Des habitants de Bagatelle, quartier sensible de Toulouse, ont marché mardi 14 août dans les rues de ce quartier pour appeler les jeunes à la raison et leur faire cesser les violences qui les opposent depuis plus de cinq jours, rapporte le Monde. Soixante-dix hommes, accompagnés de quelques enfants, ont ainsi silencieusement défilé derrière le père de l’un des blessés et de l’imam de la Farouette, Mokhtar El-Meddah, qui avait lancé l’appel à cette marche afin de stopper les violences entre les bandes rivales.
Il faut que «tout ça cesse avant qu'il y ait un mort par balle perdue», a confié le religieux à des journalistes de l’AFP. Les raisons de son inquiétude sont des plus légitimes : depuis jeudi dernier, le Mirail, vaste ensemble dont fait parti Bagatelle, est en effet le théâtre d’affrontements entre jeunes de cités rivales ; Bagatelle d’un côté, la Farouette de l’autre ; qui ont fait au moins trois blessés, dont un grave. Selon les autorités toulousaines, qui vont jusqu’à parler «d’une espèce de guérilla» urbaine, ces affrontements opposent deux groupes d’une quinzaine d’individus âgés d’une vingtaine d’années et seraient soit la conséquence d’un règlement de compte entre vendeurs de stupéfiants, soit le fait de vieilles rancœurs exacerbées par le désœuvrement et la canicule du mois de Ramadan.
L’omerta (loi du silence) par «peur de représailles»
Du côté des habitants du quartier, les auteurs présumés de ces affrontements sont «connus». Mais personne n’ose les dénoncer de «peur de représailles» confie un père de famille au Journal LibéToulouse, avouant par ailleurs qu’il tient «son fils de 13 ans enfermé à la maison». Du côté de l’imam de Bagatelle, ce que l’on regrette surtout, ce sont les raisons dérisoires qui poussent ces jeunes à s’affronter : «On dirait qu'on est en Bosnie, ou en Afghanistan, pas au Mirail (...) pour des choses insignifiantes», déplore l'adjoint de l'imam, Siali Lahouari. «Ce sont des frères qui on grandi ensemble, qui ont joué ensemble, qui sont allés à l'école ensemble. Ils sont devenus des ennemis», renchérit pour sa part l'imam.
Du côté des autorités, ces confrontations, qui ne sont pas nouvelles (le Mirail a connu des émeutes en 1998 et en 2005), inquiètent aussi en raison de la montée en puissance de la violence qui les caractérise. Cela «ne concerne que quelques individus, absolument pas une population d'un quartier, quelques individus qui nourrissent des inimitiés (...) depuis plusieurs mois, voire plusieurs années et qui passent à la graduation supérieure (...), d'une acrimonie de coups de poing à des armes de poing», fait savoir la secrétaire générale de la préfecture, Françoise Souliman.
«Nous ne sommes pas en Afghanistan»
Pour contrer ce crescendo de violence, un important dispositif de sécurité, comprenant cent cinquante policiers et CRS, a été déployé dans la nuit de dimanche à lundi mais il n’a pas empêché de nouveaux dérapages, plusieurs coups de feu ayant été tiré lundi et mardi. Ce dispositif a permis néanmoins l’interpellation de certains des membres présumés de ces gangs, l’un d’entre eux écopant, ce lundi, de huit mois de prison ferme pour avoir résisté aux policiers au cours d’une arrestation musclée. Cette condamnation tranchante répond au désir de fermeté du procureur de Toulouse, Michel Valet, qui veut que «la tension redescende le plus vite» et qui se donne, pour ce faire, tous les moyens les plus efficaces possibles.
Pour en revenir à la marche, le moment fort du rassemblement a eu lieu quand la procession a rencontré un groupe de jeunes qui zonait devant l’entrée d’un bloc. «Je suis venu ici aujourd’hui pour appeler au calme et pour pardonner. Il est de notre devoir de ramener la paix dans notre quartier» a déclaré le père du jeune homme blessé. «Nous ne sommes pas en Afghanistan (…) Vous avez la vie devant vous (…) Vous ne devez pas vous entretuer pour rien» ont, quant à eux, déclaré les imams de la Farouette et de Bagatelle. La marche s’est conclue sur une courte prière.