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Grand Angle

Maroc : L’affaire Hajar Raissouni remet en question la vie privée au cœur du politique

Journaliste au quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum, Hajar Raissouni est interpellée pour soupçons de «débauche» et d’«avortement», ce que contredirait, selon elle, une expertise médicale. Des expressions de solidarité avec la concernée sont publiés depuis, contestant l’exploitation de l’intégrité des femmes à des fins politiques.

Publié
Hajar Raissouni, journaliste au quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum / Ph. DR.
Temps de lecture: 3'

La journaliste du quotidien arabophone Hajar Raissouni a été interpellée, car soupçonnée de «débauche» et d’«avortement». Selon le site d’information Alyaoum24, «des éléments de la police en civile ont procédé à cette arrestation, samedi», empêchant même la jeune femme de s’entretenir avec ses avocats en période de garde à vue. En situation de détention préventive, elle a comparu devant le procureur avec son fiancé.

De nationalité soudanaise, celui-ci est professeur universitaire. Un gynécologue obstétricien, son assistant et sa secrétaire ont également été appelés à la barre. Les prévenus ont été entendus pour des chefs d’accusation de «débauche, avortement et participation à l’avortement», que la journaliste rejette en bloc.

«Hajar s’est présentée à mon cabinet en souffrant gravement de saignements ; elle baignait dans son sang et j’ai dû effectuer une intervention chirurgicale urgente pour arrêter l’hémorragie», a déclaré le médecin au Parquet. Alyaoum24 indique que la jeune femme a soutenu la même version des faits.

«Je suis une femme mariée et nous avons récité la Fatiha au domicile de ma famille. Nous nous préparions à acter notre union. Nous avons aussi déposé notre dossier auprès de l’ambassade soudanaise, puisqu’il s’agit d’un mariage mixte, et je n’ai subi aucun avortement.»

Hajar Raissouni comparaissant devant la justice

Malgré ces déclarations, les requêtes de liberté provisoire formulées par la défense ont été refusées, selon le site arabophone.

Un élan de solidarité contre l’exploitation de la vie privée

Ce mardi, plusieurs messages de solidarité ont été exprimés sur les réseaux sociaux, appelant au respect de la vie privée des personnes ainsi que les droits des femmes sur leur corps.

«Je pense que la régression que nous constatons sur certains droits, à travers des déclarations publiques ou des polémiques inutiles qui enflent, notamment à travers le dossier de Hajar Raissouni, est symptomatique d’un non-respect général de la vie privée et des libertés individuelles de chacun», soutient la militante féministe Souad Ettaoussi, contactée par Yabiladi.

«Depuis plus de dix ans, les revendications des associations féministes marocaines sur le droit à l’avortement rejoignent les engagements internationaux du Maroc en matière de droits des femmes et d’accès à la santé, y compris la levée des réserves sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ; cette affaire vient rappeler l’urgence de passer à l’acte», estime encore Souad Ettaoussi.

Il convient de souligner que dans le cadre de son travail au sein d'Akhbar Al Yaoum, Hajar Raissouni a souvent traité des sujets liés au Hirak du Rif, rencontrant souvent les familles des détenus et tenant des interviews avec eux, principalement Ahmed Zefzafi en sa qualité de président de l’Association Tafra pour la solidarité et la fidélité.

D’autres avancent que les poursuites visant Hajar Raissouni seraient en fait une réaction contre son oncle Ahmed Raïssouni, ex-président du Mouvement unicité et réforme (MUR), matrice idéologique du PJD, et actuellement président de l’Union internationale des oulémas musulmans. Dans ce sens, Souad Ettaoussi considère que «le dossier de Hajar ne tient pas au simple fait qu’elle serait soupçonnée d’avortement».

«A travers cette affaire, ce n’est pas une lutte contre l’avortement illégal, mais dans un débat personnel qui vise Hajar Raissouni, soit à cause de son métier de journaliste, soit à cause de ses lien familiaux avec Ahmed Raissouni, même si je suis en total désaccord avec les prises de positions islamistes de cet homme», abonde Souad Ettaoussi. «Je n’accepte pas qu’une jeune femme soit le bouc-émissaire de divergences politiques et idéologiques», ajoute-t-elle.

