Le 10 décembre dernier, une pétition intitulée "Notre matière grise est de toutes les couleurs" dénonçant cette circulaire de «moralement inadmissible, politiquement dangereuse et économiquement absurde» a été lancée sur le net. Ce matin, plus de 6200 personnes de de toutes catégories sociales, de toute la France et de plusieurs pays l’ont signée. Il y a des signatures d'étudiants, de médecins, de retraités, de comédiens ainsi que de personnalités artistiques et d'intellectuels, rapporte le Monde.
«C’est par xénophobie qu’on les refuse !»
Le journal cite notamment Anne Lauvergeon, ex-patronne d'Areva, Albert Fert, prix Nobel de physique ou Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France, Romain Goupil, cinéaste ou encore Thomas Piketty, économiste. En signant cette pétition, ces personnalités se sont engagées à soutenir les étudiants étrangers dans leurs démarches pour décrocher un visa leur permettant de travailler en France.
C’est ce qu’a fait notamment Axel Kahn, président de l’université Paris-V-René-Descartes qui a dû intervenir auprès des autorités en faveur de 15 cas, dont celui d’une étudiante marocaine. Cette dernière était l’une des meilleures élèves de sa faculté de pharmacie et s’est vu proposer un CDI dans un laboratoire pharmaceutique français. En revanche, Le Monde n’explique pas si l’aide apportée à cette jeune Marocaine par Axel Kahn lui a permis d’avoir un visa pour rester travailler chez ce laboratoire français. Par ailleurs, Axel Kahn n’a pas sa langue dans sa poche. Il n’a pas hésité à critiquer hier virulemment la circulaire Guéant.
"Claude Guéant a fait un truc épouvantable pour le président d'université que je suis. On me demande d'être attractif, d'accueillir les meilleurs cerveaux du monde entier, pour les former […] Guéant indique qu'on ne leur accordera pas de droit de séjour, à moins qu'on ne trouve pas de Français pour le faire. Ça c'est scandaleux, c'est contraire à la mission de l'université, c'est se tirer une balle dans le pied, ça va à l'encontre du rayonnement de la France. C'est par xénophobie qu'on les refuse», pouvait-on lire sur le site RMC.
Calvaire pour les DRH et PDG
En plus des intellectuels français qui condamnent fermement cette circulaire, les chefs d’entreprise sont également préoccupés du départ de ces étudiants constituant une matière grise pour les sociétés françaises.
Laurence Parisot, la patronne du Médef a déclaré de son côté «suivre de très près ce dossier» avant d’ajouter que «le message envoyé à l’international n’étant pas valorisant pour nos entreprises».
L’un des secteurs qui s’inquiète fortement du renvoi de ces étudiants étrangers chez eux est celui des ingénieurs informatiques. Chez Cap Gemini par exemple, la société recrute 4000 personnes chaque année. 60% de ces personnes sont de jeunes diplômés dont des étrangers. Le Directeur des ressources humaines du groupe confiera au Monde que les dossiers de plus d’une centaine de jeunes ingénieurs qu’il souhaitait recruter ont été bloqués par le gouvernement français et que les candidats ont été obligés de repartir chez eux.
Autre témoignage. Celui d’un PDG d’une société de services en ingénierie informatique. Ce dernier souhaitait recruter en octobre dernier un ingénieur en informatique tunisien. Mais les autorités françaises lui ont refusé un visa lui permettant de recruter le jeune homme. «On va perdre un marché. Le motif de refus est qu’il y a des diplômés informatiques formés en France disponibles. C’est une réponse technocratique. Nous on sait très bien qu’il n’y en a pas pour ce marché précis, sinon on recruterait en France», avait-il déclaré à TF1.
Aubaine pour le Canada ou l’Angleterre
Aujourd’hui le Collectif du 31 mai estime à 940 le nombre d’étudiants étrangers ayant fait une demande de visa pour travailler en France. Selon ses chiffres, 300 ont déjà obtenu un accord, les autres sont soit en attente ou recalés.
"La France est en train de former des élites qui partiront ensuite à l'étranger" explique Meriem Kadari, porte parole du Collectif du 31 mai à TF1 avant d’insister sur le fait que certains des étudiants qui se sont vus refusés un visa pour travailler en France, ont d’ores et déjà reçu des offres dans d'autres pays, notamment au Canada, en Angleterre ou en Belgique.
Divergence au sein de l’UMP
De son côté, Claude Guéant, le Ministre de l’Intérieur ne faiblit pas non plus. Il poursuit son bras de fer. Cependant, cette circulaire crée des divergences au sein du parti de l’UMP. Deux membres ont clairement manifesté leur doute. Le premier est Laurent Hénart, député UMP de Meurthe-et-Moselle qui a demandé à réadapter cette circulaire pour ne pas toucher à l’attractivité des universités et entreprises françaises.
Le second est Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur qui n’a pas manqué d’avouer, lors de sa présence à On n’est pas couché, l’émission présentée par Laurent Ruquier, samedi dernier, sur France 2, que le gouvernement s’était planté par rapport à ces différentes mesures menées contre les étrangers et qu’il [Laurent Wauquiez] allait rectifier le tir.
Espérons qu’il ne s’agit pas de simples promesses...