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Grand Angle

Campus #3 - Roumanie : Trois étudiants marocains racontent leur expérience à Bucarest et Iasi

Nombreux sont les Marocains à s’expatrier pour faire leurs études. Dans les pays de l’Europe de l’Est, la Roumanie concentre beaucoup de jeunes ressortissants du Royaume qui viennent y poursuivre leurs études. Rencontre.

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Trois étudiants marocains racontent leur expérience en Roumanie. / Ph. Emaze
Temps de lecture: 4'

Le mois dernier, Yabiladi vous proposait une immersion en Inde avec trois étudiantes. Cette fois-ci, nous mettons le cap sur l’Europe, en Roumanie plus exactement. Tarik, Saloua et Othmane nous livrent leur expérience dans un pays méconnu pas les Marocains, mais tout aussi intéressant pour ceux qui souhaitent poursuivre leurs études à l’étranger.

Le premier pas fut de faire le choix de s’expatrier en Roumanie. Pour Tarik, 21 ans, c’est son grand frère qui lui a transmis cette envie. «Il m’a parlé de son expérience là-bas. Ma curiosité a été attisée et je me suis lancé», se remémore l’étudiant en quatrième année de médecine à Iasi, quatrième ville roumaine, à quatre heures de Bucarest. Pour Saloua, étudiante en deuxième année de médecine dans la même ville, les raisons qui l’ont motivée sont bien différentes : «Après mon bac, je n’avais aucune envie de passer les concours. J’avais vraiment la flemme», se souvient-elle. «Des amis à moi m’ont parlé de la Roumanie et je me suis dit pourquoi pas ?», raconte la jeune femme originaire de Nador.

Saloua dans un parc à Iasi (Roumanie). / Ph. SalouaSaloua dans un parc à Iasi (Roumanie). / Ph. Saloua

Othmane, étudiant en architecture à l’Université internationale de Rabat, a quant à lui atterri à Bucarest dans le cadre d’un échange durant son cursus universitaire. «J’étais le seul Marocain à se lancer dans cette expérience. Ça n’a pas été évident», raconte le jeune homme de 21 ans. «Quelques fois, j’avoue que ça me manque de parler le darija, d’autant que je ne trouve personne, bien sûr. Ça a été un choc pour moi», ajoute-t-il.

Un dépaysement couplé au froid glacial…

Le sentiment de dépaysement est omniprésent chez les trois Marocains. Othmane se souvient : «Une fois, alors que j’étais dans un fastfood, j’ai entendu trois Marocains en train de parler en arabe. Je me suis instinctivement dirigé vers eux», dit-il. «On a tout de suite sympathisé, du coup, on a échangé nos numéros et on s’est retrouvés une semaine après». Sauf que l’histoire s’est arrêtée là, Othmane n’ayant finalement jamais revu ces trois connaissances. «Je ne voulais pas m’entourer de Marocains. A la base, je suis parti pour découvrir d’autres cultures et d’autres personnalités», explique l’étudiant. «Si je les ai abordés, c’était juste pour combattre le sentiment de ‘ghorba’ (exil, ndlr). Je les ai considérés comme une famille, même si c’était des inconnus.»

Tarik, lui, a traversé des épreuves difficiles au cours des premiers mois de son installation en Roumanie. Encore mineur à l’époque de son arrivée, il a dû faire face au casse-tête administratif : «Je n’avais pas de compte en banque et de permis de sedere (titre de résidence, ndlr). La régularisation a été une vraie galère. Je devais payer beaucoup de choses et fournir énormément de papiers», déclare le Rbati de 21 ans. «La première année a été très difficile, mais je l’ai quand même réussie malgré les nombreux rattrapages que j’ai dû passer. Au final, j’étais plutôt fier de moi.»

Tarik(à droite), et son meilleur ami sur le bulevard stefan cel mare, à Iasi. / Ph. TarikTarik(à droite), et son meilleur ami sur le bulevard stefan cel mare, à Iasi. / Ph. Tarik

Comme ses concitoyens, Saloua ressent de temps à autre ce sentiment de «ghorba» : «Tu es toute seule, tu as peur, tu ne pratiques pas la langue. C’est quand même pas évident.» Son remède ? S’entourer de Marocains, histoire de se sentir moins dépaysée : «On est nombreux à faire des études de médecine à Iasi. Il y a presque 300 Marocains dans le campus. Du coup, je me suis lié d’amitié avec beaucoup de personnes ici et je me suis sentie moins seule», assure-t-elle.

