France : La formation des imams éclipse les sciences humaines, estime l’islamologue Rachid Benzine

Le rapport sur la formation des imams et des cadres religieux musulmans, remis officiellement jeudi 16 mars, déplore l’insuffisance des enseignements dispensés dans les instituts privés en France.

«Depuis trois décennies, beaucoup d’instituts privés musulmans ont vu le jour. (…) Les disciplines enseignées font l’impasse sur l’histoire, la sociologie, l’anthropologie. Généralement, les sciences humaines sont absentes», explique dans un entretien à Libération l’islamologue Rachid Benzine, l’un des trois auteurs du rapport, coécrit avec Catherine Mayeur-Jaouen et Mathilde Philip-Gay. «Ces instituts répondent essentiellement à des demandes de croyants qui veulent connaître un peu mieux leur religion… On y enseigne un peu de Coran, de droit musulman», précise-t-il.

«En fait, c’est loin de la théologie !», estime Rachid Benzine, regrettant le flou qui entoure la formation des imams : «Il n’y a pas de véritable cursus, ou l’équivalent des formations qui existent pour les prêtres catholiques ou les rabbins.»

L’islamologie française, elle, est en retard par rapport aux pays anglo-saxons, poursuit le spécialiste, qui craint que ce fossé se creuse davantage pendant «cinq ou dix ans». «Depuis l’année dernière, il n’y a plus, en France, de professeur d’universités en islamologie. Il y a encore quatre directeurs d’études en activité, à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) et au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Mais ils sont eux-mêmes proches de la retraite…», déplore Rachid Benzine.

Quant à la formation des imams, l’islamologue estime qu’«elle ne relève pas de la responsabilité de l’Etat». Ce dernier de conclure : «Toutefois, les pouvoirs publics doivent encourager les instituts privés musulmans à vouloir le meilleur. Il faut que l’islam de France se structure davantage et donne naissance à des lieux de formation qui soient à la hauteur.»