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Grand Angle

Décès du leader de la «révolution» judéo-marocaine en Israël

En Israël, Charlie Biton a marqué l’histoire des années 1970 en devenant une figure des Black Panthers. D’une famille originaire du Maroc, il est décédé samedi dernier, laissant derrière lui un parcours de lutte contre le racisme et les disparités entre les juifs séfarades et ashkénazes.

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Charlie Biton
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Originaire du Maroc, Charlie Biton est décédé samedi à l’âge de 76 ans. En Israël, il a été député de gauche et s’est fait connaître parmi les précurseurs des «Panthères noires» (Black Panthers), mouvement de lutte contre les inégalités visant les juifs séfarades en Israël.

Le président israélien Isaac Herzog a écrit sur ses réseaux sociaux que Charlie Biton était un homme «courageux et déterminé», qui s’est battu pour les juifs séfarades et contre les disparités sociales. Il a évoqué notamment ses «discussions longues et profondes» avec lui.

Le défunt est né à Casablanca, en avril 1947. A l’âge de deux ans, il a suivi sa famille partie s’installer en Israël. Dès son adolescence, il a été confronté à la discrimination contre les juifs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au sein de l’Etat hébreux.

Un leader de la révolution judéo-marocaine en Israël

A cette époque, les juifs issus de familles marocaines, qui constituent aujourd’hui la deuxième communauté en Israël après les originaires de Russie, sont considérés comme des citoyens de seconde zone.

La discrimination a concerné même les familles entre elles, puisque les conditions d’immigration vers Israël ont privilégié les «jeunes en bonne santé, qui pourraient contribuer au développement sociétal», tandis que les plus âgés ou souffrants ont été laissés en second plan. Beaucoup d’entre eux sont décédés avant de s’installer dans l’Etat hébreux.

Depuis la Nakba est la proclamation d’Israël, les ashkénazes ont souvent occupé les positions de pouvoir les plus importantes, de manière à présenter Israël comme un Etat moderne de style européen. Les premiers signes de protestation contre le statu quo dans la «terre promise» ont commencé en 1959, lorsqu’une vague de manifestations a balayé la ville de Haïfa, après qu’un policier israélien a abattu une personne d’origine marocaine dans le quartier de Wadi Salib. La perception à l’égard des manifestants s’est elle-même alignée sur les clichés racistes, considérant que les frondeurs seraient des marginaux sans-emploi.

Au début des années 1970, le rejet de cette situation de fait accompli par les juifs d’origine marocaine va prendre une autre tournure, lorsque certains d’entre eux vont fonder un mouvement de gauche, sous la bannière des «Panthères noires». Charlie Biton fait partie de ses grandes figures, avec Saadia Marciano, née le 1er mai 1950 à Oujda, et Reuven Abargel, né en 1943 à Rabat.

Dès sa création, la structure s’est confrontée à l’interdiction de ses manifestations pacifiques devant la municipalité de Jérusalem. Sans justification, aucun rassemblement n’aura été autorisé par la Première ministre israélienne Golda Meir. Les soirs, la police procède à des arrestations et à des détentions préventives, par anticipation à toute marche ou sit-in.

Des affrontements ont eu lieu dans la plupart des villes où vivent des juifs originaires du Moyen-Orient, tandis que des slogans ont appelé au renversement de «l’Etat ashkénaze». En 1974, Saadia Marciano est arrêtée pour avoir lancé une bombe contre le bureau d’un rabbin. Elle est condamnée à trois mois de prison.

C’est cette arrestation, les campagnes de perquisition et le harcèlement des membres du mouvement qui déclenchent à nouveau les affrontements. Les réactions contre les dirigeants de l’organisation sont violentes, tout comme les confrontations. Mais le mouvement continue d’occuper la rue et les manifestations secouent tout le pays.

Face à la vague de colère croissante, le gouvernement israélien donne suite à la demande d’un dialogue sérieux sur les revendications des «Panthères noires». Une commission d’enquête a conclu que de nombreuses couches sociales en Israël étaient victimes de discrimination. Suite à cela, les budgets des ministères concernés par les affaires sociales ont été revus à la hausse.

Les protestations des juifs d’origine marocaine ont conduit au renversement de l’autorité du parti des travailleurs d’Eretz Yisrael en 1977. Alors dirigé par Menachem Begin, le Likoud arrive au pouvoir pour la première fois.

Un médiateur entre Israéliens et Palestiniens

En 1977, Charlie Biton est élu à la Knesset sous la bannière du Front démocrate pour la paix et l’égalité (gauche). Il siège pendant quinze ans, tout en continuant à défendre les juifs séfarades. En outre, il a servi de médiateur entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), durant les années 1980. L’Agence France-Presse rappelle qu’en septembre 1987, il a transmis un message verbal aux dirigeants israéliens, de la part du défunt leader de l’OLP, Yasser Arafat, fixant les trois conditions des négociations et de la reconnaissance d’Israël.

Les pourparlers entre les deux parties ont pris fin le 13 septembre 1993, avec la signature des accords d’Oslo, qui ont conduit à la reconnaissance d’Israël par l’OLP et à la création de l’Autorité palestinienne.

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