Privé de logement car pas assez Blanc ? A Dax (Landes), dans le sud-ouest de la France, un citoyen marocain établi dans la cité thermale depuis plus de vingt ans est poursuivi pour constitution de partie civile abusive ou dilatoire par un couple de retraités, d’après le quotidien régional Sud Ouest.
Ceux-ci traînent depuis neuf ans une procédure qui confine à l’acharnement judiciaire, estime leur avocat, Maître Arnaud Dupin.
L’affaire débute en 2007. A la mort de l'aïeul du couple, ce dernier leur lègue l'appartement dans lequel réside alors la famille du prévenu. Quelques semaines après le décès, les légataires décident de déposer un congé pour vente. Le père de famille, commerçant bien connu de Dax, s'enquiert du prix, mais voit rouge lorsque le couple lui annonce un bien à 170 000 euros. L’homme renonce à l’achat de la propriété, son prix étant trop cher pour lui.
Quelques semaines plus tard, il découvre avec stupeur dans une agence immobilière son appartement proposé à 110 000 euros. Il négocie un prêt, signe le contrat sous-seing privé avec l'agence. Selon son témoignage, les héritiers auraient fait capoter la vente, déclarant à l'agent immobilier «hors de question de vendre à ces gens-là». S’ouvre alors une longue bataille judiciaire entre le locataire et le couple de retraités, qui passera même par la cassation. Condamné à 6 000 euros, l’homme devrait faire appel. Les parties civiles ont fait savoir par la voix de leur avocat qu'ils étaient satisfaits, dénonçant notamment la «démarche de victimisation» du prévenu.
«Testing» dans les agences immobilières
Si les faits de discrimination raciale n’ont pour l’heure pas été avérés, il n’empêche que l’affaire fait écho à un phénomène répandu dans l’Hexagone, dont les Français porteurs de patronymes à consonance étrangère, africaine ou maghrébine de surcroît, sont devenus coutumiers. «Pour louer un logement en France, il ne fait pas bon être d'origine étrangère», rappelait le Monde en 2014, citant un «testing» effectué par le magazine 60 millions de consommateurs auprès d’agences immobilières.
Six candidats à la location présentant le même niveau de revenus et de situation professionnelle avaient répondu à 150 annonces immobilières en téléphonant pour prendre rendez-vous. «Babacar, 31 ans, commercial», s’exprimant dans un français mâtiné d’un accent africain, avait sans surprise essuyé une fin de non-recevoir dans un tiers des cas. Sans surprise également, «Anne, 28 ans, assistante de direction», avait engrangé succès sur succès, obtenant à chaque fois une réponse positive de l’agence immobilière. Plus encore, dans 42 % des appels, Babacar s’était vu demander s’il gagnait bien trois fois le montant du loyer ; la question avait été posée moins d’une fois sur dix à Anne.
«L’étranger fait peur»
Plus récemment, la discrimination basée sur des critères ethniques en matière d’accès au logement a été pointée du doigt outre-Atlantique, dans le monde supposé merveilleux de l’économie du partage. En mai dernier, des utilisateurs américains d’Airbnb, plateforme dédiée à la location de logements chez l’habitant, avaient repris le hashtag #AirBnBWhileBlack («AirBnB quand on est noir», en français) apparu sur Twitter l’an dernier, pour dénoncer les discriminations raciales dont ils se disaient victimes.
Pour Jean Fouin, chargé du groupe de travail consacré au logement au sein de la Ligue des droits de l’homme (LDH) en France, contacté par Yabiladi, les idées reçues persistent auprès de certains propriétaires. «Il y a toujours la crainte qu’une personne d’origine étrangère ne paie pas le loyer, risque de créer des troubles pour une raison ou pour une autre. L’étranger fait peur, surtout lorsqu’il s’agit d’une personne de couleur. Lors des ‘testing’ opérés dans certaines agences immobilières, on se rend compte que les réticences ne sont pas les mêmes selon si la personne est d’origine étrangère ou pas», observe-t-il.
A défaut d’avoir pu recueillir des preuves, les victimes sont parfois réticentes à porter plainte. «Les propriétaires évoquent rarement les vraies raisons et se cachent derrière des prétextes du type ‘je préfère avoir une personne avec un emploi différent, en CDI, etc.’, explique Jean Fouin. Et puis, de toute façon, les condamnations ne vont souvent jamais très loin…». Faute de traces manuscrites également, difficile par conséquent de réunir des indices probants ; les paroles s'envolent, les écrits restent.