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Grand Angle

France : Des élèves du primaire et du secondaire interpellés sur leurs croyances religieuses

Ce formulaire a été rédigé à la demande de l’Assemblée de Corse pour évaluer les «tensions croissantes» de la société française. Le recteur de l’académie de Corse a interdit sa diffusion.

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Le président indépendantiste de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, fait la classe à des étudiants de l'Université de Corse, le 7 mars 2016. / Ph. AFP, Archives
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Pas plus touchy que la chose religieuse en ces temps de discorde sociale ; curieuses questions, donc, que celles mentionnées sur un formulaire censé être distribué aux élèves du primaire et du secondaire en Corse, relayées par le Monde : «Est-ce que tu crois en Allah, Dieu, Yahvé ?», «Est-ce que ton père croit en Allah, Dieu, Yahvé ?», «Est-ce que ta mère croit en Allah, Dieu, Yahvé ?».

Ce questionnaire a été «élaboré par les enseignants-chercheurs» de l’université de Corse dans le cadre d’une étude sur la diversité commandée par le président de l’Assemblée de Corse, dirigée par les nationalistes.

Destinés aux enfants à partir de 8 ans, ce formulaire-enquête, mis en ligne dimanche 19 mars par Corse-Matin, comprend 68 questions sur les langues parlées par les élèves et leurs parents, la profession de ces derniers, les voyages à l’étranger, la religion et sa pratique. D’autres requêtes portent sur les pratiques alimentaires et culturelles lors du Vendredi saint, du Ramadan et du Shabbat, la consommation de viande, le port de signes religieux distinctifs, le sentiment d’appartenance à la Corse, à la France ou encore le sentiment de sécurité et d’intégration.

Des thématiques «extrêmement sensible»

Dans un communiqué, le président indépendantiste de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, a dénoncé une «intention polémique», regrettant que ce «projet de questionnaire», adressé aux chefs d’établissement, qui «avaient tout loisir de contester la forme ou le fond des questions posées afin de parvenir à un questionnaire définitif», ait été rendu publique à ce stade.

Face à la levée de boucliers, le recteur de l’académie de Corse, Philippe Lacombe, a annoncé avoir prononcé «en l’état», vendredi, «la non-diffusion de ce questionnaire dans le système éducatif corse». Pour justifier cette décision - d’autant qu’elle concerne des mineurs -, le responsable a invoqué la loi informatique et libertés de 1978, «qui interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses».

Philippe Lacombe a rappelé le caractère «extrêmement sensible» de ces thématiques, expliquant qu’aucun élément ne plaidait «pour la diffusion du questionnaire, encore moins en année électorale».

François Tatti, le président (divers gauche) de l’agglomération de Bastia et conseiller territorial, s’en retourne quant à lui à la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, réclamant l’interdiction de ce formulaire. Il s’est dit «profondément heurté par la démarche et par le contenu» de cette enquête.

Procéder à un «état des lieux»

De son côté, Jean-Guy Talamoni a justifié cet «état des lieux» en évoquant «les tensions croissantes existant au sein de notre société, et spécialement dans le domaine éducatif». «Il nous a semblé nécessaire de tenter de traiter le problème, plutôt que de le nier et de pratiquer la ‘politique de l’autruche’», écrit-il dans son communiqué. «Ce type d’enquête a déjà été réalisé dans l’Hexagone. La démarche qui a d’ailleurs servi de base aux chercheurs de l’université est l’enquête de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques, ndlr) et de l’INED (Institut national d’études démographiques, ndlr) intitulée ‘Trajectoires et origines’ (2008-2009). Malheureusement la Corse n’avait pas été incluse dans cette enquête, d’où le déficit actuel de données», argue M. Talamoni.

Le président de l’Assemblée de Corse affirme également avoir eu la «validation expresse et écrite» du rectorat pour mener ce travail et ajoute que les questionnaires sont «anonymes et conformes aux prescriptions de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés, ndlr)». Ce dernier de conclure : «J’espère que le dialogue (…) entre l’université et le rectorat permettra de trouver un terrain d’entente, car le traitement de cette délicate question implique nécessairement qu’un état des lieux soit réalisé, sur des bases scientifiques d’une parfaite rigueur.»

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