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Grand Angle

Le Maroc connaît un rétrécissement de l’espace de travail pour la société civile indépendante

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme a publié une note sur le rétrécissement de l’espace de travail pour la société civile indépendante au Maroc. Khadija Riyadi, ex-présidente de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et Fouad Abdelmoumni, secrétaire général de Transparency Maroc, reviennent pour Yabiladi sur plusieurs points clés.

Publié
Durant une manifestation à Jerada, jeudi 28 décembre 2017. Reuters - Youssef Boudlal
Temps de lecture: 4'

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (partenariat FIDH-OMCT) a publié aujourd’hui une note concernant le rétrécissement de l’espace de travail pour la société civile indépendante au Maroc. Cet aspect affecte de plus en plus les associations de défense des droits humains et entrave leur travail au quotidien.

La Constitution de 2011 stipulait une évolution des libertés et des droits humains. «Elle consacrait notamment les libertés d’opinion et d’expression ; d’association ; de rassemblement et de manifestations pacifiques. Le Royaume est par ailleurs lié par les obligations juridiques contenues dans les nombreuses conventions internationales qu’il a ratifiées», peut-on lire dans la note de l’Observatoire.

Le 15 juillet 2014, Mohamed Hassad, alors ministre de l’Intérieur, avait tenu un discours devant le Parlement dans lequel il accusait les associations de défense des droits humains de recevoir des fonds de l’étranger pour mener des actions «nuisant à la sécurité et à l’image du Maroc». Depuis, les autorités marocaines utilisent différents procédés pour entraver les activités des ONG de défense des droits humains.

Entraves

Premièrement, des entraves au niveau des «procédures d’enregistrement (refus de dépôt, délais)» qui empêchent les associations «d’exister juridiquement», par exemple pour «ouvrir un compte en banque, obtenir un local et se pourvoir en justice», ajoute la même source. D’autre part, les activités des ONG (manifestations, réunions publiques) sont souvent interdites par les autorités. L’accès aux financement est «entravé par l’absence d’enregistrement ou de récépissé définitif, empêchant les ONG d’ouvrir un compte bancaire et limitant leur accès aux financements. Cet accès est devenu encore plus problématique avec la nouvelle obligation faite aux bailleurs de fonds internationaux de contacter le ministère marocain des Affaires étrangères avant tout financement accordé aux associations marocaines», précise la note de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme.

«Ce rapport ne fait que refléter une réalité que nous connaissons depuis 2014, qui se caractérise par une répression systématique contre plusieurs ONG. L’AMDH en fait partie», indique à Yabiladi Khadija Riyadi, ex-présidente de l’Association marocaine des droits humains. Certaines ONG «ne parviennent pas à se réunir dans un espace public et à avoir des récépissés pour le dépôt de leur bureau», déplore la militante.

Certains points évoqués dans la note de l’Observatoire sont «urgents et importants», insiste Khadija Riyadi, notamment «la liberté d’association, le droit à la création d’une association ainsi que le renouvellement des bureaux». Même si les associations «sont légales», le refus ou le retard dans la délivrance du récépissé ne leur «permet pas d’avoir un compte bancaire, donc pas de financement ni de papier».

«Actuellement, certaines associations n’arrivent même pas à avoir un espace privé, une salle de réunion dans un hôtel par exemple. C’est une répression particulièrement dure, qu’on n’a pas connu depuis des années 80 il me semble.»

La note de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme ajoute que «les autorités marocaines interdisent de façon quasi-systématique les activités des ONG étrangères ou leur branche marocaines. Selon la même source, «Transparency Maroc, association de lutte contre la corruption, a vu ses activités interdites à plusieurs reprises depuis 2013». De plus, Human Rights Watch et Amnesty international «ne sont par exemple plus autorisées à mener leurs enquêtes dans le pays.»

Suspicion et messages négatifs

Contacté par Yabiladi, Fouad Abdelmoumni, secrétaire général de la branche marocaine de l’Association de lutte pour la transparence et contre la corruption (Transparency Maroc), cite plusieurs entraves qui ralentissent le travail de l’ONG : «Par exemple, les banderoles et affiches déchiquetées, surtout celles qui dénoncent l’impunité des personnes corrompues.»

«Dans notre cas, le plus pesant, c’est l’atmosphère générale de suspicion, de messages négatifs qui sont transmis aux divers milieux, que ce soit à travers le discours officiel de l’Etat, à travers les médias publics, et ceux qui obéissent aux services, ou à travers un certain discours à l’égard des chancelleries étrangères comme les accusations d’être à la solde de l’étranger, et d'avoir des partis pris contre l’Etat.»

Il y a près de deux ans, Transparency Maroc a été associée à l'élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption. Toutefois, «au sein de l’Etat, il y a eu plusieurs actions pour empêcher la mise en œuvre de cette stratégie et la mise en place de la structure de suivi de cette dernière dont nous devions être membre attitré», ajoute Fouad Abdelmoumni.

Les ONG parviennent toutefois à trouver des moyens pour contourner «les entraves». Ainsi, l’AMDH, s’est «adaptée», confie Khadija Riyadi : l’ONG n’organise plus de grandes activités mais travaille plus sur «la question des rapports, des plaidoyers, des activités qui ne nécessitent pas de grands espaces de 200 à 300 personnes». Les avocats prêtent main forte à l’AMDH en «prêtant leurs salles». Les associations d’avocats et les syndicats de la presse en font de même.

L’Observatoire dénonce ces entraves et «appelle les autorités marocaines à y mettre un terme», indique la note, mais aussi à «respecter l’ensemble des droits garantis par les instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains ratifiés par le Maroc, en particulier s’agissant de la liberté d’association, de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique et d’expression».

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