Ce sentiment de solitude et de dépaysement, la météo y est aussi pour quelque chose. «Il fait très froid, il neige constamment. La température atteint parfois -28 degrés mais en moyenne il fait -6 degrés», explique Tarik. «Au début quand je suis arrivé, je mettais les trois vestes que j’avais l’une par dessus l’autre. Après, j’ai été obligé d’investir», plaisante Othmane. «Il faut bien se couvrir, mettre deux pantalons, plusieurs pulls», précise-t-il.

…et au racisme

Un autre point négatif que les trois Marocains déplorent en Roumanie : le racisme. Une discrimination cachée, mais tout de même ressentie. «Tu peux tomber sur des gens racistes, c’est vrai. Par exemple, si tu pars acheter quelque chose, les vendeurs te jettent un regard mauvais si tu ne parles pas le roumain. Même s’ils savent parler anglais ou français, ça leur arrive de ne pas te répondre», indique Saloua, 19 ans. Pour elle, «le racisme, tu le sens dans l’attitude des gens».

Tarik s’est fait arrêter par la police une fois à la suite d’une bagarre avec un Roumain. «Je me suis fait interpeller, les forces de l’ordre ont plus fait confiance à leur compatriote qu’à moi puisque je suis arabe et en plus de ça Marocain», explique le jeune homme. A la suite d’une garde à vue dans le commissariat, ce dernier a payé une amende de 100 euros. «En général, les Roumains n’aiment pas beaucoup les arabes.»

L’expérience de toute une vie

Côté universitaire, les cours sont dispensés en anglais ou en français. Le cursus en architecture d’Othmane est entièrement en anglais : «Au départ, mon anglais était basique. Au bout de trois semaines de cours, j’ai commencé à le parler couramment.» en revanche, les deux étudiants en médecine disposent d’un cursus en français : «Il existe trois langues disponible sur le campus : le roumain pour les ressortissants du pays, l’anglais pour les Britanniques et enfin le français pour les francophones qui sont venus faire le cursus de médecine», détaille Tarik.

La langue roumaine s’avère nécessaire pour eux, la maîtrise des bases étant indispensable pour la vie quotidienne : «J’ai appris le roumain basique pour pouvoir commander un café par exemple, ou parler aux commerçants», raconte Othmane, reconnaissait être peu motivé à apprendre cette langue. «Ce n’est pas une langue internationale comme l’espagnol ou l’anglais», estime-t-il. Tarik, installé depuis cinq ans, ne connaît que quelques phrases. «Je ne la parle pas couramment», admet-il.

Concernant le niveau de vie, les trois étudiants sont unanimes, la vie n’est pas chère. «Les fruits et légumes coutent le même prix qu’au Maroc», indique Othmane. «Pour quatre repas par jour, je fais des courses de 500/600 dirhams par semaine», précise le Rbati de 21 ans. Saloua quant à elle livre un parallèle assez intéressant : «A Rabat, dans le quartier de l'Agdal, pour louer un studio, il faut compter 3500 dirhams. A Iasi, pour un appartement avec une chambre, salle de bain et salon, situé en face de l’université c’est le même prix».

Qu’importe, cette expérience reste un enrichissement indéniable pour ces Marocains qui ont décidé d’y passer un pan de leur vie. Tarik avoue vouloir rester en Roumanie après la fin de ses études. «Je ne suis pas fan de la vie à Iasi. La vie dans la capitale est meilleure. J’attends de terminer mes six années avant de faire ma spécialité sur un autre campus.» Othmane, quant à lui, n’a passé qu’un an à Bucarest : «C’était un échange très spirituel qui m’a permis de me découvrir. C’est un énorme boost pour ma carrière. Je n’ai qu’une seule envie, c’est de repartir à la découverte de nouveaux horizons», dit-il. «C’est en sortant de ta zone de confort que tu découvres la vie», philosophe le Rbati.

Othmane, dans les thermes de Bucarest. / Ph. OthmaneOthmane, dans les thermes de Bucarest. / Ph. Othmane

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