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Grand Angle  

Mondial 2022 : Les racistes français n’aiment ni le Maroc ni la France [Edito]

Entre la France et le Maroc, il faut choisir. Cette injonction fait le tour des plateaux télé en France, comme si cette demi-finale de Coupe du monde était un champ de bataille pour les identitaires. Pour les héritiers de Pétain, la binationalité est une preuve de traitrise.

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Les débats autour de la Coupe du monde au Qatar prennent une tournure nauséabonde, sur les plateaux des chaînes d’information et même dans les colonnes de certains journaux en France. Préjugés ou accusations racistes, généralisation de faits isolés à toute une communauté, sanction de tout un quartier de Fréjus suite à des débordements de supporters, volonté d’interdire les drapeaux marocains par un sénateur marseillais, la surenchère identitaire a pris des proportions folles.

Les figures de l’extrême droite vont même jusqu’à falsifier l’Histoire, pour accabler les Marocains et les Franco-marocains, coupables de tous les maux. Si l'on en croit Eric Zemmour, les Franco-italiens n’ont jamais soutenu la Squadra azzura, les Franco-portugais n’ont pas fait de démonstration de joie après le titre européen de la Seleção das Quinas, et les Français n'ont pas festoyé publiquement à Marrakech, Casablanca, Rabat et d’autres villes du Maroc ou dans d’autres pays africains, lors de la victoire en Coupe du monde 2018. Or tout le monde sait qu'il en est ainsi des moments forts de ce sport populaire qu’est le football : des explosions de joie qu’on aime partager avec les autres, que l’on soit à Paris, Marrakech ou Dakar.

Les binationaux doivent être plus français que les Français

Mais d’où vient cette volonté d’interdire les liesses populaires quand elles viennent d’une population étrangère ou d’origine étrangère ? Et quel raisonnement peut justifier l’injonction à choisir de soutenir l’équipe de France ? Ne peut-on pas se désintéresser du football et n’exprimer aucun intérêt pour les Bleus, qu’on soit Français ou binational ? La citoyenneté, l’allégeance au drapeau, est-elle déterminée par le zèle qu’on met à soutenir l’équipe nationale de football ? Et pourquoi cette injonction serait valable pour le foot et pas pour le volley ou la pétanque ? Les binationaux ne peuvent-ils pas soutenir les deux équipes de leur coeur ? Seulement l’une d’entre-elles ou même aucune ? Que dire à Hervé Renard, qui soutient l’équipe du Maroc ? Pas un bon Français ? Et ces Français fans de l’équipe du Brésil, des traîtres ?

Le ballon rond fait perdre la boule aux marchands de haine. Ils n’aiment pas l’équipe du Maroc et ce qu’elle représente : le panache, la magie du football, l'extraordinaire aventure humaine, la synthèse réussie entre joueurs nés au Maroc, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, en Espagne ou au Canada. Ils n’aiment pas l’engouement international autour du Petit Poucet qu’on n’attendait pas à ce niveau de la compétition. Les Africains se sentent représentés par cette équipe métissée, le monde arabe et les musulmans se sont épris pour ses joueurs qui font des douaas avant d’entrer sur le terrain, les rues de Palestine et d'Israël célèbrent le Mountakhab, les «petits» pays du football vibrent pour l’outsider qui a damé le pion à plusieurs grandes «écuries» européennes, et les mamans du monde entier ont été émues de voir les mères des joueurs marocains mises à l’honneur par leurs fils. C’est tout ce que cette équipe du Maroc représente de positif qui dérange les identitaires aigris.

Des Bleus pas assez blancs

L’extrême-droite, qui n’a eu de cesse de dire aux Français d’origine africaine ou de confession musulmane, exige d’eux d’être désormais des fans de footbal et des Bleus en exclusivité. Qui n’aime pas Mbappé n’est donc pas Français ? C’est plus compliqué, puisque même cette belle équipe de France s’est fait pourrir par les gardiens de «l’identité blanche française». A l’image du philosophe toutologue Alain Finkielkraut, qui avait rebaptisé l’équipe black-blanc-beur en black-black-black, pour marquer sa frustration et son aigreur de ne pas voir une équipe de France constituée de «blancos», pour reprendre les propos de Manuel Valls. Qu’on ne s’y trompe pas, l’équipe du Maroc qualifiée par La Vanguardia d’équipe de l’ONU avant le match contre l’Espagne, et cette équipe de France aux 2 étoiles de champions du monde avec des Zineddine Zidane ou des N’Golo Kanté, dérangent les identitaires qui, n’ayant plus les moyens de défendre une pureté raciale, tentent d’imposer une soumission des minorités.

Les binationaux ne doivent céder à aucune injonction identitaire. Ils peuvent soutenir la France et le Maroc, la France ou le Maroc, ou même aucune des deux équipes. Quel que soit leur choix, ils pourront se réjouir en supportant celle qui sera en finale. Pour les identitaires rabougris, que la France ou le Maroc gagne, ils ont déjà perdu.

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