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Interview

Recherche scientifique au Maroc : «Renforcer les acquis que nous avons déjà»

Radouane Mrabet, président de l’université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, veut capitaliser sur les acquis en matière de recherche scientifique, notamment le Centre national pour la recherche scientifique et technique, et les cités de l’innovation dont sont déjà dotées plusieurs universités marocaines.

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Radouane Mrabet, président de l’université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès. / DR
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La stratégie nationale pour le développement de la recherche scientifique à l’horizon 2025 prévoit notamment d’instaurer un statut de chercheur pour les personnes qui exercent une activité de recherche dans des établissements dédiés, sans toutefois être des enseignants-chercheurs. L’absence de reconnaissance du statut de chercheur est-elle un frein ?

C’est vrai qu’il n’y a pas de statut clairement défini du chercheur. Sa reconnaissance est un projet ancien ; plusieurs gouvernements s’y sont attelés. Pour l’instant, il n’est pas encore en vigueur. La recherche, aussi bien dans les universités privées que publiques, se fait par les enseignants-chercheurs, mais aussi par les doctorants, qui sont des chercheurs juniors. Les entreprises, qui ne sont pas très nombreuses à faire de la recherche, peuvent embaucher des gens exclusivement pour des activités de recherche. Est-ce que c’est un frein pour autant ? C’est un plus, je dirais, qui peut être ajouter au système de l’enseignement marocain. Il peut améliorer le rendement de la recherche scientifique au Maroc. On a par exemple des contractuels qui font de la recherche, sans toutefois qu’il y ait vraiment un statut. Par exemple dans le cas d’un projet financé, on peut recruter des chercheurs qui seront payés exclusivement pour faire de la recherche. C’est un contrat dans le cadre d’un projet de recherche financé.

Il y a dix ans, la part du privé dans le financement des projets de la recherche scientifique était infime au Maroc, de l’ordre de 6% environ. Où en est-on aujourd’hui et quel rôle le secteur privé a-t-il à jouer dans le développement de la recherche scientifique au Maroc, notamment sur le front financier ?

Ce pourcentage a augmenté, il plafonne actuellement aux alentours de 20%. Les entreprises privées qui financent des projets de recherche le font pour leurs propres besoins. Elles sont dotées de départements recherche et développement (R&D) et recrutent des gens exclusivement pour des projets de recherche. Ce dont avons besoin au Maroc, ce sont des mesures incitatives de la part du gouvernement pour encourager les entreprises à miser sur la recherche, à en faire et à en financer beaucoup plus qu’elles ne le font actuellement.

Ne faut-il pas également reconsidérer la place des sciences humaines et sociales pour impulser le développement de la recherche scientifique ?

Bien entendu. L’un de mes combats à l’université de Fès, c’est d’amener mes collègues qui travaillent dans les sciences humaines et sociales à être beaucoup plus productifs, à publier leurs travaux dans des revues reconnues au niveau international, de surcroît en langue anglaise pour qu’ils aient une visibilité en dehors du Maroc. C’est un travail important que je fais au niveau de l’université de Fès et que toutes les universités marocaines essaient de faire. Evidemment, les publications les plus importantes que nous avons, parues dans des revues indexées ou dans des revues internationales, restent dans le domaine des sciences exactes, comme la médecine par exemple. Il est vrai que nous avons peu de publications dans ces revues indexées dédiées aux sciences humaines et sociales. Ça ne veut pas dire que nous ne publions pas, mais en tout cas pas dans des revues reconnues à l’international.

Quels sont les acquis à capitaliser, sur lesquels le Maroc peut s’appuyer pour impulser le développement de la recherche scientifique ?

Nous avons un Centre national pour la recherche scientifique et technique (CNRST), qui fait un travail important, dans lequel l’Etat a injecté beaucoup d’argent et qui est à la disposition de toutes les universités marocaines et des acteurs de la recherche nationale. C’est déjà un acquis important. Par ailleurs, toutes les universités sont structurées en interne, avec des laboratoires labellisés, accrédités, des centres d’études doctorales qui fonctionnent convenablement.

Il y a également un certain nombre d’universités qui sont dotées de cités de l’innovation, comme celle que je préside. Ce sont autant de leviers importants pour la recherche scientifique universitaire. Une part importante de notre budget de fonctionnement et d’investissement est dédié à la recherche scientifique.

Cette année, nous avons consacré 20% de notre budget de fonctionnement à ce domaine, et j’espère que ce pourcentage va augmenter dans les années à venir. Enfin, d’après le bilan que nous avons réalisé en juillet dernier, nous avons à l’université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès 96 projets de recherche qui sont financés par la région Fès-Meknès, ou au niveau national, c’est-à-dire par l’Etat marocain, ou par des projets de recherche internationaux. C’est un record pour l’université, ce qui est appréciable. Notre rôle, c’est de renforcer et d’améliorer ces acquis.

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