Dire que l’affaire d’Amina Filali est encore au cœur de toutes les discussions serait un euphémisme. Preuve en est les centaines de personnes qui ont assisté à la table ronde organisée, hier, à Casablanca, par le quotidien Al Massae, premier à avoir médiatisé cette affaire. Ont assisté au débat qui a duré plus de deux heures, la ministre Bassima Hakkaoui, Najia Abib (présidente de l’association «ne touche pas à mes enfants), Khadija Riyadi (présidente de l’Association marocaine des droits de l’homme), Mustapha Bouhendi (islamologue), le député Mohammed Hammami (Larache), ainsi que les parents et la sœur d’Amina. Quant à Mustapha Fellaq, le violeur de la mineure marocaine qui s’est donné la mort n’a pas répondu à l’invitation. «Sa place est derrière les barreaux et non dans un hôtel 5 étoiles», s’insurge l’avocate et militante féministe Khadija Bouggany.
Pour la présidente de l’AMDH, les lois marocaines sont bel et bien archaïques. «Il est grand temps de changer tout texte de loi susceptible de porter atteinte à la vie ou à la dignité d’une personne. Amina n’est pas la première mais elle doit être la dernière victime à subir le malheur d’épouser son violeur», se révolte-t-elle.
Dnas le même sens, Najia Adib ne tolère aucunement l’existence de certains articles du code pénal qui encourageraient, selon ses mots « la pédophilie et le viol». La militante associative qui lutte depuis plusieurs années contre le viol des mineures entrevoit que la responsabilité de changer cette réalité incombe à toutes les composantes de la société, y compris les familles des victimes. En effet, lors de ses dix ans de militantisme, elle a découvert, à sa grande surprise, que beaucoup de parents de filles violées lui ont déjà demandé de ne plus leur rendre visite ni d’étendre leurs histoires sur les colonnes des journaux.
Pour le député parlementaire Mohammed Hammami, les mentalités des régions ultraconservatrices marocaines ne suivront pas le processus de changement pour lequel milite les féministes et autres composantes de l’Etat marocain. Quant à Zohra Belmaâlem, mère d’Amina, elle souhaite que justice soit faite pour emprisonner le violeur qui a mis fin à la vie de sa fille.
Bassima s’explique…
Sur la sellette depuis quelques semaines, Bassima Hakkaoui n’a pas lésiné sur les qualificatifs pour décrire la propagande de dénigrement dont elle a été l’objet. «Mensongère» et «futile» voire «hâtive», telle est l’avalanche d’accusations qui lui a été destinée, selon ses mots. Aussi, mentionne-t-elle que si les ministères qui lui ont précédé n’ont pas abrogés les articles incriminés dans l’affaire Filali, c’est que leur amendement n’est pas chose aisée, vu que le contexte culturel marocain nécessite la réflexion de toute la société marocaine mais surtout celle des féministes.
Interrogé sur la légitimité pour la musulmane d’épouser son violeur, l’islamologue Mustapha Bouhenda réfute cette possibilité nullement mentionnée dans les textes sacrés de l’Islam. De plus, il appelle toute la société marocaine a avoir une lecture moderne du Coran. Car, pour lui, l’Islam n’est pas contradictoire avec les normes de la société moderne. Autrement dit, même les traditions marocaines sont parfois amenées à changer.