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Interview

Finance islamique : Abdeslam Balaji dit tout sur les produits proposés par les nouvelles banques participatives

Le wali de Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouahri, a récemment affirmé lors d’une conférence de presse que le lancement, au Maroc, des banques participatives interviendra avant la fin de l’année 2016. Abdeslam Balaji, professeur de finance islamique et de droit constitutionnel à l’Université Mohammed V de Rabat, également président de l’Association marocaine de la finance islamique, nous explique le concept de ces banques et les enjeux qui en découlent. Interview.

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Photo d'illustration. / DR
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Pourquoi ces banques ont-elles été qualifiées de «participatives» plutôt que d’«islamiques», comme c’est le cas dans celles des pays du Proche-Orient ?

Ces banques ont été appelées participatives du fait des contrats auxquels elles font appel. Ces derniers sont basés sur la participation entre la banque et le client. Le nom fait donc référence au contenu du contrat. Pour les banques islamiques présentes au Proche-Orient, elles sont appelées ainsi car elles font référence aux origines islamiques des premiers contrats. En l’occurrence, les Marocains les appellent «banques participatives» puisqu’elles se réfèrent aux contenus des contrats. Je pense que c’est l’appellation la mieux appropriée.

Quels sont les types de contrats proposés ?

Ils sont dérivés de la doctrine islamique. Les banques participatives ou islamiques, qui ont vu le jour il y a près de 40 ans, comptent 16 contrats. Le Maroc en a pris six : le contrat Mourabaha, Ijara, Moucharaka, Moudaraba, Salam et Istisnaâ. Parallèlement, les banques traditionnelles, qui existent depuis environ un peu plus de quatre siècles, n'ont qu'un seul contrat : le contrat de prêt avec des intérêts.

En quoi se différencient-ils ?

Pour le contrat Mourabaha (contrat de vente de bien meuble et immeuble entre la banque et son client, ndlr), le client demande à sa banque de lui acheter un bien meuble ou un immeuble, comme des produits, une voiture ou un lot de terrain. En contrepartie, un bénéfice est convenu et une durée de paiement est négociée dans le cadre de ce contrat.

Pour le contrat Ijara (location, ndlr), on en distingue deux types : le premier est la location fonctionnelle. Dans ce cas, le client demande à la banque participative de lui louer un bien immobilier ou autre pour l’exploiter dans un but particulier. Le second type est la location, qui s’achève par une acquisition du bien par le client.

Le troisième contrat (Moucharaka, participation de la banque à un projet en vue de réaliser un profit, ndlr) se distingue aussi selon deux types : le premier est une participation fixe, la banque et le client participent donc tous deux à un projet. Chacun fournit un montant. Les deux parties partagent ensuite les bénéfices ou les pertes. Quant au second type, (participation dégressive, ndlr) le principe est le même mais les deux parties introduisent une clause spéciale. Le client cède, de façon périodique, une partie du capital à la banque, de façon à ce qu’il devienne propriétaire du projet une fois le montant initial fourni par la banque est atteint et que la participation de la banque prenne fin.

Abdeslam Balaji, professeur de finances islamique et du droit constitutionnel à l’Université Mohammed V de Rabat. /DR

Quant au contrat Moudaraba, qui partage les mêmes principes du contrat Moucharaka, la banque participative fournit le capital, tandis que le client apporte son travail et son savoir-faire. Les bénéfices sont donc partagés mais en cas de perte, celle-ci sera supportée par la banque participative seule. Pourquoi ? Parce que la doctrine islamique estime que le client a dépensé son temps et son savoir-faire et qu’il est donc injuste qu’il supporte lui aussi cette perte.

Le contrat Salam ressemble au contrat Mourabaha. Si pour le premier, on commence par le produit avant le remboursement, dans le contrat Salam, les choses sont inversées. Autrement dit, on verse d’avance le prix intégral d’une marchandise et l’autre partie s’engage à livrer une quantité déterminée de ladite marchandise dans un délai convenu. Par exemple, un agriculteur qui se retrouve dans l’incapacité de récolter puis de vendre sa marchandise se dirige vers la banque participative. Les deux concluent ensuite un contrat Salam. La banque achète, dans ce cas, les produits ou la marchandise bien avant la récolte.

Quant au contrat Istisnaâ, il s’agit d’un contrat en vertu duquel une partie demande à une autre de lui construire un ouvrage moyennant une rémunération payable d’avance, de manière fractionnée ou à terme. La fabrication concerne un produit qui n’existe pas encore. A titre d’exemple, en 2014, le gouvernement du Maroc a signé un contrat Istisnaâ avec la Banque islamique du développement (BID) pour la réalisation d’une autoroute d’une valeur de 1,46 milliard de dirhams (144 millions de dollars). Il était donc question d’une fabrication d’un produit inexistant mais décrit et bien défini.

Quel est l’avenir de ces banques participatives au Maroc ?

Généralement, le législateur ne conçoit pas de loi que s'il y a une demande sociale. Donc, s’il n’y a pas de demande sur ces produits, le gouvernement n’aurait pas présenté un projet de loi approuvé par la suite par le Parlement. Pour ce qui est des aspects financiers et économiques, il y a une demande interne et externe quant à ces produits. Des investisseurs, en particulier dans les pays du Golfe, veulent investir avec des banques convaincantes. Nous nous attendons à ce que ces produits rencontrent un succès significatif.

D’après vous, les banques classiques seront-elles impactées après la mise en service de ces produits participatifs ?

Je ne crois pas, dans la mesure où plusieurs banques marocaines proposeront des produits participatifs. Il y aura donc une sorte de compétition. Les banques traditionnelles ont joué un rôle important dans le développement économique du Maroc. La loi a veillé à ce qu’il y ait de la compétitivité dans un contexte honnête. Les produits qui prouveront leur valeur à l'économie et à la communauté marocaine vont être naturellement sollicités par les Marocains. Nous n’imaginons pas un conflit entre les deux systèmes, mais plutôt une concurrence économique et financière.

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