Clément, Camerounais, était marié et père de trois enfants dont l’un d’à peine quelques mois. Il est mort le 16 mars dernier devant la caméra de la réalisatrice italienne Sara Creta, tué pas des membres de la guardia civil espagnole et des forces auxiliaires marocaines pour avoir tenté de traverser la barrière de Mélilia. Avec les dernières images de Clément et des témoignages bouleversant de ses compagnons du camp de la fôrêt de Gourougou, Sara Creta a réalisé le document vidéo «Numéro 9», tiré du surnom de Clément, avec le conseil d’ALECMA et de plusieurs autres associations d’aide aux migrants subsahariens au Maroc. Il est diffusé simultanément en France, en Espagne, en Italie et au Maroc, aujourd’hui, à 17h30.
Le 11 mars 2013, Clément fait parti des 120 à 200 personnes qui tentent de franchir la frontière de Mélilia, à 4h30 du matin, avec une centaine d’échelles de fortune, au niveau de Farkhana, dans la zone de Yasinen, près de l’aéroport de Mélilia. Au terme de plusieurs heures de lutte, 90 migrants réussissent à franchir la barrière, 5 ont rebroussé chemin et les autres, soit plus d’une trentaine, sont attrapés.
«Massacrés»
La majorité d’entre eux est prise par les membres de la guardia civil que les rouent de coups de matraques, les «massacrent» selon les termes employés par les hommes eux-mêmes, les entassent à plusieurs dans les coffres de Toyota et les ramènent du côté marocain. Remis sans autre forme de procès aux forces auxiliaires marocaines, ils sont à nouveau tabassés à coups de barre de fer, de serre-joint, de batte de base ball, de marteaux, rapportent plusieurs rescapés.
Finalement, 25 personnes, seulement les hommes les plus gravement blessés, totalement incapables de marcher sont transportés en ambulances jusqu’à l’hôpital de Nador. Clément est parmi eux. 3 personnes sont déjà dans le coma. Les autres, tous blessés, sont renvoyés à Oujda de l’autre côté de la frontière maroco-algérienne. Habitués de ce genre de blessés, le service hospitalier de Nador les soigne à peine. Seules 6 personnes sur 25 resteront plus d’une journée.
Chassés par les «Ali»
Clément rentre au camps le jour même sans avoir fait de scanner. A ce moment là, il va aussi bien que possible étant donné ses multiples blessures. Le lendemain matin, comme tous les matins, les forces marocaines viennent au campement pour chasser ses habitants. Les migrants remontent plus haut dans la forêt, abandonnant derrière eux les affaires. Restent sur place plusieurs blessés qui ne peuvent pas se déplacer, dont Clément. Les «Ali», surnommés ainsi par les migrants subsahariens, sortent Clément de sa tente pour la brûler avec ses couvertures. Ils l’abandonnent couché dans la terre où le retrouvent ses compagnons en redescendant.
Son état de santé se détériore rapidement. Ses amis racontent qu’il a froid, ne mange plus et ne sort plus de sa tente. Sur les images de Sara Greta, Clément est facilement identifiable, il s’agit de l’homme au regard totalement hagard, presque terrifié, tremblant, incapable de parler, qui halète, assis sur le sol. Ses amis appellent une ambulance. 6 jours après sa tentative de passage, devant la caméra, devant ses amis, devant les membres des associations venues sur les lieux... Clément meurt. La police arrivera avant l’ambulance.