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Grand Angle  

#metoo : la semaine misogyne de l’élite française [Edito]

Nicolas Bedos me pardonnera de reprendre son concept de semaine mythomane pour en faire une véritable semaine misogyne. C’est que l’heure est grave !

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Lundi. Lundi, le ciel est toujours bleu, les illusions sont intactes, le nom de Manuel Valls n’a toujours pas été passé au blanco sur la liste des invités permanents des médias, le Printemps n’est toujours pas républicain, et les fake news pullulent même dans le camp de ceux qui veulent en faire la chasse.

Mardi. Ciel mon mardi, dirait Christophe Dechavanne. J’ai le malheur de tomber sur une tribune aussi foireuse qu’une démo de Patrice Carmouze. 100 femmes ont décidé de prendre la parole pour contrer la vague #metoo, qui a permis à plusieurs femmes de sortir de leur silence et de «balancer leur porc» responsable d’agression sexuelle, de harcèlement ou de viol.

Victimisation, délation, des mots chocs se succèdent dans le texte pour mieux enfoncer les femmes qui ont osé dénoncer des agressions - exagérées voire imaginaires selon les auteures de la tribune. Quelle ironie de voir celles qui fustigent le tribunal #metoo sur les réseaux sociaux s’adonner sans vergogne à une condamnation textuelle des ‘bouchères’ n’ayant aucune pitié pour les porcs. Dans un mélange douteux de critiques légitimes du puritanisme, justifications de délits et attaques en règle contre les victimes de violences sexuelles, elles osent :

«Les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime perpétuelle.»

Mercredi. Mercredi, je décompresse en écoutant Guillaume Meurice. D’habitude, sa chronique me fait rire mais là elle m’hérisse... les poils du menton. La raison ? Les dérapages de Sophie de Menthon, signataire de la tribune et qui remet une pièce dans le nourrain de la misogynie. Comme si l’offense faite aux victimes de violences sexuelles n’était pas suffisante, dans son malheur Sophie invoquera l’islam qui oblige les femmes à se voiler et le choc des civilisations. Rien que ça ! Guillaume aura beau ironiser sur le point Godwin de l’islam, le match est plié. L’invocation des maux de l’islam est aux débats dans les médias en France, ce que la Kryptonite est à Superman.

Jeudi. J’me dis qu’on a touché le fond... Mais non ! J’ai le malheur de tomber sur Catherine Millet, invitée sur le plateau de Yann Barthès, comme pour mieux gâcher mon quotidien. Signataire elle aussi, l’auteure de «La vie sexuelle de Catherine M.» cloue au pilori le féminisme 2.0 pour mieux excuser les comportements obscènes des frotteurs dans le métro.

Vendredi. Vendredi, c’est pas fini. Brigitte Lahaie, ex-star française du porno rembobine sa cassette VHS après avoir posé une bombe en milieu de semaine : «On peut jouïr lors d’un viol, je vous signale», avait-elle répliqué à Caroline De Haas sur le plateau de BFM TV. Des propos tellement hard qu’elle en pleurait encore deux jours après.

Samedi. Samedi, j’me dis pépère, c’est le weekend, on va s’éloigner des médias et des débats français. Mon disque de sérendipité étant un peu rayé, il a fallu que je tombe sur une chronique d’une journaliste marocaine ayant signé la tribune du Monde. Voulant expliquer son choix de se joindre aux 99 autres femmes ayant choisi de défendre maladroitement le droit d’être importunées, Nouhad Fathi nous raconte quelques anecdotes des deux semaines passées à Paris l’été dernier. Reprenant la militante féministe Caroline De Hass, qui a rappelé que la vie des femmes dans la rue peut vite devenir un enfer, la touriste marocaine affirme avec culot :

«J’ai passé presque deux semaines en France et personne ne m’a proposé de m’enculer, pourtant il m’arrive de serrer mon gros derrière dans des robes moulantes.»

Mais aimant la précision, elle avoue avoir évité «les quartiers des Arabes», car il faut l’admettre «la misogynie est aussi une affaire de culture». Malheureusement, nous n’aurons pas les détails de ce travail anthropologique fouillé du Tintin marocain à Paris.

Dimanche. Dimanche, on fait le bilan, calmement en se remémorant chaque instant... de la semaine misogyne. Le plus choquant a été de constater la violence des propos venant de femmes d’une certaine élite culturelle française, fustiger les féministes et surtout dénoncer la libération de la parole des victimes de violences sexuelles. S’éloignant de l’exemple donné par leur consœurs états-uniennes qui se sont montrées unies et solidaires face aux agresseurs, les Deneuve & co ont préféré prendre la défense de leur caste. Pourtant, à l’instar de Harvey Weinstein aux Etats-Unis, les auteurs d’agressions sexuelles et les misogynes en France se retrouvent dans tous les milieux : médias, entreprises, cinéma, politique, et même à l’Assemblée nationale.

Les briseuses de silence #metoo nommées en couverture de TimeLes briseuses de silence #metoo en couverture de Time

Mais c’est vrai qu’il est plus simple de pointer les agressions sexuelles de «réfugiés et autres migrants» sensiblement exagérées à Cologne, ou bien ce fameux propriétaire «islamo-alcolo-turfiste» du bar-pmu à Sevran qui refuserait d’accueillir les femmes selon la journaliste de France2 qui n’y avait pourtant pas mis les pieds. Le plus fatiguant est de constater l’intarrissable vivier des «cautions maghrébines» pour confirmer cette essentialisation des violences sexuelles au «garçon arabe», comme l’avaient si bien mis en exergue les sociologues Nacira Guénif et Eric Macé, dans un livre paru en 2004 déjà.

A l’instar des marionnettes d’origine maghrébine surinvitées par les médias, Deneuve, Millet, Lahaie ou De Menthon, sont les cautions féminines d’un rapport de domination ébranlé par la vague #metoo. Même s’il y avait eu quelques tentatives de déconstruction avec plus ou moins de subtilité philosophique, comme par exemple Raphaël Enthoven (+) ou Alain Finkielkraut (-).

Dans les rapports de domination, il y aura toujours cette hantise de se voir infliger le même sort que le citoyen lambda. Sinon, à quoi bon faire partie de cette élite ? La misogynie des pauvres, des ploucs, du lumpenprolétariat (pour utiliser un terme marxiste), est clouée au pilori quand celle de Deneuve ou Enthoven est relativisée. S’ils refusent la parole libérée c’est tout simplement parce qu’ils n’acceptent pas que la société évolue à leurs dépens. Pourtant, même le rap -connu pour ses textes et ses clips sexistes- évolue. En tout cas beaucoup plus qu’Eric Zemmour, indécrottable misogyne et pourfendeur en chef de ce genre musical. Heureusement, Vin’S, rappeur de 25 ans originaire de Monptellier, nous permet de terminer la semaine avec un uppercut verbal. #metoo

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