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Grand Angle

Maroc : Avec les frontières fermées, les résidents sénégalais restent bloqués dans leur pays

Depuis la fermeture des frontières marocaines dans le cadre des mesures préventives contre la propagation de la Covid-19, les nationaux ne sont pas les seuls à avoir été bloqués à l’étranger. Parmi les communautés installées au Maroc, celle du Sénégal compte aussi ses ressortissants qui n’ont pas pu rejoindre le royaume.

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Aéroport de Dakar / Ph. AFP
Temps de lecture: 4'

Deuxième communauté étrangère la plus importante en nombre au Maroc après son homologue française, celle du Sénégal compte près de 200 personnes au moins, résidentes dans le royaume, mais qui n’ont pas pu regagner le pays depuis la fermeture des frontières, dans le cadre des mesures d’état d’urgence sanitaire. Les concernés se retrouvent ainsi dans la même situation que les Marocains bloqués à l’étranger, nombreux à ne pas avoir réussi à retrouver leurs familles et leurs emplois. Au niveau administratif, la situation des ressortissants sénégalais est encore plus délicate, puisque les titres de séjour de certains parmi eux arrivent à expiration, sans pouvoir être renouvelés à l’extérieur du territoire national, par le biais du service consulaire.

C’est le cas notamment pour Oumar*, travailleur sanitaire auprès des personnes migrantes à Laâyoune. Résident au Maroc depuis dix ans, il a confié à Yabiladi être bloqué au Sénégal depuis novembre 2021, alors qu’il a prévu initialement un court séjour pour une visite familiale. En espérant un possible retour au pays, il a cependant perdu son titre de séjour.

«Mon titre de séjour a expiré depuis le 20 janvier 2022 et étant bloqué à l’extérieur du Maroc, il est impossible de le renouveler, car il faut impérativement se rendre à la Préfecture de police pour le faire. Ce type de documents ne peut pas être obtenu depuis l’étranger, par le biais d’un service proposé au niveau des représentations consulaires. C’est préoccupant de ne pas savoir comment pouvoir se justifier auprès des autorités marocaines, face à un tel blocage administratif, sans être soupçonné d’avoir cherché à contourner la loi.»

Oumar

Comme Oumar, d’autres ressortissants sénégalais résidents au Maroc depuis plusieurs années n’ont pas réussi à rentrer au royaume, malgré une première initiative gouvernementale pour assurer le retour des personnes bloquées à l’étranger. En effet, les pays définis comme points de départ des vols de rapatriement n’ont pas été les plus proches, pour les Marocains et les étrangers installés au Maroc mais bloqués dans les pays d’Afrique, ou encore d’Amérique latine.

Transiter du Sénégal depuis l’Europe ou le Moyen-Orient pour arriver au Maroc ?

L’option difficile pour les ressortissants aurait été de rentrer au Maroc, en transitant par l’un des trois pays désignés, les Emirats arabes unis, la Turquie ou le Portugal. «Nous sommes des travailleurs pour la plupart, des chefs de famille et des étudiants, donc nous ne vivons peut-être pas tous dans la précarité, mais nous n’avons pas pour autant les moyens de nous investir dans un tel périple, avec son coût financier, alors que le plus facile serait d’organiser un vol, même unique, pour récupérer l’ensemble des personnes bloquées et les soumettre à un protocole sanitaire à l’arrivée», a déclaré Oumar à Yabiladi.

Egalement résident depuis dix ans au Maroc, Cheikhena travaille pour une entreprise basée à Casablanca. Il y a quelques mois, son épouse qui vit avec lui est rentrée à Dakar, pour accoucher là-bas. «En novembre dernier, j’ai décidé de prendre un congé pour la rejoindre à l’approche de son accouchement. J’ai pris un vol le 19 et les frontières ont été fermées le 23. J’ai espéré une réouverture le mois d’après, surtout que mon congé touchait à sa fin, mais la fermeture a été prolongée et cela m’a mis dans une situation délicate avec mes employeurs», s’inquiète le salarié.

Compréhensive dans un premier temps, la direction de l’employé a été revanche dans l’obligation de pointer les jours non travaillés, comme cela est d’usage pour l’ensemble du personnel. Cheikhena s’est retrouvé à ne plus être payé. «Mon congé a été prolongé au fur et à mesure de la prolongation de la fermeture des frontières, mais la dernière mesure du genre a été un congé sans solde. Si cela continue et qu’il n’y a toujours pas de possibilité pour moi de revenir au Maroc, je risque de perdre mon travail», redoute le jeune père de famille.

Au nombre de près de 200, les ressortissants dans la même situation se sont organisés en plateforme. «Nous avons saisi l’ambassade du Maroc à Dakar et nous avons trouvé que des Marocains étaient aussi dans le même cas que nous. Nous avons bien été reçus et écoutés, la représentation a enregistré nos informations et coordonnées dans l’espoir qu’un vol spécial soit organisé, mais c’est tout ce qu’elle peut faire pour le moment, tant qu’aucune décision n’a été prise au niveau marocain», a encore déclaré Cheikhena.

«Le consulat du Sénégal à Casablanca a été contacté aussi par la plateforme des résidents bloqués, dans l’espoir de trouver une solution. La réponse que nous avons reçue est que la représentation sénégalaise au Maroc peut effectuer des négociations avec les autorités marocaines pour rapatrier les sénégalais bloqués dans le royaume, mais pas pour initier une opération dans le sens inverse.»

Cheikhena

Des étudiants sans visibilité sur le suivi des cours au Maroc

A leur tour, nombre d’étudiants sénégalais au Maroc, bloqués dans leur pays, sont grandement impactés par la situation. Selon les informations recueillies par Yabiladi, plusieurs ont effectués leurs préinscriptions sans avoir pu poursuivre les démarches pour regagner les bancs des universités marocaines. D’autres encore n’ont pas de visibilité sur la manière adéquate de continuer à suivre leurs cours, puisque nombre d’établissements supérieurs sont revenus à l’enseignement en présentiel.

Louise*, installée au Maroc depuis au moins sept ans, a suivi tout son cursus universitaire dans le royaume. Après avoir décroché son master d’une école supérieure à Casablanca, elle a envisagé d’entamer les démarches pour s’inscrire en doctorat. «Je sais déjà ce que je dois faire, mais il est quasiment impossible de commencer quoi que ce soit en étant en dehors du pays», s’inquiète-t-elle. Pour elle, la situation est délicate sur les plans universitaire, professionnel mais aussi familial.

«J’ai réussi à trouver un travail depuis quelques mois, donc l’objectif a été d’exercer et de suivre mon doctorat en même temps. Entre temps je me suis mariée aussi, et nous vivons un éloignement mon mari et moi, puisqu’il est au Maroc et moi au Sénégal.»

Louise

Louise dit être rentrée au Sénégal pour refaire des papiers administratifs et en profiter pour revoir sa famille, le 18 décembre, par vol de rapatriement. Mais elle craint désormais que son titre de séjour n’expire «dans moins de deux semaines». «La situation est compliquée, parce que je dois effectivement trouver le moyen de justifier cela auprès des autorités. On m’appelle quotidiennement aussi au travail, car je suis censée avoir repris depuis le 15 janvier», s’inquiète-t-elle. Faute d’une possibilité de bénéficier d’un vol spécial, elle reste dans le flou total, comme les nombreux ressortissants dans la même situation qu’elle.

* Les prénoms ont été changés

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