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Grand Angle

Diaspo #332 : Kaoutar El Frayji, un parcours en immersion dans le développement international

Native de Casablanca, Kaoutar El Frayji grandit en Italie, où son engouement pour l’apprentissage des langues la mène à évoluer précocement dans une formation internationale, en interaction avec les enjeux globaux en relation avec le développement international et durable. Aujourd’hui consultante, elle fait partie de plus de 250 jeunes marocains, du Maroc et de l’étranger, engagés désormais dans la réponse aux défis du changement climatique.

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Kaoutar El Frayji
Temps de lecture: 5'

Née à Casablanca en 1997, Kaoutar El Frayji grandit à Khouribga chez ses grands-parents maternels. Elle y côtoie sa tante, jusqu’à l’âge de 7 ans, avant de rejoindre sa mère qui a migré en Italie. Dans le pays d’accueil, la cheffe de famille travaille comme couturière dans une usine de textile. Une fois dans la petite ville de Marsciano, Kaoutar découvre précocement sa passion pour les langues.

«Je parlais déjà l’arabe et le français. Dès mon arrivée en Italie, j’ai commencé à apprendre l’italien, mais aussi l’anglais, ensuite l’allemand, auquel mon père m’a initiée, après ses années de travail en Allemagne. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussée à postuler pour le campus européen franco-allemand de Sciences-Po Paris, après mon baccalauréat», nous explique-t-elle. Basé à Nancy, l’établissement propose une formation en sciences sociales, politiques, en droit, en économie, en sociologie et en philosophie en trois langues (anglais, français et allemand).

Durant ce premier cursus universitaire, la jeune prodige s’initie encore à de nouvelle langues, en apprenant cette fois-ci le russe pour sa troisième année de Bachelor, passée en échange à Moscou. Profitant de ses voyages universitaires d’été en Asie, Kaoutar s’ouvre aussi sur le mandarin, puis l’espagnol, parallèlement à son master. «J’ai 26 aujourd’hui. Mon objectif est qu’à l’âge de trente ans, j’aurai maîtrisé dix langues !», nous confie-t-elle.

Un parcours international aux quatre coins du monde

Après une période de summer school en Chine, puis son année d’échange en Russie, Kaoutar est encore plus curieuse de s’ouvrir sur le reste du monde. C’est ainsi qu’avant d’enchaîner avec un master, elle prend une année pour passer des stages. Directement de Moscou, elle s’envole vers Abidjan. «En Russie, j’ai laissé une température de -15 degrés et arrivée en Côte-d’Ivoire, nous étions à 35°. J’aurai vécu un choc de 50 degrés !», nous raconte-t-elle sur le ton de l’anecdote. Dans le pays d’Afrique, la jeune diplômée démarre une première expérience professionnelle avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en tant que stagiaire puis consultante.

«J’ai travaillé avec les migrants ivoiriens de retour depuis l’Afrique du Nord. Cette expérience a été pour moi une immersion sur le terrain, avec une institution des Nations unies. J’ai eu la possibilité d’interagir aussi avec d’autres organisations internationales, tout en étant en contact avec les bénéficiaires. J’ai notamment accompagné les projets de réintégration. J’ai travaillé aussi avec les femmes et les enfants pour évaluer leurs besoins – c’était pendant la crise sanitaire de 2020 –…»

Kaoutar El Frayji

Cette immersion aura été tellement enrichissante qu’elle fait décider Kaoutar dans sa spécialisation en master, porté sur le développement international, avec une spécialisation dans les domaines de l’environnement et de la durabilité. A distance depuis Paris, elle enchaîne les expériences avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), au sein du bureau régional pour l’Europe et l’Asie centrale, basé à Istanbul (Turquie). Elle continue avec l’UNESCO, au sein d’une équipe dédiée à la planification éducationnelle sensible à la crise. Dans ce cadre, elle travaille notamment avec le ministère jordanien de l’Education, pour développer un plan de gestion des risques et des crises pour le secteur.

En parallèle à son master, Kaoutar El Frayji passe ensuite un stage avec l’ONG française Fondation énergies pour le monde, portée sur la recherche de fonds et le développement de projets en Afrique, pour la promotion des énergies renouvelables, comme l’installation de panneaux photovoltaïques dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Diplômée en juillet 2023, elle voyage en Corée du Sud pour une formation sur l’énergie nucléaire pendant deux mois, au sein du Centre d’éducation et de recherche sur la non-prolifération nucléaire affilié au prestigieux Korea Advanced Institute of Science & Technology (KAIST).