«Je pense simplement que les libertés individuelles sont une ligne rouge qui ne peut être franchie à des fins politiques ou autres.»

Souad Ettaoussi

Pour sa part, la journaliste a affirmé au Parquet l’existence d’un rapport médical, effectué au cours de sa période de garde à vue, prouvant qu’elle n’aurait subi aucun avortement. La prochaine audience est prévue le 9 septembre prochain.

L’ouverture de cette instruction contredit les propos tenus en août dernier par le ministre de la Justice, Mohammed Aujjar, concernant l’abolition de plusieurs lois, notamment celles sur l’adultère, les relations extraconjugales et l’homosexualité. Dans une interview accordée à l’agence de presse espagnole EFE, il a affirmé que le gouvernement était «engagé dans une dynamique de réformes» dans ce sens, considérant que la «société très conservatrice» était responsable de la lenteur de ces changements et qu’elle avait besoin de «pédagogie».

AABendriss
Date : le 05 septembre 2019 à 20h27
Les lois sont établies pou être appliquées. L'archaïsme est plutôt de ne pas appliquer les lois. Le débat ici est à mon avis beaucoup plus compliqué et plus sérieux pour qu'il soit résumé au respect des libertés individuelles. La vie en société impose des règles. Les marocains ont voté pratiquement à l'unanimité pour une constitution qui stipule que l'Islam est la religion de l'Etat.Le débat de la dépénalisation de l'avortement dans certaines conditions doit être lancé de manière sérieuse parce qu'il y a en effet des cas où il est impossible de garder l'enfant. Les rapports sexuels sont une responsabilité et non seulement du plaisir. je ne connais pas cette dame mais les préservatifs et bien d'autres moyens ça existe. Le procureur n'est pas venu la voir dans son lit où il assume ses responsabilité avec son créateur, il s'agit de l'acte d'avorter qui est interdit au Maroc et dans ce ca selle n'a pas d'excuse. IL faut plutôt éduquer les gens et les responsabiliser parce disposer de son corps ne nous donne pas le droit de mettre au monde des enfants sans mère ou sans père. Je pense que c'est un droit sacré de l'enfant.
Nooope
Date : le 05 septembre 2019 à 07h40
Clairement cette histoire présente des éléments douteux ....donc prenez garde aux jugements hâtifs. Avec du recul , je remarque que les scandales se succèdent pour des personnalités proches du PJD.
motao-1
Date : le 04 septembre 2019 à 22h06
Merci pour les eclaircissements. L'affaire n'est effectivement pas si simple que je le pensais. Dans mes commentaires j'ai pris la défence de la femme marocaine dans un contexte générale. Je n'ai jamais entendu parler de cette dame, j'ignorais tout d'elle, mais, vu les circonstances de son accusation, j'étais persuadé que la femme était visé. Peut être à cause de son penchant islamiste.
Citation
piducas à écrit:
Le cas de Hajar Raissouni dépasse le simple fait divers. Les ingrédients d’une machination aux relents politiques sont manifestement réunis, tant dans les circonstances de son arrestation que par son pedigree qui la désigne comme cible potentielle. La jeune journaliste de 28 ans, connue pour son activisme notamment en faveur du Hirak rifain, est la figure montante d’un journal connu pour ses liens avec certains milieux islamistes, notamment en cheville avec l’aile réfractaire du Parti de la justice et du développement (PJD). Son fondateur, Taoufik Bouachrine a été lui-même condamné à 12 ans de prison dans une sombre affaire de mœurs, que certains estiment n’être que le prétexte d’un règlement de compte politique… Hajar Raissouni, qui n’a pas d’appartenance politique affichée, est aussi la nièce d’Ahmed Raissouni, idéologue du Mouvement unicité et réforme (MUR), matrice du PJD, proche du Qatar et dirigeant de l’Union mondiale des oulémas musulmans connu pour ses critiques acerbes à l’endroit de la Commanderie des croyants, pilier de la