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Grand Angle

Les mésaventures d’un Américain considéré par la police marocaine comme un Subsaharien sans-papiers

En mars dernier, Timothy Hucks a été conduit à un poste de police à Rabat. L’Américain a ensuite été conduit par autocar à Beni Mellal avec un groupe de migrants subsahariens. Il raconte aujourd’hui à Yabiladi cet épisode, qui l’empêche aujourd’hui de quitter le territoire.

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Timothy Hucks est un ressortissant américain, mais que la police marocaine a pris pour un sans-papier issu d’un pays subsaharien / DR
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Une histoire qui donne le vertige. Tout commence le 21 mars dernier, vers 19h45, lorsque le ressortissant américain Timothy Hucks s’est trouvé au mauvais moment au mauvais endroit. Il venait de quitter son domicile situé à Bab Chella pour quelques courses au magasin du coin. Sur son chemin, il a été approché par un homme habillé en civil qui lui a posé plusieurs questions détaillées sur son origine et son identité.

«Il a demandé mon passeport et j’ai dit que je l’avais laissé à la maison (…) puis m’a demandé l’adresse de mon domicile et je la lui ai indiquée, d’autant plus que nous nous trouvions dans la rue où j’habitais», a déclaré Timothy Hucks à Yabiladi.

Lorsqu’il a réalisé que les deux hommes, qui ont ensuite affirmé être policiers, n’étaient pas convaincus par ses réponses, il leur a montré son permis de conduire américain. Mais cela n’a pas suffi, les deux agents lui annoncent sèchement qu’il sera tout simplement «emmené [loin] d’ici».

Un déplacement imprévu à Beni Mellal

«Ils ne se souciaient aucunement des explications que je leur donnais», nous déclare le jeune homme originaire de l’Etat de New- York, expliquant qu’après cet interrogatoire inattendu, il aurait été menotté et «jeté dans une fourgonnette». N’ayant aucune idée de ce qui lui arrivait, Hucks s’est retrouvé avec un groupe de Subsahariens dans le véhicule de police.

N’ayant pas accès à un téléphone et ne disposant que de 100 dirhams sur lui, Hucks a été conduit à un poste de police à proximité. «Ils m’ont enlevé les menottes et placé dans un hall [du commissariat, ndlr] avec 30 à 40 autres personnes – des adolescents et des jeunes hommes – tous noirs», a-t-il indiqué. Quelques heures plus tard, il a été convoqué dans une salle d’interrogatoire, aux côtés des migrants subsahariens présents avec lui. De nouveau, il a droit aux mêmes questions posées lors de son interpellation.

L’un des inspecteurs m’a demandé si je parlais l’arabe. J’ai répondu non, mais il m’a affirmé que je l’avais fait. Un autre m’a regardé directement et m’a simplement lancé : «terroriste.» J’ai dit que je ne l’étais. Il m’a répondu: «Boko Haram»

Timothy Hucks

A l’issue de cet interrogatoire, il raconte avoir été conduit vers un autocar avec un groupe de migrants pour être transportés en dehors de la ville. Quelques heures plus tard, Hucks réalise qu’il se trouve à Beni Mellal, à plus de trois heures de route de Rabat.

De manière incongrue, il est soudain relâché, ce qui accentue sa confusion. «Personne ne m’a dit pourquoi j’ai été arrêté, mais je n’ai pas été mis en prison», a-t-il expliqué.

Avec l’argent qu’il a sur lui, Timothy Hucks parvient à acheter un ticket pour retourner à Rabat. Confus, choqué et traumatisé par ce qui s’est passé, il a décidé de rester discret et de ne pas multiplier les déplacements à la suite de cette mésaventure.

«C’est un délit de faciès et du profilage racial. C’est mon apparence physique qui a attiré leur attention pour venir vers moi», a-t-il affirmé à Yabiladi. «Je ne voulais plus aucun contact avec les autorités qui ne serait pas nécessaire (…) Donc, je suis resté chez moi jusqu’à ce que je quitte définitivement le pays», nous explique-t-il pour mieux prendre la mesure de son traumatisme.

An american man in Tangier...

Groggy par l’épreuve et ne sachant pas quoi faire, Timothy Hucks se sentait impuissant. «Tout le monde m’a recommandé de contacter l’Ambassade des Etats-Unis au Maroc», souligne-t-il. «Je l’ai donc fait et mon interlocuteur m’a dit qu’il y avait une liste d’avocats que je devrais appeler», regrette-t-il.

Mais la mésaventure vécue ne sera pas la dernière péripéties au Maroc. En effet, lorsque Timothy Hucks s’apprête à retourner aux Etats-Unis quelques mois plus tard, on lui signifie que son titre de séjour est arrivé a expiration. Ayant entre-temps déménagé à Tanger, il n’a pas pris garde à l’échéance de son séjour. 

«Maintenant, ils ne me laisseront pas partir», s’inquiète-t-il. En espérant résoudre le problème, Hucks s’est rendu au bureau de l’immigration à Tanger, qui lui a demandé de déposer sa demande à Rabat. «Dans la capitale, on n’a d’abord refusé de me parler, puis après être revenu avec un ami Marocain, on m’a dit d’attendre le 10 septembre», a-t-il expliqué.

«Je comprends que le fait d’être resté trop longtemps par rapport à la durée de mon titre de séjour est problématique au regard de la loi. Mais je suis coincé, je veux quitter le territoire mais ils me gardent encore ici», a-t-il conclu.

Une situation kafkaïenne pour l’Américain après les mésaventures vécues, qui rappelle le film Le Terminal avec Tom Hanks. Timoty Hucks espère voir très rapidement l’épilogue de ce scénario cauchemar. 

Article modifié le 31/08/2019 à 18h28

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