Le mouvement Adl wal Ihsane veut rentrer dans le jeu politique marocain. C’est le message adressé aux autorités par les héritiers de feu Abdessalam Yassine dans leur nouveau document politique. «Nous sommes en face d’un programme électoral complet élaboré par un parti politique, en devenir», constate dans des déclarations à Yabiladi Driss El Ganbouri, spécialiste des groupes islamistes.
«Ce qui frappe dans la lecture du document est l’examen de tous les volets de la participation politique de façon précise et détaillée. Le document a, par exemple, consacré des passages à la propriété des biens, la propriété intellectuelle, le fonctionnement des communes, les élections, les subventions des partis, la place des jeunes et des femmes et l’économie. La rédaction de tous ces points constitue aussi une nouveauté dans la littérature d’Al Adl wal Ihsane», analyse-t-il.
«Auparavant, notamment sous l’ère de son fondateur Abdessalam Yassine, la Jamaa abordait de grands thèmes comme la nature du pouvoir, la monarchie héréditaire ou la commanderie des croyants. Avec cette nouvelle feuille de route, le mouvement marque une rupture avec son histoire pour se préparer une nouvelle étape : celle de la participation politique selon les règles du jeu démocratique en vigueur au Maroc», explique El Ganbouri.
La Jamaa sur les traces de l'USFP et du PJD ?
Dans le document publié par Al Adl wal Ihsane, la commanderie des croyants n’est même pas mentionnée alors qu’elle avait constitué un point d’achoppement entre le mouvement islamiste et les représentants de l’Etat marocain, notamment lors de la phase de la médiation menée, au début des années 90 du siècle dernier, par l’ancien ministre des Habous et des Affaires Islamiques, Abdelkebir Alaoui Mdaghri, entre le roi Hassan II et Abdessalam Yassine.
«Cette nouvelle feuille de route signée par AWI intervient dans un contexte politique marqué par le déclin manifeste du PJD et la perte de confiance des Marocains en les partis politiques. La scène a grandement besoin d’une nouvelle dynamique à même de redonner de l'espoir et surtout réhabiliter l’acte politique. De part son parcours, Adl wal Ihsane est qualifié pour jouer ce rôle comme l’avaient assumé, des décennies plutôt, l’USFP d’Abderrahmane El Youssoufi en 1998 et le PJD d’Abdelilah Benkirane en 2011, dans le sillage de la vague du Printemps arabe», souligne notre interlocuteur.
Une année après le décès de son fondateur, Abdessalam Yassine, le n°2 d’Al Adl wal Ihsane, Fathallah Arsalane, avait affirmé, en janvier 2013 dans des déclarations à la presse, que «c’est à l’Etat d’exprimer sa volonté de respecter notre droit de constituer un parti politique, sans aucune condition. Lorsque il y aura accord et nous en aurons le feu vert, le reste ne serait que pure formalité». Onze ans après cette sortie, la Jamaa se rapproche de son objectif.