légitimité de la royauté au Maroc. Fait à souligner, celui-ci s’est fait remarquer lors du débat sur l’avortement en 2015, s’opposant à tout allégement des conditions drastiques à sa légalisation… Comme pour les affaires précédentes, celle de Raissouni, manifestement montée, est étalée en place publique pour démontrer l’incapacité des tenants de l’islam politique à se conformer à une vision claire de ce qu’ils entendent par « référentiel islamique ». Mais le plus préoccupant est que le procédé pour établir leurs contradictions et souligner l’indigence de leur projet d’ordre moral de façade est symptomatique des atteintes à la vie privée et aux libertés individuelles de la part des appareils de l’Etat à des fins de vengeances politiques. TSA
francomarocophile
Date : le 04 septembre 2019 à 21h57
C'est l'arroseur arrosé, ceux qui nous imposent des lois archaïques d'un autre âge et qu'ils ne respectent pas eux mêmes, ils se font prendre á leur propre piège. C'est un coup de maître des autorités. GRAND BRAVO et MERCI. (Maintenant, on va pouvoir faire avancer le schmilblick).
piducas
Date : le 04 septembre 2019 à 20h32
Le cas de Hajar Raissouni dépasse le simple fait divers. Les ingrédients d’une machination aux relents politiques sont manifestement réunis, tant dans les circonstances de son arrestation que par son pedigree qui la désigne comme cible potentielle. La jeune journaliste de 28 ans, connue pour son activisme notamment en faveur du Hirak rifain, est la figure montante d’un journal connu pour ses liens avec certains milieux islamistes, notamment en cheville avec l’aile réfractaire du Parti de la justice et du développement (PJD). Son fondateur, Taoufik Bouachrine a été lui-même condamné à 12 ans de prison dans une sombre affaire de mœurs, que certains estiment n’être que le prétexte d’un règlement de compte politique… Hajar Raissouni, qui n’a pas d’appartenance politique affichée, est aussi la nièce d’Ahmed Raissouni, idéologue du Mouvement unicité et réforme (MUR), matrice du PJD, proche du Qatar et dirigeant de l’Union mondiale des oulémas musulmans connu pour ses critiques acerbes à l’endroit de la Commanderie des croyants, pilier de la légitimité de la royauté au Maroc. Fait à souligner, celui-ci s’est fait remarquer lors du débat sur l’avortement en 2015, s’opposant à tout allégement des conditions drastiques à sa légalisation… Comme pour les affaires précédentes, celle de Raissouni, manifestement montée, est étalée en place publique pour démontrer l’incapacité des tenants de l’islam politique à se conformer à une vision claire de ce qu’ils entendent par « référentiel islamique ». Mais le plus préoccupant est que le procédé pour établir leurs contradictions et souligner l’indigence de leur projet d’ordre moral de façade est symptomatique des atteintes à la vie privée et aux libertés individuelles de la part des appareils de l’Etat à des fins de vengeances politiques. TSA
piducas
Date : le 04 septembre 2019 à 20h31
Maroc : nouvelle machination politico-médiatique contre une journaliste indépendante La journaliste de 28 ans, nièce d’une figure de la mouvance islamiste, a été arrêtée et poursuivie en justice pour « relations sexuelles hors mariage » et pour « avoir avorté ». Son affaire, orchestrée par la presse semi-officielle, est un nouvel épisode de l’utilisation symptomatique par les appareils de l’Etat de la vie privée dans de sombres règlements de compte politiques Un nouveau scandale mettant en scène la presse, la mouvance islamiste, les interdits sociaux et les libertés individuelles, vient d’éclater dans un scénario devenu récurrent à l’instar des affaires similaires les plus récentes : les « amants du MUR », la députée Mae Al Ainine sans voile devant le Moulin Rouge, le ministre Yatim et sa « fiancée » en escapade à Paris etc… Hajar Raissouni, journaliste chez Akhbar Al Yaoum a été arrêtée