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Grand Angle

Cannabis et PIB marocain : Des calculs qui «ne répondent à aucune logique»

Les données de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime sur la production marocaine de haschich ne s’appuieraient pas sur des calculs scientifiques, semant ainsi le doute sur leur fiabilité. Détails.

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Des champs de cannabis à Issaguen dans le rif marocain, le 23 mai 2013. / Ph. Fadel Senna, AFP
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La production marocaine de cannabis entre 2015 et 2016 concentre-t-elle réellement 23% du produit intérieur brut (PIB) du pays, comme l’atteste dans un récent rapport le Bureau international des stupéfiants et de l’application de la loi du département d’Etat américain, qui s’appuie sur l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) ?  

Rien n’est moins sûr, estime Chakib El Khayari, président de l’Association Rif des droits humains (ARDH), chevronné sur les problématiques liées à la culture de haschich. Contacté par Yabiladi, ce dernier explique que les données de l’UNODC reprises par l’organisme américain «sont avant tout des estimations» qui n’émanent pas de «sources scientifiquement calculées».

Des calculs qui «ne répondent à aucune logique»

En 2003, 2004 et 2005, le Maroc, via l’Agence de promotion et de développement du Nord (APDN), a élaboré trois rapports annuels avec l’UNODC. Tous ont été réalisés sur la base de photos prises par satellite. «A partir de là, ils ont pu déterminer le nombre de champs dédiés à cette culture et, ainsi, évaluer la production marocaine. Sauf qu’après 2005, les rapports n’ont plus été élaborés avec l’organe des Nations unies à l’aide de satellites. Dès lors, comment peut-on procéder à des calculs fiables ?», s’interroge Chakib El Khayari.

Depuis, l’agence onusienne mesure la production de cannabis des pays d’après leurs déclarations respectives. Le président de l’ARDH révoque en doute les données communiquées par le Maroc, en l’occurrence : «On ne peut pas déclarer la production réelle de haschich sur la base des saisies car beaucoup de quantités ne sont pas réquisitionnées. Ces calculs ne répondent à aucune logique. Ce sont des faux chiffres qui servent seulement à étayer des rapports. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes notes que l’on retrouve d’année en année», soutient-il.

Dans certains pays, notamment en Europe, les quantités saisies sont beaucoup moins importantes qu’au Royaume, assure Chakib El Khayari : «Ici, les saisies sont plus fréquentes car le Maroc est la porte d’entrée de la Méditerranée. La région méditerranéenne est une zone très stratégique car elle est bordée de pays conflictuels, comme l’Algérie, la Tunisie, la Libye… Les radars et les contrôles y sont donc beaucoup plus accrus qu’ailleurs.»

Le responsable de l’ARDH pointe également les circuits informels qui pullulent en Espagne, aux Pays-Bas, en France et en Suède, entre autres : «En Europe, il y a certes des champs de cannabis officiels, une industrie officielle - qui n’est d’ailleurs même pas prise en compte dans les rapports -, mais aussi une culture officieuse, clandestine. Au final, personne n’a une réponse basée sur des preuves» - scientifiques, encore une fois.

Secteur du cannabis au Maroc : 23% ou 2,3 % du PIB ?

27 milliards de dollars pour 700 tonnes de cannabis semble incohérent avec la valeur réelle. Si les prix varient beaucoup en fonction de la qualité, en moyenne il faut compter environ 1 500 dollars le kilogramme au Maroc. On est donc très loin de l'estimation du département d'Etat américain : environ 38 000 dollars le kilogramme.

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