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Grand Angle  

Maroc : Chargée d’accompagner les soins d’un élève, une enseignante privée de salaire

Depuis près d’un an, l’enseignante Mina Bouchkioua ne touche plus son salaire. En revanche, c’est en concertation avec la direction de son établissement à Agdez qu’elle a été chargée d’accompagner un élève pendant ses 52 jours de soins médicaux. Une absence, pourtant motivée, que l’administration semble lui faire payer aujourd’hui.

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Mina Bouchkioua, enseignante de philosophie dans la ville d’Agdez / Ph. DR.
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Enseignante de philosophie au lycée El Khawarizmi d’Agdez, Mina Bouchkioua ne perçoit plus son salaire depuis dix mois. L’année scolaire précédente, elle dit s’être absentée pendant 52 jours pour des raisons humanitaires, en concertation avec son établissement. Selon elle, celui-ci lui a confié la supervision des soins médicaux d’un élève en situation difficile.

Au cours de l’année scolaire 2016/2017, un élève du lycée où enseigne Mina Bouchkioua a failli être amputé d’une jambe à cause d’infections profondes. C’est ainsi que son établissement s’est porté volontaire, au sein d’un comité social, pour collecter les fonds nécessaires aux opérations et au suivi médical de son cas à Casablanca.

«Je ne connaissais pas cet élève, mais le directeur et notre comité social au sein de l’établissement me l’ont présenté et la mission de l’accompagner m’a été confiée.»

Mina Bouchkioua

Si l’élève n’a pas pu passer ses épreuves du baccalauréat, l’année dernière, à cause de son état de santé, il n’a pas été coupé de sa scolarité. En effet, «il a suivi à Casablanca des cours de soutien en anglais et en informatique et a été beaucoup aidé par des bénévoles», nous rappelle Mina Bouchkioua. Aujourd’hui, ayant retrouvé sa santé et gardé ses deux jambes, «il est bachelier, classé premier au niveau du lycée», nous informe-t-elle.

Quand le bénévolat se retourne contre les enseignants

A son retour à Agdez, Mina Bouchkioua reprend le travail au sein de son établissement. Elle organise également des séances de rattrapage afin de terminer les unités de cour restantes. Elle se félicite par ailleurs des résultats de ses élèves à l’examen du baccalauréat de juin 2017.

Mais en mars 2018, Mina Bouchkioua découvre qu’elle a été privée de son salaire depuis novembre 2017. Pourtant, aucune notification écrite de la part du ministère de l’Education nationale n’a été reçue, affirme l’enseignante.

Pour comprendre d’où vient le problème, elle tentera en vain de décrocher un rendez-vous avec un responsable des ressources humaines au sein du ministère de l’Education. La mobilisation de syndicats et associations n’y changeront rien.

«J’ai beau ne pas vouloir perdre espoir, mais cette situation m’a causée beaucoup de préjudices. J’ai décidé de porter le dossier devant la justice il y a trois semaines», nous confie l’enseignante. Son dossier est désormais au niveau du tribunal administratif.

Le ministère de l’Education nationale intervient

Contacté par Yabiladi, Mohamed Benzerhouni, directeur chargé des ressources humaines au sein du ministère, nous indique avoir «expliqué à l’enseignante que cette situation allait être corrigée». Il précise que «l’erreur a été faite au niveau de la délégation régionale». Après une notification, «l’académie régionale et la délégation ont rectifié le tir», nous assure le responsable.

Mohamed Benzerhouni précise que les 52 jours de mission de l’enseignante ont été effectivement considérés comme «une absence non justifiée».

«Il y avait des raisons humanitaires, certes, mais une autorisation écrite de l’administration, mentionnant expressément une durée limitée de cette absence est indispensable. C’est ce qui manquait dans le dossier que j’ai reçu», justifie notre interlocuteur.

Par ailleurs, le responsable rappelle que légalement, «on ne peut pas autoriser plus de dix jours d’absence et lorsqu’il en faut plus pour des raisons humanitaires, la situation doit être notifiée à la délégation». «Il n’existe pas d’autorisation d’absence ouvrable», insiste Mohamed Zerhouni, concluant de manière rassurante «désormais, tout est rentré dans l’ordre».

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