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Grand Angle

Les Pays-Bas toujours au pied du mur face à la mafia marocaine

Aux Pays-Bas, le sujet est tabou depuis de nombreuses années. Mais sous la pression des crimes répétés, le gouvernement veut désormais combattre l’une des mafias les plus actives et violentes d’Europe, à savoir la mafia marocaine, connue sous le nom de Mocro-Maffia.

Publié
Ph. EPA
Temps de lecture: 3'

Mercredi 4 avril, à la Chambre basse néerlandaise, le sujet à l’ordre du jour est celui qui fait la Une de tous les journaux : la lutte contre le crime organisé.

Dans ce sens, le ministre néerlandais de la justice, Ferdinand Grapperhaus, a estimé que «dans la lutte contre la Mocro-Maffia et les liquidations brutales ; la police pouvait avoir plus de pouvoir».

Le ministre a également annoncé que la justice se durcirait, en appliquant «des peines plus lourdes contre les possessions d’armes et contre les tueurs à gages». Cependant, ces mesures avaient déjà était annoncées par le passé. Grapperhaus a reconnu ne pas avoir de «réponse claire à cette vague de liquidation».

Par ailleurs et dans le même contexte, le maire d’Anvers (Belgique), où la Mocro-Maffia est aussi active qu’à Rotterdam, s’en est pris ouvertement à l’Etat, considérant que celui-ci a «une dette d’héritage envers l’Europe».

Mocro-Maffia : un mal et un héritage européen

Le territoire que couvre ce réseau comprend également la Belgique, avec une forte présence à Anvers. Comme explique Bart De Wever, bourgmestre de la ville d’Anvers, «le flux s’est déplacé de Rotterdam à Anvers».

Le maire belge, qui s’exprimait à la télévision néerlandaise, a accusé directement les Pays-Bas, pointant du doigt leur «politique de tolérance, à cause de laquelle le crime organisé s’est profondément enraciné» dans le tissu social.

Pour comprendre l’ampleur de ce phénomène, un retour sur la génèse du réseau criminel s’impose. Journaliste spécialisé dans le crime, John Meeus décortique ce néologisme qu’est Mocro-Maffia : Maroc et mafia. «Mocro» est un terme argotique en néerlandais, faisant allusion aux Marocains.

Communément admis depuis de nombreuses années, ce n’est qu’en 2010 que le terme est utilisé par les médias néerlandais. A cette époque, les gens évoquaient la nouvelle génération de criminels, qui se concentraient sur le commerce et le trafic de drogue, particulièrement la cocaïne. De nos jours, ce réseau qui a commencé en monnayant du haschich étend son activité à la prostitution, la circulation des armes, mais aussi la commercialisation de l’ecstasy.

Marocains et Antillais se rivalisent

Contacté par Yabiladi, Habib Kaddouri, ancien porte-parole de la Fondation pour les Néerlando-Marocains, nous explique qu’une «grande rivalité existe entre ces deux réseaux. Celle entre Marocains et Antillais a causé le plus de dommages collatéraux». Par ailleurs, comme l’avait rappelé Ahmed Marcouch, ex-député socio-démocrate, «malgré la diversité, les plus visibles semblent être d’origine marocaine».

Ainsi, les liquidations en plein jour sont devenues routinières dans le pays. Mais parmi celles-ci, le nombre lié directement à la Morcro-Maffia est particulièrement frappant. Depuis 2014, plus de 30 exécutions seraient directement l’œuvre de la mafia marocaine. Neuf innocents parmi les victimes de ces exactions auraient perdu la vie, précise de son côté John Meeus.

Parmi ces confrontations, appelées Mocro War par la presse néerlandaise, la plus marquante est sans doute celle datant de 2012. Cette année-là, une rixe mêlant Antillais et Marocains aurait éclaté à Amsterdam, après la disparition de plus de 200 kilos de cocaïne.

Des dommages «collatéraux»

Un récent reportage de VRT explique «l’histoire de la Mocro-Maffia en cinq questions». Un point très important est soulevé, désormais : «la vengeance par la famille» qui n’est plus un tabou pour ces réseaux.

Comme nous explique Habib Kaddouri, «durant ces cinq dernières années, la violence s’est accrue, car désormais, elle dépasse les limites des réseaux même. Des innocents sont tués».

En effet, une enquête fait récemment la Une des médias locaux. Elle concerne l’exécution de Reduan B, frère d’un témoin très coopérant avec la police néerlandaise. Son, frère Nabil, lui aussi assasiné, avait passé un accord avec la police pour fournir des informations-clés sur la «Mocro Maffia». Ces informations ont permis de localiser plusieurs membres de la mafia.

Dans ce sens, une source policière indique à l’agence de presse espagnole EFE que Reduan a été tué une semaine après que son frère ne devienne un informateur de la police. Dans le cadre de cette enquête, trois suspects ont été arrêtés ce jeudi. Le suspect principal est un homme originaire de Curaçao, île des Caraïbes annexée au Royaume des Pays-Bas. Il est actuellement placé en isolement dans une prison néerlandaise, en attente de son procès.

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