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Grand Angle  

La migration interafricaine, une mutation inévitable du développement continental

Les principales mutations des migrations africaines seront débattues cette semaine à Rabat qui accueille «l’Afrique en Capitale». La mobilité et le développement socioéconomique en Afrique sont au cœur de la recherche des universitaires de divers horizons qui prendront part à la rencontre. Une messe coordonnée par le sociologue marocain Mehdi Alioua, qui nous livre son analyse.

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Affiche de l'événement. / DR
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Le colloque international «l'Afrique en mouvement : migrations, diasporas et mobilités», se tiendra jeudi au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain à Rabat, dans le cadre de «l’Afrique en Capitale». Un événement qui se poursuit tout au long du mois d’avril. Des chercheurs du Maroc, du Sénégal, de France et du Burkina Fasso seront invités dans le laboratoire mixte international «Movida» (mobilités, voyages, innovations et dynamiques dans les Afriques méditerranéenne et subsaharienne).

Mehdi Alioua, coordinateur de l’événement, souligne l’intérêt de la rencontre : «Pour la première fois on ne sépare pas l’Afrique du Nord de l’Afrique subsaharienne, sinon ça ne marche pas».

Les migrations africaines sont d’abord et surtout interafricaines, bien qu'elles soient appréhendées le plus souvent sous le seul angle de la sécurité et présentées comme une menace permanente vis-à-vis des pays du Nord, apprend-t-on du communiqué de presse annonçant cet événement. Près de sept migrants africains sur dix s’installent dans un pays du continent, nous explique Mehdi Alioua, alors que les mouvements migratoires vers l'Europe et transitant par les pays du Maghreb, occupent une marge importante du débat à cause de la crise humanitaire qui en résulte. 

Rareté des données, principal défi de la migration

Le principal défi de la migration interafricaine est de mieux la comprendre, l’étudier et la recenser, explique le professeur-chercheur à l’Université internationale de Rabat. «A l’échelle africaine, nous n’avons pas vraiment de recherches sur la migration sud-sud ou interafricaine. Au mieux, nous avons des centres de recherche régionaux qui le font un peu, mais c’est encore insuffisant», estime le sociologue.

Qu’il s’agisse de cadres marocains, d’étudiants, de voyageurs pour des pèlerinages ou des aventures, ces différents types doivent être réduits dans l’appellation migration signifiant un changement de résidence. Le but ? «Pouvoir les recenser et voir les articulations entre ces différents modes de mobilité», nous répond Mehdi Alioua. Les liens qui ressortent des mobilités sont également étudiés dans leur relation avec les populations locales, «de là où on part, de là où on passe et de là où on s’installe».

Pour le coordinateur scientifique de l'évènement, il est question dans cette thématique générale d’aborder le changement de résidence et ne pas mettre dans la migration interafricaine que des questions de vision morale ou politique. 

Mobilité interne et externe

S’agissant des mobilités interne (croissance des villes et urbanisation des campagnes) et externe, Mehdi Alioua indique qu’elles sont liées et accélérées par le développement. Ces liens se répercutent sur les personnes qui s’éloignent des communautés traditionnelles, happées par l’organisation capitaliste de l’économie, mais aussi par les désirs d’aventure et sont déstructurés par ces changements, rappelle le professeur.

Mais alors que, classiquement, on a l’impression de voir les plus pauvres qui viennent de campagne reculées, où il n’y a pas de travail ni d’infrastructure, 91% des personnes qui ont demandé la régularisation de leur situation proviennent des grandes villes.

La migration, faussée par le regard communautaire

La mobilité est aussi le résultat de la modernité d’une société incarnée dans l’affranchissement personnel et la citoyenneté de l’individu. «D'ailleurs, l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme inclue la liberté de circulation à l’intérieur et à l’extérieur d’un Etat», argumente le Professeur.

Or, cette mobilité ne doit pas être perçue d’un point de vue communautaire, selon l’universitaire. «Ce ne sont pas les Etats qui intègrent les migrants, l’intégration revient aux migrants. S’ils s’installent quelque part, c’est qu’ils ont quelque chose», fait-il savoir. Quant au rôle de l’Etat, il se résume, selon lui, dans le fait de garantir les droits fondamentaux et la solidarité nationale.

Pour le chercheur, il ne faut pas confondre liberté de circulation et liberté d’installation. «Ce n’est pas parce que les gens bougent beaucoup qu’ils vont s’installer. Partout en Afrique, il y a de grosses mobilités pendulaires, comme le semi-nomadisme», ajoute Mehdi Alioua. L’occasion pour lui de citer l’exemple de la demande du Maroc à intégrer la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. «Le Maroc demande l’adhésion à la CEDEAO et il y a une liberté de circulation et c’est aux Etats de décider qui s’installe ou pas», dit-il.

«L’Afrique en se développant, pousse à la mobilité, sauf que le développement du continent n’est pas assez rapide pour absorber cette mobilité de manière apaisée par les économies régionales», conclue Mehdi Alioua.

 

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