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Nomad #87 : Le mont Gourougou, richesse naturelle et misère de l’actualité

Il y a une dizaine de site protégés dans l’Oriental marocain. Parmi eux le mont du Gourougou, connu notamment pour être une cachette de migrants désireux de se rendre en Europe. Mais la beauté et l’histoire de ce site restent méconnues du grand public. Découverte.

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Le mont gourougou, non loin de Nador / DR
Temps de lecture: 4'

Non loin de la ville de Nador se dresse l’impressionnant mont Gourougou, à  900 mètres d’altitude. Un nom atypique donné à un ancien volcan dont l’activité est tout de même récente (moins de 2 millions d’années pour la dernière). Pour parler de cette merveille du Rif marocain nous avons contacté El Hassan Talbi, enseignant-chercheur en pétrographie et géochimie à la faculté des sciences d’Oujda et président de l’association Nature et Patrimoine qui propose des randonnées dans ce site.

Le périple débute depuis Zeghanghane (7 km à l’ouest de Nador), bien que le site soit accessible depuis la ville portuaire de Beni Ensar à proximité de l’enclave de Melilla. Mais cette route s’avère plus périlleuse nous explique le président de l’association. Depuis Zeghanghane il faudra tourner à  droite pour prendre la rocade méditerranéenne,  vers le nord-ouest. Un kilomètre plus loin suivez l’indication «Parc de Gourougou». Si vous choisissez d’emprenter la route à partir de Beni Ensar, il faudra prendre la route de Farkhana et sortir à gauche en suivant le panneau «Gourougou», qui vous mènera jusqu’au marabout Sidi Mohand ou Omar.L'ascension du mont Gourougou./Ph.DRL'ascension du mont Gourougou./Ph.DR

Sur le plan géographique et géologique, El Hassan Talbi nous explique que «le mont Gourougou était dans le temps une zone volcanique, où il y avait un volcan où plutôt un stratovolcan, qui a vu le jour suite à des émissions volcaniques, relativement récentes, remontant à la fin du Tertiaire- début du Quaternaire». L’ancien volcan a permis «la manifestation de plusieurs types de roches volcaniques, les plus répandus étant les basaltes. Ces roches-là ont constitué un relief culminant à près de mille mètres, soit un des plus haut de la région, et le diamètre fait à peu près une vingtaine de kilomètres», poursuit-il.  

Site d’intérêt biologique et écologique

A votre passage, surtout durant les mois de mars et avril, vous serez choyés par une nature luxuriante. Outre la nature volcanique du site, les précipitations abondantes et le climat méditerranéen prédominant dans la région offrent des conditions propices pour la floraison d’une végétation luxuriante. On retrouve principalement, «le caroubier, l’olivier sauvage, le chêne et pour les petits arbustes et plantes aromatiques, il y a ceux typiques de la région méditerranéenne, à savoir le romarin, la lavande, la menthe, le thym et les œillets», précise El Hassan Talbi.

«Du point de vue de la faune, on a répertorié dans la région des espèces qui sont rares surtout au niveau ornithologique», enchaine-t-il. Cette richesse, s’accentue grâce à la proximité de Mar Chica, cette lagune de 115 kilomètres carrés de superficie. La zone humide complète un environnement adéquat pour plusieurs espèces, conférant ainsi au moins Gourougou le statut de Site d’Intérêt Biologique et Ecologique (SIBE). On retrouve également de nombreuses espèces de mammifères, tel que le sanglier ou le singe magot, pour ne citer que cela.  

De part cette richesse, le mont Gourougou a été un endroit attrayant pour de nombreuses civilisations. Les scientifiques remontent son occupation à l’ère préhistorique, et ce grâce à la découverte d’objets, qu’«on a daté à près d’un million d’années. La présence humaine était surtout accrue dans la vallée de Kert, qui est un fleuve qui se situe vers l’ouest du Gourougou et qui autrefois était le nom de la ville qui se trouvait aux alentours du fleuve», explique l’enseignant-chercheur.  

«Le site a attiré plusieurs civilisations dans le passé, les récits historiques parle d’une présence humaine bien avant la venue de l’Islam. De par sa position géographique, le site était très réputé. A proximité, il y a le site de Rosadir et le site de Rifassa, datant de l’époque Mérinide. D’ailleurs, le site lui-même était appelé Beni Merin, allusion à l’arrivée des Mérinides. A l’époque, le Fort de Tazouda était la capitale du Nord du Maroc»

El Hassan Talbi, président de l’association Nature et Patrimoine

Lors de cette randonnée, qui dure en moyenne une heure et demie, vous emprenterez les anciennes routes dessinées par les romains. Elles vous mèneront jusqu’aux vestiges du Palais Tazouda ou encore le marabout de Sidi Youssef, lieu de pèlerinage de la communauté judéo-marocaine. Ce marabout accueillait une centaine de pèlerins au moment de la Hiloula de Sidi Youssef. L’associatif nous alerte cependant sur la dégradation des lieux, due aux visites qui se font plus rares ces dernières années. Tout au sommet, il y a aussi un autre marabout, celui de Sidi Ahmed El Haj, très connu dans la région et où chaque année un festival y est organisé par les religieux.

Mais le véritable bijou du mont est ce fameux palais Tazouda. De part sa position stratégique, le plateau «limité par des falaises, surplombant la mer et protégé naturellement, a fait de lui un site propice pour les nombreuses civilisations ayant foulé ces terres», explique professeur Talbi. 

La tour sur le site de Tazouda./Ph.DRLa tour sur le site de Tazouda. / DR

Le site a été utilisé comme base militaire par les Romains, les Almohades, les Zénètes et plus récemment par les Espagnols. A ce jour, les rares vestiges que l’on retrouve sont ces tours et les bassins d’eau, datant en réalité de l’époque du protectorat. Au fil des siècles, le palais de Tazouda a été à maintes reprises détruit et reconstruit. Mais depuis son abandon total il se dégrade d’année en année.

Besoin d’un plan de remise à niveau 

Depuis Tazouda, on peut apercevoir au loin les villes de Nador et Melilla. Il est également possible d’entrevoir quelques maisonnettes tout autour du mont. Si quelques campings et bungalows sont disponibles au niveau du mont, l’infrastructure est des plus lacunaires, dénonce l’associatif. Cette situation est préjudiciable pour la région qui «aurait tellement à offrir au Maroc, au niveau du tourisme rural et de l’écotourisme». Mais les véritables bénéficiaires devraient être cette population, qui est enclavée, isolée et qui a un accès très restreint aux services de santé et d’éducation.

Image d'illustration./Ph.DRImage d'illustration. / DR

Les douars du mont Gourougou dépendent d’une culture agraire peu structurée, tributaire des précipitations, et qui est régulièrement victime d’incendies ravageurs, emportant des dizaines d’hectares. Dans ce sens, le président de l’ANAP, déclare à Yabiladi qu’il «faudrait travailler sur cet aspect de site naturel protégé, avec un info-kiosque permettant de sensibiliser la population et d’informer les touristes». 

Certes, des initiatives sont en cours pour préserver et mettre en avant les potentialités de la région, néanmoins «il faudrait les coupler à des projets et des activités génératrices de revenus», conclût notre interlocuteur. 

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