législative

L'analyse vise à permettre «une évaluation préliminaire de l’efficacité des mesures adoptées, ainsi que l’identification des sujets de préoccupation» et proposer «aux autorités exécutives et législatives marocaines des recommandations et propositions opportunes et prioritaires pour l’élaboration de stratégies préventives».

Le rapport du CEDHD et DCAF reconnait que «le Maroc a engagé une bataille selon une vision basée sur la complémentarité entre les différentes composantes et départements concernées» par la lutte contre la pandémie du coronavirus. «A cet égard, diverses mesures ont été prises parmi lesquelles, l’élaboration des mesures légales et administratives requises pour l’opérationnalisation de l’état d’urgence sanitaire dès les premières phases de la prise de décision», rappelle-t-on.

«Les procédures suivies ont tenu compte des dispositions constitutionnelles pertinentes, entre autres l’implication de l’institution législative qui, sur le plan formel, a accompagné cette dynamique, même si sa contribution en matière d’évaluation et d’interpellation est restée faible et au-dessous à ce que l’on en attendait», estime-t-on.

«Le manquement aux questions de procédure liées à la déclaration de l’état d’urgence peut avoir des répercussions en cas d’atteinte aux droits et aux libertés (…) La gestion juridique demeure le maillon faible dans le processus des mesures et de décisions prises pour surmonter les effets de cette période critique.»

Rapport du CEDHD et DCAF

Pour une révision des législations

Pour illustrer, le document cite l’exemple du projet de loi n°22.20 relatif à l’utilisation des réseaux sociaux, des réseaux de diffusion et réseaux similaires, approuvé en Conseil de gouvernement le 19 mars 2020. Un «exemple qui peut être considéré, à tous égards, comme une véritable erreur, tant du point de vue de son objet que de la période choisie pour sa soumission», commentent les auteurs du rapport. Et d’estimer qu’il «n’y jamais eu au Maroc une telle proposition en matière de restriction des libertés d’expression».

Le rapport, qui retrace l’ensemble des mesures prises par le Maroc tant sur le plan sanitaire que sécuritaire, économique et social, plaide ainsi pour la mise en place d’un «Conseil supérieur de sécurité, en tant qu’instance constitutionnelle et cadre de concertation sur les stratégies de sécurité intérieure et extérieure du pays, de gestion des situations de crise, et d’institutionnalisation des règles d’une bonne gouvernance sécuritaire, tel qu’il est stipulé à l’article 54 de la Constitution».

Il appelle aussi à la mise en place du Conseil consultatif pour la jeunesse et l’action associative (article 33 de la Constitution) en interaction avec les rôles grandissants et multiples de la jeunesse, et de son importante et puissante implication dans le succès des grands ateliers, y compris face à la pandémie, ainsi que nombre de ses éléments l’ont démontré. 

Le CEDHD et DCAF appellent enfin à «la révision des législations afin de les adapter à l’évolution et au développement de la société, et aux engagements de l’Etat en vue de promouvoir l’état de droit et de protéger les droits et libertés» et à «l’adoption de politiques publiques sur la base d’une approche des droits de l’Homme qui reflète la volonté de l’Etat d’instituer un nouveau paradigme du développement».

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