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Grand Angle

Tarfaya : Casa Del Mar, un «témoin de la souveraineté du Maroc» tombe en ruine

Dans la province de Tarfaya, Casa Del Mar, ou Casamar, risque de s’effondrer. Le mur du côté donnant directement sur les vagues est tombé en ruine récemment, laissant ainsi l’intérieur à découvert. La société civile locale alerte sur la déperdition d’un monument qu’elle décrit comme un «témoin de la souveraineté du Maroc» sur la région, depuis le XIXe siècle.

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Cette semaine, le mur du côté ouest de la Casa Del Mar s'est effondré, exposant les vestiges à l'impact des vagues / Ph. Association Amis de Tarfaya
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Des acteurs de la préservation du patrimoine à Tarfaya ont alerté récemment sur le risque d’un effondrement imminent de Casa Del Mar, dite aussi Casamar. Il y a une dizaine de jours, le mur du côté ouest protégeant les vestiges de l’impact direct des vagues est tombé en miettes, laissant riverains et amoureux de la ville dans un profond désarroi. L’amertume est palpable chez Sadat Shaibata Mrabihrabou, président de l’association Amis de Tarfaya, qui a informé sur la chute. «C’était important pour nous de le faire, le jour même du drame, en espérant une intervention urgente pour sauver ce qui peut encore l’être. Cette chute constitue en effet un danger réel pour la pérennité de ce monument», a-t-il déclaré à Yabiladi.

«Le mur ouest incarne le dernier rempart, la dernière protection du bâtiment au niveau de la partie directement touchée par les vagues», s’alarme le militant, pour qui «l’effondrement de ce qui reste de Casamar n’est malheureusement qu’une question de temps». «A Tarfaya, les habitants sont très tristes, c’est le signe que ce joyau architectural centenaire peut tomber en ruine à tout moment», ajoute-t-il encore, déplorant que «l’on assiste, impuissant, à la disparition d’un repère clé» dans la région.

«C’est notre repère à tous et il a une place considérable dans l’Histoire du Maroc. Il incarne un acte de souveraineté sur ces territoires, en la personne du sultan Hassan Ier (1873 – 1894), après que la reine Victoria d’Angleterre (1837 – 1901) a reconnu Tarfaya au pouvoir central marocain, en 1894, en vertu d’un accord historique», rappelle l’associatif auprès de notre rédaction.

Ph. Association Amis de TarfayaPh. Association Amis de Tarfaya

«La charge historique de Casamar, justement, est un élément d’une grande importance dans la déconstruction des récits infondés, colportés par des mercenaires nés de la dernière heure et qui remettent en question les liens d’allégeance entre les sultans alaouites et la population de la région à travers l’Histoire.»

Sadat Shaibata Mrabihrabou

Comptoir commercial construit à partir de 1876 par l’entrepreneur britannique Donald Mac Kenzie, Casa Del Mar a été repris par le Maroc en 1894, après que le chef local cheikh Ma El Aïnin a écrit au sultan Hassan Ier, qui a ainsi négocié le retrait anglais de la région. En 1916, l’Espagne, qui a entamé son offensive coloniale dans la ville, a utilisé ce «fort Boyard saharien» comme chef-lieu du port, puis comme prison. Après le retrait espagnol de Tarfaya et la restauration de la souveraineté marocaine en 1958, la Casa Del Mar a été délaissée.

Que fait le ministère de la Culture ?

Sadat Shaibata Mrabihrabou nous déclare ainsi que l’«on est face à un édifice à portée nationale, mais qui n’a bénéficié d’aucune action du ministère de la Culture pour sa sauvegarde».

«En tant que président de l’association Amis de Tarfaya et militant pour le patrimoine de cette ville depuis presque trente ans, je tiens le ministère de tutelle entièrement responsable de ce qui advient de Casamar, puisque le département annonce continuellement, durant les quinze dernières années, que ce monument sera protégé et classé patrimoine national, mais rien n’a été fait.»

Sadat Shaibata Mrabihrabou

Casa Del Mar / Ph. François BeaurainCasa Del Mar / Ph. François Beaurain

Selon l’associatif, «le ministère a dit avoir réalisé plusieurs études, en préparation d’une éventuelle réhabilitation, mais la réalité du terrain ne montre rien de la mise en œuvre de ces discours». «Ce serait un miracle si Casamar reste debout encore une année ou deux», s’inquiète-t-il. «Pourtant, le ministère a précédemment annoncé que 60 millions de dirhams seraient alloués aux projets de restauration. Une autre fois, un projet similaire a été annoncé, pour une enveloppe de 16 millions de dirhams», se souvient Sadat Shaibata Mrabihrabou.

Ce dernier indique que «la direction régionale de la Culture assure qu’elle mobilise des fonds à cet effet, mais ce discours est le même depuis 2007, à propos d’un bâtiment qui est à la fois le plus fragile et le plus important de la région du sud, au temps où il n’existait pas encore de constructions en dur dans cette zone». Il avertit, par ailleurs, que «si ce bâtiment s'effondre, ce sera une honte pour tous».

Sadat Shaibata Mrabihrabou fait savoir que le classement et la restauration de Casamar «sont à l’ordre du jour des conseils élus, au niveau de la province et de la commune, ainsi que de l’administration locale, mais le bâtiment en lui-même est sous la tutelle du ministère de la Culture», qu’il appelle ainsi à agir urgemment pour permettre sa sauvegarde.

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