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Grand Angle

Maroc : Le dossier de la carrière de Jbel Beni Oukil se rouvre avec un procès pour falsification

Le dossier de la carrière de gravier à Jbel Beni Oukil (Oriental) s’est rouvert une nouvelle fois devant la justice, cette fois-ci dans le cadre d’un procès pour faux et usage de faux. Représentants d’une association pour la protection de l’environnement, les plaignants suivent en parallèle leur recours en cassation à propos de la même exploitation, pour obtenir sa désinstallation.

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Jbel Beni Oukil près d'Oujda / DR.
Temps de lecture: 4'

Depuis une semaine à la chambre criminelle de première instance près la Cour d’appel d’Oujda, un nouveau procès s’est ouvert au sujet de la carrière de gravier de Jbel Beni Oukil (Oriental). Cette fois-ci, les anciens membres de la commission locale d’octroi des autorisations d’exploitation comparaissent pour faux et usage de faux, après que des acteurs de la société civile ont saisi la justice en soupçonnant les mis en cause d’avoir falsifié des procès-verbaux, pour permettre à l’exploitant de la carrière d’obtenir de nouveaux permis afin d’élargir son site.

Le 13 janvier, les prévenus devaient être entendus, mais l’audience a été reportée au 27 février, en l’absence de l’un des mis en cause. Ancien vice-président de la commune rurale de Beni Oukil, celui-ci devra être notifié de sa convocation pour la dernière fois, avant d’entamer les séances avec ou sans lui. Présidente de l’Association Beni Oukil pour l’environnement et le développement, Sanaa Naimi a déclaré à Yabiladi que les prévenus ont pu agir, «malgré un précédent avis de la justice qui a reconnu que l’attestation de propriété du terrain où se fait le projet a été falsifiée et que de ce fait, aucune activité d’extraction ne peut être réalisée sur le site».

Des pouvoirs d’influence en période électorale

Selon Sanaa Naimi, les faits remontent à septembre 2021. En pleine campagne électorale, période où la loi et les circulaires interdisent tout octroi de permis d’exploitation ou de travaux, le propriétaire aurait reçu une nouvelle autorisation. Celle-ci se base sur les procès-verbaux incriminés, selon lesquels toutes les études d’impact environnemental auraient été réalisées, la population locale, à une soixantaine de mètres du projet, n’aurait pas exprimé d’objection pour son maintien et les travaux seraient conformes à la loi sur les carrières. Les PV indiquent également que la commission en charge de se déplacer sur les lieux afin de réaliser les contrôles nécessaires n’aurait pas relevé d’irrégularités.

«En creusant dans un comparatif entre ce qui a été acté et signé dans le PV en question et la loi sur les carrières, nous avons soulevé plusieurs incohérences et des non-conformités, notamment au niveau des dates indiquant les délais de chaque procédure, sur la base de quoi nous avons décidé de saisir le tribunal de première instance contre les signataires en tant qu’individus pour faux et usage de faux», déclare-t-elle. La présidente de l’association explique avoir eu recours à cette voie, puisqu’un précédent procès devant le tribunal administratif, gagné en première instance, est désormais examiné en cassation.

Après avoir découvert les nouveaux éléments du mois de septembre, l’associative raconte s’être rendue dernièrement au service foncier dont relève la commune rurale, documents à l’appui, «pour demander des explications sur l’extension des travaux et informer qui de droit des soupçons de falsification». «Les services concernés ont décidé d’en faire part à la Wilaya de région orientale - préfecture d’Oujda, afin d’enquêter sur les agissements de l’exploitant. Mais quand je m’y suis rendue pour voir quelles décisions auraient été prises, des administrateurs m’ont dit que s’il y avait un problème avec l’exploitation, il fallait saisir la justice ; c’est ce que nous avons fait», a-t-elle expliqué. Selon elle, le propriétaire de la carrière aurait «une grande influence au niveau local», ce qui lui aurait permis de «faire usage de méthodes peu louables pour obtenir tous les documents nécessaires à la continuité de la carrière».

Des agissements remontant à 2014

La mise en place du projet de la carrière, depuis 2014, a d’ailleurs provoqué des contestations au niveau local. Selon Sanaa Naimi, l’investisseur n’aurait pas informé les riverains dès le départ qu’il s’agissait de travaux pour mettre en place une carrière de gravier, d’autant que leurs exploitations agricoles et leurs domiciles sont mitoyens au site, à moins de soixante mètres. «Au début des repérages, la version qui circulait était que certaines personnes se rendaient sur les lieux dans l’objectif de faire passer une route. Avec le lancement des travaux, nous nous sommes rendus compte qu’il ne s’agissait pas de cela. La population a commencé ainsi à manifester et à se plaindre auprès du caïd, mais ont réalisé qu’il y avait déjà des autorisations accordées», rappelle l’associative. En 2017, les manifestations ont donné lieu à des arrestations parmi les riverains.

De plus, «le terrain sur lequel le projet est mené appartient au domaine privé de l’Etat chérifien et il est donc hors de question qu’il soit passé à investisseur privé, sauf qu’un particulier l’a enregistré en tant que bien légitime hérité de son père, sur la base de faux documents», a indiqué l'associative. C’est cette affaire qui a été portée devant la justice administrative, dans un premier temps. Consulté par Yabiladi, le jugement a été d’abord en faveur des plaignants, ordonnant «de retirer le titre foncier falsifié, de mettre fin aux travaux de la carrière, de démonter les installations et de rendre le terrain à son état initial, d’avant le début de l’exploitation».

Mais en appel, la partie civile a été déboutée et le jugement aurait cette fois-ci été «calqué sur les arguments de la défense», selon Sanaa Naimi. Depuis, l’affaire a été portée en cassation. «Nous attendons toujours une décision mais pendant ce temps, l’exploitant continue son ouvrage et il a obtenu de nouvelles autorisations d’extension», regrette-t-elle.

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