«Lors d’une formation intensive, nous avons commencé par quelques notions d’ingénierie pour en savoir plus sur le fonctionnement d’une centrale nucléaire. Puis, nous avons étudié les enjeux des énergies nucléaires, surtout dans le domaine des politiques publiques, pour sensibiliser les générations futures et les leaders internationaux sur la non-prolifération. C’était très intéressant pour moi de suivre ce cursus là-bas, où nous sommes allés jusqu’à la frontière avec la Corée du Nord», se souvient-elle.

Depuis janvier dernier, Kaoutar El Frayji travaille désormais en tant que consultante en business development pour l’organisation internationale américaine Search for common ground, dédiée à la construction de la paix (peacebuilding and peacemaking) en Afrique. Elle collabore notamment pour des projets en Afrique de l’Ouest, dont le Niger, où l’initiative de la structure a porté sur l’éducation, ou encore au Bénin, pour la promotion d’élections pacifiques. D’autres projets ont suivi, au Burundi pour la cohésion sociale, ou encore au Mozambique, en République démocratique du Congo, entre autres.

Un tournant animé par l’éducation pour le changement global

En février dernier et dans la lignée de son intérêt porté sur le développement durable, dans une approche multidimensionnelle, Kaoutar El Frayji a par ailleurs fait partie de 250 jeunes, du Maroc et de l’étranger, qui ont participé à la rencontre internationale «Les jeunes et les défis des changements climatiques. Quels rôles et quelles contributions ?» à Benslimane. En association avec le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), cette rencontre s’est clôturée par l’adoption de la déclaration «instituant la création en terre marocaine du Réseau international des jeunes pour la déclaration universelle des droits de l’humanité, et dont le siège sera situé dans la région de Casablanca-Settat».

Porté par l’Association d’études et de recherches pour le développement, ONG d’utilité publique dotée du statut consultatif spécial auprès de l’ECOSOC des Nations unies, en partenariat avec le conseil régional de Casablanca-Settat, de plusieurs acteurs locaux, publics, universitaires et institutionnels, l’événement a d’ores et déjà donné lieu à des initiatives émanant des participants eux-mêmes.

«Ces thèmes me passionnent beaucoup depuis ma dernière année du lycée. J’ai toujours voulu devenir médecin, j’ai encore de rêve… Mais j’ai été portée sur le domaine du développement international, après avoir représenté mon établissement au Italian Model United Nations à Rome, pour discuter de thèmes spécifiques. J’ai remporté le prix qui a eu un écho médiatique en Italie. J’ai abordé la promotion de l’éducation et nous étions plus de 3 000 élèves de tous les lycées du pays. C’était pour la première fois que mon école y participait.»

Kaoutar est désignée parmi les quatre élèves qui représentent l’Italie, cette fois-ci pour le Global Citizens Model United Nations, au siège de l’ONU à New York (Etats-Unis). «J’étais timide, mais j’étais aussi très ambitieuse. Je pensais que je perdais ma voix, tellement j’avais le trac, mais c’était l’un des moments les plus importants de ma vie, où j’ai décidé justement de faire usage de ma voix pour contribuer à un monde meilleur. Je suis issue d’un milieu modeste où je suis la première à avoir fait des études supérieures. Il m’a donc toujours tenu à cœur que les jeunes filles à travers le monde puissent suivre leur éducation, pour avoir un impact inter et intragénérationnel», se rappelle-t-elle.

C’est pour la première fois que Kaoutar voyagera en dehors de l’Europe et du Maroc. Elle représente d’ailleurs son pays d’origine, à l’ONU, où elle a abordé la question du Sahara. Choisie dans le même cadre pour intervenir devant l’assemblée générale des Nations unies, la jeune prodige passe des mois intenses, entre les préparations du baccalauréat, ses engagements associatifs culturels en Italie, ainsi que ses certifications linguistiques. De retour à Marsciano, elle envisage ainsi une formation internationale.

«Je me suis dit que c’était la vie que je voulais : un parcours international», affirme-t-elle. Actuellement, Kaoutar a pour ambition d’approfondir son expérience professionnelle internationale également.

Article modifié le 31/03/2024 à 14h50

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