samedi et présentée devant un tribunal en état de détention provisoire au motif de « relations sexuelles hors mariage » et « avortement ». L’information livrée par Chouf TV, média aux sources policières spécialisé dans le buzz, indique que l’accusée a été interpellée dans une clinique de Rabat avec son compagnon de nationalité soudanaise. Un gynécologue obstétricien, son assistante et un aide-soignant sont aussi poursuivis. En réplique, l’avocat Saâd Sahli qui assure la défense de Raissouni s’est insurgé contre une arrestation « hollywoodienne » menée « à l’extérieur des locaux de la clinique par des policiers en civil ». Il conteste tout acte d’avortement, affirmant que sa cliente, mariée selon la coutume et qui parachevait sa procédure d’acte officiel, s’est rendue aux urgences de cet établissement pour se faire soigner suite à une hémorragie interne nécessitant un acte chirurgical réalisé par son médecin traitant. Selon ses dires rapportés par Al Yaoum24, site internet d’Akhbar Al Yaoum, l’avocat qui n’a pu accéder au dossier d’accusation qu’après les 48 heures de garde à vue de sa cliente, affirme que celle-ci a été « stupéfaite par les chefs d’accusation » portés à son encontre. L’avocat réfute aussi la version de l’affaire publiée par Barlamane.com, site semi-officiel de propagande, selon laquelle la journaliste a avorté sous un nom d’emprunt et que le réanimateur qui aurait assisté le gynécologue dans son acte aurait reçu une somme d’argent en contrepartie. Saâd Sahli se fonde aussi ses les déclarations de sa cliente consignés dans les procès-verbaux établis par la police ainsi que celles devant le juge. Il ajoute pour démentir Barlamane.com qu’aucun aveu n’a été fait par les cinq personnes poursuivies et qu’aucune preuve matérielle n’a été présentée par le ministère public pour inculper les accusés. Al Yaoum24 a tout aussi réagi en défense de la journaliste en publiant « avec son autorisation », un bulletin de consultation établi à la demande de la police par le CHU Ibn Sina de Rabat le 31 août (soit pendant sa garde à vue) qui attesterait de « l’absence de curetage » et constaterait un « saignement qui pourrait être l’objet de la consultation chez le médecin ».
Mohamed amazighi
Date : le 04 septembre 2019 à 15h56
Bravo ! thumbs up
Mohamed amazighi
Date : le 04 septembre 2019 à 15h54
Mais sérieusement, pour qui ils se prennent pour venir interférer dans la vie privée des gens. C'est juste incroyable, je suis hors de moi ! Dans la société marocaine, c'est toujours les femmes qui sont marginalisées. Si elle arrive en sang chez l'obstétricien, il faut bien la soigner ... La justice marocaine n'aura encore pas manqué une occasion d'humilier ses ressortissants ...
Checkpoint1
Date : le 04 septembre 2019 à 13h20
C’est le symptôme d’une société malade pataugeant dans ses moult contradictions. Une société ou n’importe qui peut s’improviser inquisiteur, censeur ou objecteur de conscience se référant à une législation obsolète ou à une éthique à géométrie variable. Le tout validé par un texte religieux souvent dévié de son sens initial. Tout est bon pour violer les droits civiques les plus élémentaires d’un citoyen. La sphère privée est devenue un moyen de pression et de chantage, le tout sur fond de voyeurisme mal saint que notre société nourrit et encourage. Bref, il faut inhiber toute volonté de liberté et d’émancipation. Le mot d’ordre est la soumission totale et absolue aux préceptes politiques et moraux préétablis sans contestation aucune. Autant vous dire que pour nos libertés le bout du tunnel est encore loin, très loin !
motao-1
Date : le 04 septembre 2019 à 11h14
Je sais que l'avortement est interdit au Maroc, il y'a quand même 1200 avortement par jour au Maroc qui passent inaperçu (voir google). Seule Hajar Raissouni est visé par cette loi ???
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