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Grand Angle

Maroc : Le «grand remplacement» de l’amande locale au profit de celle importée

Bien qu’elle ait un meilleur goût et dispose de valeurs nutritionnelles supérieures, l’amande produite au Maroc est devenue moins compétitive que celle importée notamment des Etats-Unis, jugée moins chère, alors que le rendement des amandiers marocains est en stagnation depuis 20 ans, selon une nouvelle étude.

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Photo d'illustration. / DR
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Le Maroc possède la troisième plus grande superficie d’amandiers plantés au monde, avec 209 000 hectares en 2020, derrière l’Espagne (environ 719 000 ha) et les Etats-Unis (environ 506 000 ha). Bien qu’il produise moins de 2% des amandes consommées dans le monde (6e producteur mondial), la production du royaume lui permet d’atteindre l’autosuffisance. D’ailleurs, en 2017, près de 90% des amandes consommées au Maroc étaient marocaines.

Toutefois, la donne a changé depuis. En 2021, soit cinq ans plus tard, 85% des amandes consommées au Maroc étaient importées des Etats-Unis et essentiellement de Californie, selon le constat établi par Meryem Elkalai et Abdeladim Lafou de Rekolt. Dans une étude dévoilée il y a quelques jours, les deux chercheurs affirment que «le shift a été radical» alors que le Maroc assiste déjà au «grand remplacement de l’amande marocaine». 

Une production en hausse mais un rendement qui stagne

Le document rappelle que la consommation d’amandes décortiquées au Maroc est estimée à près de 30 000 tonnes. Elle était d’environ 27 000 tonnes en 2017, dont 97% produites localement. Ce taux passera à 91% en 2018 (28 000 tonnes consommées) mais baissera à 78% en 2019. Cette année-là, qui coïncide avec la levée complète des barrières douanières à l’importation sur l’amande américaine, 21% des amandes consommées dans le royaume étaient importées. La tendance se poursuivra en 2020 (30 000 tonnes consommées) et l’année dernière (32 000 tonnes consommées), la part de l’amande marocaine passant à 46% puis à 15% seulement contre respectivement 52 et 83% pour l’amande importée.

Paradoxalement, l’étude souligne que le Maroc produit de plus en plus d’amandes. Sa production a même doublé en 20 ans, passant de 14 300 tonnes en 2000 à 29 600 tonnes en 2020. Des amandes que le pays «ne consomme pas, certes, mais n’exporte pas non plus», font remarquer les deux chercheurs. Ceux-ci rappellent que l’année dernière, le royaume a exporté moins de 1% de sa production, essentiellement des amandes amères destinées au secteur des cosmétiques, au moment où la demande mondiale est à 1,5 million de tonnes et croît de 5% par an.

Ils expliquent, plus loin, que si le Maroc produit de plus en plus d’amandes, le rendement des amandiers marocains est en stagnation depuis 20 ans. De plus, le rendement à l’hectare y est «peu représentatif car les plantations artisanales sont très éclatées géographiquement». De plus, la production artisanale marocaine fait face à une production industrialisée américaine. Selon l’étude, «l’utilisation de l’irrigation, des engrais et de la taille sont minoritaires chez les agriculteurs marocains», alors que «les agriculteurs marocains dépensent moins pour leurs amandiers et ne bénéficient pas d’économies d’échelle».

Un rapport qualité/prix défavorable

Dans ces conditions, «l’amande marocaine peine à être compétitive», car «bien qu’elle voyage, l’amande américaine se retrouve moins chère que l’amande marocaine sur les étals des marchés de gros au Maroc». D’ailleurs, «les boulangeries-pâtisseries, principal débouché des amandes, reconnaissent aussi que l’amande marocaine a meilleur goût mais lui préfèrent l’amande importée moins chère et plus fiable».

Et même les agriculteurs marocains «ressentent que leur produit n’est pas assez compétitif en qualité». Toutefois, «le prix auquel ils vendent les amandes aujourd’hui ne leur suffit pas». «Du fait des multiples maillons de cette chaîne, ni la valeur ajoutée ni l’information sur le marché et ses dynamiques ne sont entièrement capturées par les producteurs», poursuit la même source, soulignant que ces deniers «ne peuvent pas adapter leur produit aux exigences du marché local et international».

Les deux chercheurs ont fait des estimations pour 2022 pour voir comment évolue la tendance. Ainsi, pour l’année en cours, la part des amandes marocaines dans la consommation locale semble augmenter, passant de 15% en 2021 à 32%. Toutefois, l’étude explique qu’il «reste un stock important d’amandes des années précédentes non vendues», qui sont écoulées avec un prix plus bas et deviennent alors compétitives. Une hypothèse confortée pas les observations des deux chercheurs, notamment sur le marché des fruits secs à Fès. Pour eux, l’amande marocaine «devient fictivement» plus compétitive lorsqu’on écoule les stocks des années précédentes.

Dans ce cas de figure, «cela veut dire que le consommateur ne verra que des amandes marocaines de moins bonne qualité dans les marchés, ce qui est défavorable à l’image du produit local», déplore l’étude qui rappelle que les amandes marocaines «sont encore réputées pour être plus délicieuses». Les variétés produites au Maroc présentent pourtant une valeur nutritionnelle et des caractéristiques chimiques avantageuses.

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