Yabiladi : Vous avez beaucoup fait l’actualité aux Pays-Bas récemment. Abbie Chalgoum n’y est-il pas devenu un nom populaire?
Abbie Chalgoum: Je ne sais pas vraiment. Mes parents m’ont appris à faire les choses que j’aime et à travailler dur pour réaliser mes rêves. Et c’est ce que j’essaie de mettre en pratique.
Votre rôle de Jésus au théâtre a été apprécié par de nombreux Néerlandais de souche, alors que certains d'origine marocaine vous ont menacé. Malgré tout, vous défendez votre choix…
Beaucoup de Marocains aussi ont apprécié mon rôle. C’est juste un petit groupe de jeunes qui m’a menacé. Ils ne comprennent pas pourquoi j’incarne Jésus. Pour eux, il est interdit en islam de représenter un prophète. Tout cela a commencé à la gare de Venlo quand je me rendais à la répétition. Ils ont commencé à me poser des questions. J’ai essayé d’engager la conversation, mais j’ai vite compris que ça ne marcherait pas, parce qu’ils ont commencé à me provoquer et à m’insulter.
Ce jour-là, ils me disaient : «Fils de p*** ! Nous savons que tu ne vis plus à Venlo, mais nous savons où te trouver à Amsterdam !» C’est à partir de ce moment que j’ai réellement commencé à avoir peur. Et je me suis dit : «Que m’arrivera-t-il s’ils me retrouvent à Amsterdam ?» C’est ce qui m’a poussé à contacter la police.
En fait, je me suis plaint auprès de la police à deux reprises. La première fois, c’était contre un citoyen d’honneur de Maastricht -Benoit Wesley- qui avait dit que j’étais un ennemi des juifs, parce qu’il a lu cela sur un blog anonyme d’insultes. Ma plainte était également dirigée contre l’ancien directeur du Maastricht Football Club (MVV), actuellement conseiller municipal, Jan Hoen. Il avait exigé de ma part une déclaration écrite de non-antisémitisme.
Depuis le début et jusqu’à présent, je continue de défendre mes choix. Je suis un acteur et je fais tout ce que j’aime faire. Si quelqu’un n’aime pas, c’est son droit, mais qu’il me laisse tranquille.
Votre famille vous a beaucoup encouragé quand vous avez décroché le rôle. Comment a-t-elle réagit aux menaces et griefs dont vous avez été la cible ?
Ma famille a continué à me soutenir malgré tout. Ils savent que mon personnage au théâtre ne consiste pas à répandre le message de la Bible. C’est juste un rôle.
Depuis que vous vous êtes plaint à la police, avez-vous encore reçu des menaces ?
Non, plus aucune menace depuis. Je crois que c’est à cause de toute l’attention médiatique accordée au sujet. Ils ont peur.
Vous êtes professeur d’économie. Comment arrivez-vous à concilier votre travail et votre passion pour le théâtre ?
Les deux constituent ma passion. J’aime enseigner et j’aime jouer. Mais si jamais l’avenir me donne la chance d’obtenir un rôle dans un film télévisé, j’arrêterai l’enseignement pour me consacrer à ma passion d’acteur, s’il plait à Dieu.
D’où vous vient cette passion pour le théâtre ?
Je dirais que c’est inné. Depuis que je suis un petit garçon, j’aime le théâtre. J’ai toujours fait de la comédie devant mes frères et sœurs à la maison. Ça coule dans mes veines ! (Rires)
Vous êtes nés à Marrakech et vivez depuis plus de 30 ans aux Pays-Bas. Quelle est votre rapport avec le Maroc ?
Je suis très proche du Maroc, bien que je vive à l’étranger. Je parle Darija et je suis un enfant des rues de Marrakech, c’est ma seconde maison. Une grande partie de ma famille y réside et chaque année, je visite le Maroc. Mais je n’y vais pas juste pour voir les miens. J’aime voyager. C’est clair que je commence toujours par Marrakech, avec Jemaâ el-Fna, les souks et leurs senteurs… Après, je mets le cap sur Essaouira. C’est ma seconde ville préférée. J’aime y observer l’océan, me baigner et manger du poisson bien frais.
Le Maroc est si beau et pour moi, sa cuisine est la meilleure au monde. Le Tajine de lapin est mon plat préféré. En décembre prochain, j’aurai encore l’occasion de le déguster sur place avec ma petite amie néerlandaise.
L’Aid El Kébir sera célébrée dans quelques jours. Comment préparez-vous la fête ?
Tranquillement ! Puisque le sacrifice à la maison n’est pas autorisé aux Pays-Bas, nous achetons un mouton et un boucher musulman procède au sacrifice. Nous le célébrerons en famille à Venlo. Etant donné que nous vivons tous dans des villes différentes, c’est l’occasion de se retrouver chez nos parents pour rigoler, discuter, manger... Bref, passer de bons moments ensemble.